Presse : quand un tournage Netflix bouleverse la vie des Pragois

Le tournage de la série The Gray Man à Prague

Cette nouvelle revue de la presse de la semaine écoulée s’intéresse d’abord aux questions soulevées par le tournage à Prague d’une série à gros budget produite par Netflix. Elle se penche ensuite sur certains aspects de la campagne électorale qui voit ressurgir le sujet de la migration. Quelques mots aussi sur ceux qui refusent la vaccination.

Les cinéastes ont-ils le droit de bloquer pour un tournage toute une moitié du centre de Prague ? Une question soulevée dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt en lien avec le tournage dans la capitale tchèque de la plus grosse série produite par Netflix, The Gray Man, avec Ryan Gosling et Chris Evans dans les rôles titres. Celui-ci s’est déroulé dans plusieurs localités, donnant un visage inédit à certaines places, dont notamment la place Palach non loin de la Vltava et fermant à la circulation plusieurs ponts et rues très fréquentés de Prague. « Il n’est guère étonnant que les Pragois l’aient assez mal accueilli », remarque le commentateur du magazine selon lequel cette expérience a ouvert un débat sur l’importance et le profit apporté par les tournages de films étrangers dans le pays :

« Des productions étrangères sont tournées en Tchéquie depuis les années 1990 où la capitale tchèque représentait la ville européenne la plus sollicitée. Mission impossible, Hellboy ou L’Illusionniste. Tels sont quelques-uns des films qui y ont été réalisés à l’époque. Prague a vu par la suite émerger une concurrence à Budapest, à Londres, ou encore en Roumanie et en Pologne. Outre notamment le montant des incitations fiscales proposées par tel ou tel pays, c’est la qualité des métiers du cinéma qui est devenu un des critères de décision pour les les productions étrangères. C’est d’ailleur cela qui semble avoir bénéficié à Prague pour le film The Gray Man. »

Le bénéfice des grands projets étrangers réalisés en Tchéquie qui est en premier lieu d’ordre financier est incontestable. Mais les Pragois, comme le remarque le commentateur de Respekt, ont le droit de voir la situation d’un autre œil :

« Pour beaucoup d’entre eux, les complications liées à ce dernier tournage de grande ampleur et concernant également les transports publics vont au-delà tout ce qu’ils seraient prêts à accepter. Or, il aurait été préférable de leur expliquer dès le début clairement quels en seraient les bénéfices  tant pour Prague et pour eux-mêmes. Une façon de les rendre plus tolérants et plus ouverts à suivre le tournage comme une attraction rarement vue. »

Une campagne électorale sous le signe de l’affrontement

« Affrontement, c’est le mot clé qui marque les élections législatives d’octobre. » C’est du moins ce qu’estime un commentateur du journal en ligne Forum24 qui a indiqué à ce propos :

Andrej Babiš | Photo: Ondřej Deml,  ČTK

« Les deux coalitions électorales d’opposition, PriSTAN et SPOLU proposent un changement. Au vu des hésitations et d’une certaine illisibilité qui les caractérisent, cette perspective paraît assez incertaine. Le chef de gouvernement Andrej Babiš et ses alliés en profitent actuellement pour lancer une offensive frontale. Leur communication avec les électeurs est dès lors réduite à un affrontement permanent, que ce soit contre le covid ou des migrants imaginaires. De même, cette lutte est menée dans l’optique de lendemains heureux pour les personnes âgées, pour le soutien et des ubventions aux corporations tchèques, pour le bien-être des consommateurs tchèques. Evidemment, la prétendue l’arrogance de l’Union européenne et l’indépendance énergétique font également l’objet de cette lutte. »

« Même si la campagne électorale se transforme en affrontement, cet été n’est qu’un prélude à ce qui sera un automne véritablement chaud », signale le commentateur de Forum24. Selon lui, cet affrontement sera dur est impitoyable.

La migration inquiète-t-elle encore les Tchèques ?

