À dix mois des législatives, le parti d’extrême droite des « Automobilistes » fait rugir le moteur
Parti anti-système qui avait réalisé le troisième meilleur score aux élections européennes en juin dernier (10,26 %), les « Motoristé » (« Automobilistes ») ont organisé, samedi 7 décembre, le premier congrès de leur jeune histoire. À un peu moins d’un an des élections législatives, cette formation aux idées proches de l’extrême droite aborde cette échéance électorale avec beaucoup d’ambition, et notamment celle de participer à la formation d’une coalition gouvernementale avec le mouvement populiste ANO d’Andrej Babiš.
S’il réalise un score insuffisant pour former seul un gouvernement, avec quel(s) autre(s) parti(s) le mouvement ANO dirigé par Andrej Babiš, grand favori selon les derniers sondages des élections législatives qui se tiendront à l’automne 2025, s’alliera-t-il pour mettre sur pied une coalition majoritaire à la Chambre des députés ? S’il est encore trop tôt pour répondre à cette question, et si beaucoup de choses peuvent encore se passer et évoluer d’ici l’organisation du scrutin dans une dizaine de mois, le congrès, le premier du nom, samedi à Prague, du parti « Motoristé sobě » (littéralement « Les automobilistes pour eux-mêmes ») a néanmoins fourni quelques éléments possibles de réponse.
Fondés en 2022 sur les cendres du Parti de l’indépendance de la République tchèque, les Automobilistes se situent très à droite sur l’échiquier politique tchèque, et même à son extrême droite avec le populisme de droite, le national-conservatisme ou encore, bien évidemment, le rejet de l’Union européenne comme points centraux de leur idéologie.
Visiblement inquiet de leur montée en puissance, l’hebdomadaire libéral Respekt leur consacre d’ailleurs sa une et un long article consacré à leur travail de sape mené dans les universités du pays dans son numéro de cette semaine, tandis que le quotidien Deník N, lui aussi libéral, remarque que le congrès de samedi, bien plus qu’à un rassemblement politique traditionnel, a ressemblé à un grand spectacle son et lumière auquel ont participé des centaines de nouveaux membres et des personnalités comme l’ancien président de la République Václav Klaus, le vice-président du mouvement ANO Karel Havlíček ou encore Jiří Čunek, figure controversée du parti chrétien-démocrate, une des quatre formations de l’actuelle coalition gouvernementale.
Si son appelation « Les automobilistes pour eux-mêmes » est là pour marquer l’opposition du parti à l’interdiction de la production de véhicules équipés de moteurs thermiques et plus généralement à toutes les initiatives proposées dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe, le maintien du modèle traditionnel de l’industrie automobile, enjeu économique aussi important soit-il en Tchéquie et en Europe centrale, n’est toutefois pas son seul combat. C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé son leader Petr Macinka, proche collaborateur de longue date de Václav Klaus, lors du discours qu’il a prononcé samedi, peu avant sa réélection à la tête du parti pour les deux prochaines années :
« Nous avons choisi les termes « automobile » et « automobilisme » comme un symbole compréhensible par le public pour représenter tout ce que les progressistes de gauche attaquent de façon si agressive de nos jours. Nous nous trouvons à une époque où ces gens-là dépeignent et présentent comme des ennemis les choses ordinaires, les valeurs fondamentales et les domaines dont dépend la vie de la grande majorité de la société. Ennemis de la planète, ennemis de la morale, ennemis de l’Occident, ennemis de l’avenir et même, de plus en plus souvent, ennemis de notre présent. Nous avons formulé dix thèses, dont découlent dix valeurs, domaines, produits ou entités qui ne sont pas et ne doivent pas être perçus comme des ennemis. L’automobile n’est pas un ennemi. »
Après avoir présenté les dix principes idéologiques fondamentaux du parti (« L’automobile, l’homme, le climat, l’énergie, le charbon, l’industrie, le marché, la couronne (la monnaie tchèque), la vérité et la liberté ne sont pas des ennemis »), Petr Macinka a déclaré que la principale ambition des « Motoristé » pour les élections législatives à venir était de vaincre le parti conservateur ODS dirigé par l’actuel Premier ministre Petr Fiala et que s’ils réalisaient un résultat satisfaisant, ils ne se contenteraient pas d’un rôle au sein de l’opposition et ne soutiendraient qu’un gouvernement dont ils feraient partie.
Pour l’heure, il reste toutefois à savoir si les Automobilistes se présenteront seuls à ces législatives, alors que les derniers sondages les créditent de moins de 5 % d’intentions de vote, soit le seuil électoral mininum pour pouvoir être représenté à la Chambre des députés et ainsi pouvoir espérer participer à la formation du prochain gouvernement.
En juin dernier, toutefois, la formation d’une coalition avec « Přísaha » (« Serment » en français), autre parti d’extrême droite qui a fait de la lutte contre la limitation de la souveraineté de la Tchéquie ou de la protection des frontières de l’UE deux de ses priorités, leur avait permis, en recueillant 10,26 % des suffrages, de réaliser le troisième meilleur score aux élections européennes, derrière ANO (26,14 %) et la coalition de centre-droit « Spolu » (« Ensemble ») qui regroupe trois des quatre partis de la coalition gouvernementale (22,27 %). Un score qui leur permet ainsi d’être représenté par deux députés au nouveau Parlement européen, qui ont aussitôt rejoint les rangs du groupe d’extrême droite « Patriotes pour l’Europe » fondé par Viktor Orban et présidé par Jordan Bardella.
Un succès alors inattendu qui prouve que la montée en puissance des « Automobilistes », malgré un nom qui peut prêter à sourire et un programme limité au strict minimum, doit être considérée avec le plus grand sérieux.