A la découverte de la Šumava, le « cœur vert de l’Europe »
Entre les lacs légendaires et les immenses épicéas, bienvenue dans le « cœur vert de l’Europe ». Notre destination d’aujourd’hui, c’est la Šumava, ce massif montagneux du sud de la Bohême, à la frontière entre l’Allemagne, un petit bout de l’Autriche et la République tchèque.
Proclamé Parc national en 1991 et reconnu patrimoine de l’UNESCO, ce massif montagneux, où la Vltava prend sa source, héberge une biosphère encore vierge par endroits. Afin de la protéger au mieux, la forêt de la Šumava est divisée en trois zones. La première, qui représente environ 13% de la forêt, est un espace étroitement protégé où il est interdit de circuler en dehors des sentiers déjà dégagés, et l’intervention de l’homme y est réduite au strict minimum. C’est au cœur de cette zone que se cache Boubín, la plus ancienne forêt vierge tchèque : l’âge de ses conifères peut atteindre quatre cents ans ! La zone II, elle, regroupe 82% de la superficie du parc. C’est celle qui est réservée au tourisme, et l’on peut y circuler librement à condition de respecter la règlementation environnementale. Enfin, la zone III est consacrée aux activités économiques : agriculture, exploitation forestière, services...
« Comme j’ai une sensibilité un peu artistique, ces paysages m’ont fait penser à des peintures de paysages slaves à la charnière entre le XIXe et le XXe siècle. Ces décors typiques de forêts et de lacs, Mucha les a repris dans des peintures épiques à même d’insuffler une identité slave. »
Lucile Zheng-Launay n’est pas la seule à avoir senti le potentiel esthétique de la Šumava. C’est au cœur de la forêt de Bohême que le graveur Josef Váchal a trouvé l’inspiration qui lui permit, dans les années 1930, de composer « Šumava umírající a romantická » (la Šumava mourante et romantique). Avec lyrisme et mystère, Váchal évoque une rivière Vydra aux effluves de jasmin ou les eaux de Křemelná, parfumées comme le café. Et en parlant de mystère, la Šumava pourrait bien être cette forêt déserte où atterrit Jan Dítě après ses quatorze ans et neuf mois de prison, dans « Moi qui ai servi le roi d’Angleterre », le film de Jiří Menzel tiré d’un célèbre roman de Bohumil Hrabal. Outre l’imaginaire de ces auteurs, c’est aussi tout un florilège de contes et de personnages plus ou moins légendaires, qui peuple ce massif si prisé des touristes. Laissons la parole à notre collègue Jaroslava Gissübelová, qui a déjà raconté l’histoire de ce parc national sur Radio Prague en janvier 2007.« La Šumava attire les visiteurs par sa nature. La cible la plus fréquente des touristes, ce sont les cinq lacs glaciaires, dont les plus connus sont le Lac noir et le Lac du diable. D'autres témoins des glaciers d'autrefois - les tourbières dont quelques-unes sont aujourd'hui accessibles par des sentiers. Une particularité naturelle et technique - des canaux servant à transporter le bois. Le plus célèbre d'entre eux, le canal Schwarzenberg, été remis en service, il y a cinq ans, après de longs travaux. »
La légende dit que le lac Čertovo jezero doit son nom au diable, qui y aurait été noyé par une jeune fille plus maligne que lui. De désespoir, il aurait creusé ce vallon difficile d’accès mais dont la vue magnifique vaut assurément le coup. On raconte qu’aujourd’hui encore, gnomes et autres créatures en sortent la nuit.
Voulez-vous tenter l’aventure ? Dans ce cas, nous vous recommandons l’itinéraire qui passe par le lac Černé jezero, dont les eaux noires ne manqueront pas de vous fasciner. Suivez le balisage jaune depuis Špičácké sedlo, au nord de la Šumava, puis le balisage rouge depuis le lac Černé jezero, et vous verrez peut-être la queue du diable s’agiter entre les pierres du Čertovo jezero.
Pour une autre vue à couper le souffle, enfoncez-vous davantage dans le parc pour y découvrir le lac Prášilské jezero depuis les hauteurs du belvédère Poledník.Enfin, les amateurs d’Histoire ne seront pas déçus de visiter les châteaux alentour, comme le château de Kašperk, fondé par l’empereur Charles IV, et celui de Velhartice, construit par son grand compagnon de beuverie, Buchek de Velhartice.
A pied ou en vélo, au nord ou au sud, le parc national de la Šumava ne manquera pas de vous charmer ! Pour vous y rendre, le plus simple reste de prendre la voiture, mais ceux qui préfèreront le train régional ne seront pas déçus du voyage. Traverser les paysages de Bohême au rythme des voies ferrées, et attendre l’arrivée du train dans un minuscule bistrot, quoi de plus pittoresque ?