La carte « migration » que brandit le leader du mouvement ANO Andrej Babiš contre le parti Pirate est un calcul logique, constate l’auteur d’une note publiée dans une récente édition du quotidien Deník N. « Même si aucune vague de migrants n’est en train de déferler sur la Tchéquie, il y a toujours pas mal de ses habitants qui la redoutent », explique-t-il avant de rappeler :

Photo illustrative: United Nations Photo,  Flickr,  CC BY-NC-ND 2.0

« Lorsqu’en 2015, l’Union européenne a été confrontée à la crise migratoire, cette question a été l’une de celles qui ont dominé le débat électoral tchèque ainsi que les scrutins suivants. Elle fait régulièrement l’objet de commentaires dans l’ensemble des partis et mouvements politiques, tandis que certains politiciens cherchaient à bâtir leur succès sur ce sujet. Force est de constater que leur tentative a réussi. Les sentiments anti-migrants ont été nourris non seulement par le parti populiste SPD de Tomio Okamura mais aussi, dans une moindre mesure, par des partis à droite et à gauche. »

Comme la Tchéquie n’a connu aucun afflux de réfugiés, les craintes liées à la migration se sont affaiblies avec le temps. Pourtant, comme le remarque le commentateur de Deník N, elles sont restées profondément ancrées dans les esprits d’une partie de la population :

« La pandémie de coronavirus a mis la question de la migration à l’arrière plan jusqu’au moment où Andrej Babiš et son mouvement ANO ont commencé à la ressusciter et ce depuis quelques semaines déjà. Une façon d’attaquer ses principaux concurrents aux prochaines élections législatives, la coalition des Pirates et des Maires (PriSTAN) que les sondages placent tantôt en première, tantôt en deuxième position. Ils sont allés jusqu’à les accuser de vouloir faire venir en Tchéquie des migrants et de les héberger au sein de familles tchèques. »

Ceux qui refusent la vaccination

« C’est étonnant. Malgré des dizaines de milliers de victimes du coronavirus, il existe en Tchéquie toujours beaucoup de gens qui refusent non seulement de se faire vacciner, mais aussi de subir des tests, de présenter un certificat de maladie ou de porter un masque là où il est obligatoire ». C’est ce qu’indique un texte publié dans le quotidien Hospodářské noviny. Son auteur rapporte qu’il existe même une nouvelle formation politique dont le cœur du programme électoral est son opposition virulente aux mesures sanitaires anti-Covid et à la vaccination. Ceci dit, il n’est pas selon lui souhaitable de mettre en place une vaccination obligatoire :

Photo: Vít Šimánek,  ČTK

« La possibilité de choisir constitue une valeur en soi. Tous ceux qui choisissent de dire ‘non’ devraient toutefois réaliser que leur ‘liberté’ doit être compensée par un sens de la responsabilité. De même, les non vaccinés ne devront pas s’étonner si, telles des personnes à risque, ils n’ont plus le droit de participer à certains événements, tout comme les hooligans dont l’accès est interdit dans certains stades de football. Et, enfin, ils devraient s’habituer à ce que leurs positions laissent la majorité des gens responsables complètement indifférents. »

Un point économique

Les longues restrictions une fois terminées, la relance de l’économie tchèque apporte des fruits positifs. C’est ce dont fait part un texte mis en ligne sur le site Echo24.cz. Son auteur rapporte notamment :

Photo illustrative : ds_30,  Pixabay,  CC0 1.0 DEED

« Les dernières données révèlent une baisse du taux de chômage qui se situe actuellement autour de 3,7 %. Ce constat confirme que les gens n’ont pas perdu leur travail même à l’heure où les programmes de soutien se réduisent ou s’arrêtent. »

Un phénomène marquant à retenir, de l’avis du commentateur, c’est le passage de la main d’œuvre du secteur privé vers l’administration publique. Sont notamment touchés les secteurs de la gastronomie, de l’hôtellerie et du bâtiment, désormais considérés comme incertains. Outre ces domaines, ce sont traditionnellement l’agriculture et l’industrie qui sont en manque de travailleurs qualifiés.

« Un retraité allemand paie volontiers la dette carbone. Un retraité tchèque paie la dette du socialisme », titrait une texte publié dans le journal E15 dans lequel on pouvait lire :

« En Allemagne et en Autriche, deux pays avec lesquels nous aimons nous comparer, les retraités sont des gens riches. D’un certain point de vue, leur richesse a été créée au prix de la dette carbone. Dans ces pays, la jeune génération veut que celle-ci soit payée et entend mobiliser à cette fin les gens âgés. Ces deniers peuvent accepter leurs arguments et des limitations contraignantes, car leur richesse le leur permet. »

« La situation d’un retraité tchèque est différente », indique le commentateur. Peu nombreux sont effectivement ceux qui auraient pu accumuler un capital important sous le régime communiste. « Si les retraités tchèques ont du mal à accepter les arguments écologiques concernant la dette carbone, c’est parce qu’ils n’ont pas de quoi la payer », conclut-il.