A l’approche des élections, la peur des migrants redevient une préoccupation politique
Comme lors de la campagne qui avait précédé les dernières élections législatives il y a cinq ans, l’immigration clandestine, sujet sensible dans les pays d’Europe centrale, a depuis quelques semaines retrouvé sa place dans le débat politique en République tchèque. Les chiffres démontrent pourtant que les craintes restent infondées.
Quatre jours après la Journée internationale du réfugié, le ministre de l’Intérieur tchèque, Jan Hamáček, doit s’entretenir, ce jeudi, avec ses homologues autrichien et hongrois, de la lutte contre la migration clandestine au sein de l’espace Schengen.
Cet échange se tient dans le cadre du Forum dit de Salzbourg, créé il y a vingt ans et dont la République tchèque assure actuellement la présidence tournante, qui doit favoriser la communication entre l’Autriche et les autres pays d’Europe centrale ayant appartenu à l’ancien « bloc de l’Est », parmi lesquels, outre les quatre du groupe de Visegrád, figurent la Bulgarie, la Croatie, la Roumanie et la Slovénie.
Cette rencontre se tient parallèlement aussi à l’ouverture, ce jeudi, d’un Conseil européen au programme duquel figure notamment la question complexe de la gestion des migrations, autrement dit du transfert de cette gestion aux pays voisins de l’UE – Turquie, Liban, Jordanie, Maroc ou encore Tunisie.
Les Vingt-sept souhaitent une meilleure coopération avec ces pays tiers, alors qu’eux-mêmes, six ans après la crise de la répartition des réfugiés qui reste un des plus grands échecs de l’Europe élargie, continuent de défendre des positions et intérêts très différents quant à l’accueil des migrants.
En République tchèque, même si on reste loin des clôtures en barbelé dressées par la Hongrie tout le long de sa frontière avec la Serbie, comme lors de la précédente campagne il y a cinq ans, la peur des migrants revient sur la table à l’approche des élections législatives, qui se tiendront dans moins de quatre mois.
Pour plusieurs partis, parmi lesquels notamment le mouvement ANO du Premier ministre Andrej Babiš, l’immigration, plus particulièrement en provenance des pays du Proche-Orient et africains, est redevenue une préoccupation.
Lors d’un récent discours devant la Chambre des députés, le chef du gouvernement a ainsi déclaré : « J’ai déjà dit mille fois que la République tchèque est un Etat souverain et que nous sommes les seuls à pouvoir décider de qui peut y travailler et y vivre. Je ne veux pas d’une Europe musulmane. Nous ne voulons pas d’un Etat pirate multiculturel et écofanatique en République tchèque », en s’attaquant sur ce dernier point au Parti pirate, un de ses principaux adversaires pour les élections.
Au-delà de l’idée répandue par certains politiques, que nous apprennent les chiffres sur la situation réelle en République tchèque ?
Selon des données communiquées en février dernier, la police tchèque a interpellé 7 093 migrants en situation illégale dans le pays en 2020, soit une augmentation de près de 25% en l’espace d’un an.
Mais cette augmentation s’explique notamment par les arrestations de personnes qui ne respectaient pas les mesures restreignant les conditions de séjour pour les ressortissants étrangers sur le territoire tchèque imposées par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus.
Le président de la police avait d’ailleurs concédé qu’il était « difficile de comparer les données de l’année écoulée avec celles des années précédentes ». Le nombre de ressortissants de pays tiers de l’UE qui ont passé illégalement les frontières de l’espace Schengen pour venir en République tchèque a d’ailleurs légèrement baissé pour, au total, un nombre légèrement inférieur à 450.
En provenance de quels pays ces migrants arrivent-ils en République tchèque ?
Là encore, selon la police et le ministère de l’Intérieur, ce sont les personnes originaires des pays d’Europe de l'Est qui, le plus souvent, entrent illégalement en République tchèque. Plus concrètement d’Ukraine (près de 200 resortissants interpellés entre janvier et novembre 2020), de Géorgie (58 personnes) et de Russie (42 personnes).
Concernant les arrivées en provenance de pays non européens, elles concernent le Vietnam, l’Afghanistan, la Syrie, le Maroc ou encore le Pakistan, mais leur nombre se limite à quelques dizaines tout au plus. Quant aux personnes qui transitent par la République tchèque dans l’idée de rejoindre un pays européen plus à l’ouest, elles sont essentiellement originaires de Syrie, de Turquie ou du Maroc.
Autant de chiffres qui confirment qu’il est bien hasardeux d’évoquer une migration de masse en République tchèque.
Qu’en était-il de cette migration au plus fort de la crise au sein de l’UE en 2015 ?
Il y a six ans, les policiers tchèques avaient interpellé un peu plus de 8 500 migrants qui, le plus souvent, se trouvaient en situation de transit illégal. Près de 2 300 personnes avaient tenté de traverser la République tchèque en provenance de Syrie, d’Ukraine, du Koweït, d’Afghanistan ou d’Irak pour poursuivre leur route plus à l’ouest.
Depuis, les chiffres ont donc baissé, laissant la République tchèque très loin des situations autrement plus compliquées auxquelles sont confrontées notamment les pays du sud de l’Europe.