A la frontière tchéco-autrichienne, un an après l'élargissement de l'espace Schengen
Il y a un an, la République tchèque entrait dans l'espace Schengen, l'espace européen de libre-circulation. Petite virée un an après dans le sud de la Moravie, des deux côtés de la frontière entre l'Autriche et la République tchèque.
Dans un bistrot de Mikulov, à quelques kilomètres de la frontière autrichienne. Ici, rares sont les clients qui se plaignent de l’entrée de la République tchèque dans l’espace Schengen :
« C’est une bonne chose, moi je suis satisfait. De temps en temps je vais en Autriche faire des courses. On passe la fontière librement pas de contrôles, il suffit de freiner un peu et t’y es ! »
Pour le maire de Mikulov, Rostislav Koštial, cela reste difficile à croire que moins de vingt ans après la chute du rideau de fer qui passait à cet endroit, la frontière ait disparu dans les faits :
« C’est vraiment incroyable. C’est indescriptible et, hélas, difficilement transmissible. J’ai deux fils et c’est compliqué de leur expliquer comment c’était avant. J’habitais tout près de la frontière à l’époque, il y avait des agents qui surveillaient notre maison et tous nos faits et gestes. Ceux qui n’ont pas vécu ça peuvent difficillement comprendre ce que c’était de vivre dans cet environnement. »
Direction l’Autriche maintenant. De Mikulov il n’y a que quelques centaines de mètres à parcourir pour arriver là où il y avait un no man’s land il y a encore moins de vingt ans, et le rideau de fer qui séparait ici le monde communiste du monde capitaliste. Aujourd’hui plus rien de tout ça, mais nous nous faisons quand même arrêter par la police tchèque.
Un contrôle routier banal, mais les policiers nous précisent bien que l’ancien poste-frontière est bien un endroit idéal pour effectuer les contôles routiers, et qu’ils ont aussi pour mission de surveiller les passages de clandestins, apparemment le plus souvent venus de Tchétchénie par la Pologne.
Là où il y a un an il y avait encore les douanes, il y a aujourd’hui les bureaux du centre de coopération entre les polices tchèque et autrichienne. L’officier Lada Swiersovičová en est l’une des responsables :
« Beaucoup de gens pensent qu’ils peuvent voyager à l’intérieur de l’espace Schengen sans aucune pièce d’identité quand ils veulent et comme ils veulent mais ce n’est pas vrai. Même après l’élargissement de l’espace Schengen et l’ouverture des frontières, les gens doivent pouvoir prouver leur identité et doivent présenter une pièce d’identité valide en cas de contrôle par la police. »
Dans ce bureau de coopération tchéco-autrichien, les Tchèques parlent en allemand, et quelques policiers autrichiens se sont mis à apprendre le tchèque. Leopold Schreiber dirige l’équipe autrichienne :
« La coopération fonctionne bien, comme vous pouvez le voir. Nous travaillons dans le même local, avec des ordinateurs dont les bases de données sont communes. Il y a un contact direct entre nos deux équipes. La langue commune est principalement l’allemand, mais les fonctionnaires autrichiens apprennent le tchèque, avec des résultats variables... »
Immigration illégale et criminalité semblent être les préoccupations principales des polices autrichienne et tchèque le long de la frontière désormais ouverte. Leopold Schreiber :
« Je ne peux malheureusement pas vous donner de chiffres exacts, mais en ce qui concerne la criminalité, la tendance du côté autrichien est à la hausse, en tout cas pour ce qui est des vols, des cambriolages ou des vols de voitures. En ce qui concerne l’immigration clandestine, la norme européenne veut que les immigrants demandent l’asile dans le premier pays de l’UE dans lequel ils sont arrivés. Donc quand les clandestins arrivent par exemple de Pologne et que nous les arrêtons sur le territoire autrichien, nous les ramenons à la frontière tchèque, où les fonctionnaires tchèques les prennent en charge jusqu’à la frontière polonaise. »
L’immigration clandestine reste en Autriche et en République tchèque un problème moins important qu’ailleurs, les deux pays n’ayant plus aucune frontière avec des Etats non-membres de l'espace Schengen (exception faite du Lichtenstein pour l’Autriche) depuis l’entrée de la Suisse dans la zone européenne de libre-circulation, il y a deux semaines.
Nous continuons notre route, pour arriver à la première commune autrichienne après la frontière : Drasenhofen. Aucun charme, comparé à Mikulov. On choisit donc de rentrer au chaud, au bistrot une nouvelle fois. Pas le même enthousiasme à propos de Schengen ici : « Laisse tomber ! » répète le patron au moins quinze fois. Pour lui l’ouverture des frontières, c’est une « Katastrophe », la criminalité en hausse et les Tchèques qui viennent seulement acheter au supermarché du coin des produits moins chers que chez eux...
Au fil de cette conversation à sens unique, on devinera que l’aubergiste est surtout aigri parce que la majorité de ses clients étaient des douaniers qui travaillaient ici jusqu’à la fin du poste-frontière, l'année dernière. Il y a toujours des gens qui râlent, nous dit le maire de Drasenhofen, Josef Studeny, qui porte un nom typiquement tchèque, comme beaucoup d’Autrichiens :
« Naturellement, quelques-uns seront toujours prêts à se plaindre, et on ne doit pas les négliger, mais dans l’ensemble ça marche. Je vois certainement le positif, pour nous l’élargissement de Schengen est une grande chance, pour nois vosins tchèques aussi, et nous devons travailler ensemble. »
Travailler ensemble : en tout cas, si les Autrichiens veulent aller travailler côté tchèque, ils le peuvent, mais les Tchèques ont encore besoin d’un permis pour travailler en Autriche. En attendant la fin des restrictions, une des priorités de la prochaine présidence tchèque de l’UE, les enfants n’attendent pas. Ils sont plus d’une dizaine de petits Tchèques que leur famille a décidé d’inscrire à l’école maternelle autrichienne. Des bambins qui, pour aller à l’école, traversent tous les jours une zone qui pendant des années a divisé le monde en deux blocs.