Le Fantôme de Theresienstadt : un documentaire français retraçant l’histoire d’un enfant-poète assassiné par les nazis
En 1942, Hanuš Hachenburg, un garçon juif de 13 ans, est déporté au ghetto de Theresienstadt (Terezín). Avec ses copains du baraquement numéro un, il fonde la République imaginaire de Škid, une « nouvelle société sans manipulation et humiliations ». Les garçons se rencontrent régulièrement et publient clandestinement un magazine littéraire, « Vedem », dans lequel ils dénoncent, souvent sur le ton de l’humour, les horreurs de la guerre. L’histoire de cet enfant disparu sous le régime nazi, auteur de poèmes et d’une pièce de théâtre, revit actuellement en France grâce à un nouveau documentaire intitulé Le Fantôme de Theresienstadt.
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Le jeune réalisateur Baptiste Cogitore travaille sur l’histoire de Hanuš Hachenburg avec sa femme Claire Audhuy, spécialiste du théâtre des camps de concentration, depuis plusieurs années déjà. Ce qui avait commencé comme une simple recherche de doctorat, a vite pris une envergure beaucoup plus importante : le couple a notamment édité une version française de la pièce de Hanuš Hachenburg « On a besoin d’un fantôme », puis l’a mise en scène avec des lycéens strasbourgeois avant de préparer un spectacle intitulé « Eldorado Terezín ». Celui-ci retrace l’histoire du poète et du ghetto qui servait de camp-vitrine du Troisième Reich. Baptiste Cogitore raconte :
« L’idée du film est née il y a quelques années de cela, quand nous avons commencé à rencontrer les survivants qui ont connu Hanuš Hachenburg. En 2015, nous avons préparé un livre éditant les textes en français de ce jeune poète qui a été préfacé par un survivant de l’Holocauste. Mais entre le livre et le film, nous avons trouvé de nouveaux éléments, nous avons appris de nouvelles choses, nous avons rencontré de nouveaux témoins. Le film est donc né pour rassembler ce que nous savons aujourd’hui de Hanuš Hachenburg. »
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« Il s’agit surtout d’un film de témoignage. Il y a donc des entretiens avec des survivants qui racontent leurs souvenirs de Theresienstadt, d’Auschwitz et de Hanuš Hachenburg. Il y a aussi des textes de Hanuš : ses poèmes et sa pièce de théâtre ‘On a besoin d’un fantôme’ dont nous avons filmé des extraits qui viennent de la mise en scène de Claire Audhuy intitulée Eldorado Terezín. La parole des survivants et les textes du poète représentent donc les deux éléments les plus essentiels du film. Nous entendons aussi Claire Audhuy qui nous raconte l’histoire de ce garçon et nous découvrons beaucoup d’images d’archives, notamment d’un film de propagande nazie tourné à Theresienstadt. Il y a également des dessins animés grâce auxquels nous pouvons nous promener dans le bloc des enfants de Birkenau. Ces dessins sonorisés reconstituent cette atmosphère très spécifique des chambrées des garçons. Ils sont en partie imaginaires, c’est une manière de s’imaginer à quoi pouvaient ressembler ces chambrées. Mais ils sont en même temps aussi très documentés et fournissent des informations que m’ont données des témoins ou que j’ai trouvées dans d’autres sources, des informations qui ne passent plus par les mots mais par l’image. Tout cela donne un film composé de formes variées mais qui s’emboîtent bien et permettent de raconter cette histoire avec différents supports. Enfin, la musique occupe, elle aussi, une place importante dans le film, car elle permet de lier tous ces éléments. »
Un documentaire pour lutter contre l’oubli
Les travaux sur le documentaire se sont étalés sur plusieurs années. D’après Baptiste Cogitore, le défi principal consistait à retrouver des témoins de l’époque qui ont connu Hanuš Hachenburg :« Nous avons dû retrouver les survivants un par un. Ils ne sont pas forcéments tous disponibles pour des interviews. Il a fallu en convaincre un certain nombre. D’autres ont refusé de me parler parce qu’ils étaient trop fatigués ou avaient l’impression d’avoir déjà tout dit sur cette histoire. Les personnes que j’ai rencontrées vivent à Miami, à Toronto, à Prague, à Jérusalem, à Paris… Nous avons donc fait un tour du monde pour retrouver leur parole. »
Assassiné en 1944 à Auschwitz-Birkenau, Hanuš Hachenburg n’a laissé que très peu de traces. Aucune photo de lui ne nous est parvenue. Seuls certains de ses textes contestataires publiés dans le magazine Vedem ont été conservés grâce à un rescapé, Zdeněk Taussig qui apparaît, lui aussi, dans le film. Si ces textes ont fait l’objet d’une publication par le passé, leur jeune auteur reste toujours un peu mystérieux. Pour Baptiste Cogitore, le documentaire veut donc sortir cet enfant de l’oubli et faire revivre son histoire :« Il est vrai que Hanuš n’a pas toujours laissé de grands souvenirs aux survivants. C’était un garçon discret, assez réservé, un peu timide, un peu effacé, parfois à l’écart du groupe. C’est pour cette raison que le film s’appelle Le Fantôme de Theresienstadt. Mais quand les témoins se sont repenchés sur cette histoire, certains souvenirs sont quand même remontés, notamment à la lecture des poèmes de Hanuš Hachenburg. Ces poèmes leur ont souvent évoqué d’autres souvenirs encore. Pourtant, plus le film avance, plus Hanuš Hachenburg s’efface. On sait très peu de choses de lui dans le camp d’Auschwitz. Je suis heureux que Toman Brod, la dernière personne à l’avoir vu vivant, au moment de la sélection dans le camp des familles de Birkenau, ait ce souvenir de Hanuš à Auschwitz et le présente dans le film. Que le souvenir perdure, même si les traces s’effacent petit à petit. »Faire connaître l’histoire du ghetto à travers l’histoire d’un enfant
Le film a été récemment projeté en première mondiale à Strasbourg et a été diffusé sur plusieurs chaînes de télévision locales. Et, à en croire son réalisateur, il a suscité un vif intérêt auprès du public alsacien :« L’histoire de Terezín est assez méconnue en France. L’histoire de Hanuš Hachenburg permet donc de faire la lumière sur l’histoire de cette ville tchèque. La manière dont j’ai filmé la ville pose également des questions sur Terezín aujourd’hui, sur comment vivre dans cette ville après cet épisode. J’essaie d’être présent aux projections et d’accompagner le film pour répondre aux questions auxquelles le film ne répond pas, car il raconte plus l’histoire de ce poète que celle du gheto ou de la République tchèque. Les échos sont pour l’instant assez enthousiastes. Les gens me disent souvent qu’ils ne connaissaient pas cette histoire. Je suis donc content que l’histoire du ghetto puisse trouver un public plus large en France. »
En juin dernier, le documentaire a obtenu le Prix Fondation Auschwitz – Jacques Rozenberg, une récompense attribuée aux projets inédits et originaux qui apportent une contribution à l’analyse politique, économique, sociale et historique de l’univers concentrationnaire nazi. Dans les mois à venir, ses auteurs veulent organiser des projections et débats un peu partout en France et participer à différents festivals. Baptiste Cogitore :« Nous allons préparer également une édition en DVD sur lequel figureront des entretiens inédits qui ne sont pas dans le film mais qui sont quand même intéressants. Enfin, jaimerais bien préparer aussi une version anglaise et une version tchèque. »
Pour plus d’informations sur le documentaire et les projections, il est possible de consulter le site du projet : www.rodeodame.fr/le-fantome-de-theresienstadt.