A Paris, de jeunes journalistes tchèques et français ont débattu de la situation des médias

Photo: Petr Reimer / Ambassade de la République tchèque à Paris

Le déclin de la presse écrite, la propagande dans les médias ou le journalisme de données : ce sont quelques-uns des thèmes qui ont été abordés par une vingtaine de jeunes journalistes tchèques et français réunis, jeudi et vendredi, à l’ambassade de la République tchèque à Paris. Organisé dans le cadre du partenariat stratégique franco-tchèque, le colloque, intitulé « Jeunes Talents », a permis aux participants de se faire une idée plus précise de la situation des médias dans les deux pays, mais aussi d’échanger leurs expériences professionnelles. Radio Prague était sur place et l’ambassadeur Petr Drulák lui a tout d’abord présenté l’événement :

Photo: Petr Reimer / Ambassade de la République tchèque à Paris
« Cela fait partie d’une belle tradition que nous avons dans les relations franco-tchèques. Depuis plusieurs années, nous organisons annuellement une rencontre de jeunes professionnels. Nous avions déjà organisé des rencontres de jeunes diplomates, de jeunes agriculteurs, de jeunes scientifiques. Nous avons réfléchi en début d’année à la profession avec laquelle nous voulions travailler cette fois-ci. Nous nous sommes rendu compte que nous n’avions pas encore invité de jeunes journalistes. Le journalisme est toujours important aujourd’hui. Cette année peut-être encore un peu plus, car nous avons en Europe de nombreuses élections, tout comme l’an dernier. Quand on a des élections, le débat public est beaucoup plus agité, beaucoup plus intense et le rôle des médias est indispensable. C’est la raison pour laquelle nous avons pensé que la profession de journaliste pourrait être intéressante aujourd’hui. »

Sept journalistes tchèques de moins de 35 ans, issus de plusieurs grands médias tchèques, comme les quotidiens Mladá Fronta Dnes, Lidové Noviny, Právo ou Blesk, ou encore le site info.cz, et douze jeunes journalistes français de la chaîne de télévision France24, du quotidien L’Opinion, ou des magazines La Nouvelle Vie ouvrière et L’Etudiant, se sont rencontrés jeudi soir sur la terrasse de l’ambassade, donnant sur la tour Eiffel, pour débattre de la situation des médias et des problèmes auxquels ils sont confrontés. Les débats ont commencé avec une discussion portant sur la crise de la presse, animée par le journaliste français et ancien rédacteur en chef adjoint du Monde diplomatique, Dominique Vidal :

Photo: Petr Reimer / Ambassade de la République tchèque à Paris
« Nous sommes dans une situation paradoxale, avec d’un côté un déclin de la presse écrite, notamment de la presse écrite quotidienne nationale, et pour une autre part régionale, et une montée en puissance d’internet. Sauf que la presse écrite rapporte malgré tout beaucoup d’argent, représente beaucoup d’argent, mais pas assez pour se développer. Alors qu’internet se développe, mais pour l’instant, à de très rares exceptions près, n’est pas une source de développement économique. Donc, nous avons cette difficulté et il faut essayer de comprendre ce qu’il se passe. »

Les intervenants ont été choisis pour refléter une grande pluralité des opinions et la rencontre a été divisée en trois blocs principaux. Les participants ont discuté aussi de la propagande et du journalisme de données avec les journalistes indépendants tchèque et français, Daniel Kaiser et Alexandre Léchenet, ainsi que d’autres thèmes liés au présent et à l’avenir des médias, comme le financement, la création de grand groupes médiatiques ou l’influence politique sur le contenu. Dominique Vidal, qui a par le passé également enseigné à l’Institut de journalisme à l’Université Charles à Prague, explique comment s’est effectué le choix des thèmes :

« Pour moi, il était évident qu’entre journalistes, nous n’allons pas faire de grands discours sur les grandes questions politiques, ce n’est pas notre affaire. Ce qui est notre affaire, c’est notre métier, et les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à le faire, donc les problèmes qui ont été posés dans la discussion jeudi et vendredi. »

Les mêmes problématiques et les différents points de vue

Photo: Petr Reimer / Ambassade de la République tchèque à Paris
Petr Drulák, qui a lui-même pris part à tous les débats, s’est félicité de cette nouvelle édition du colloque « Jeunes Talents » :

« En général, c’est toujours une bonne chose quand on a la possibilité d’échanger sur son expérience, à tous les niveaux professionnels. C’est quelque chose qui peut élargir l’horizon, qui peut élargir la compréhension de l’autre. J’espère qu’après ce colloque, les journalistes français auront appris quelque chose de la Tchéquie, de nos problèmes, ou de la perspective du journalisme tchèque ; et inversement, que les journalistes tchèques auront appris quelque chose de la France. Pour moi, le but principal est l’approfondissement de la compréhension mutuelle. »

Et qu’est-ce qu’a apporté cette rencontre aux jeunes journalistes ? Plusieurs participants français nous ont confié leur expérience :

« Je m’appelle Emilie Kaminski et je travaille à France24, une chaîne de télévision internationale française qui apporte son regard français sur l’actualité internationale. J’ai été invité par Dominique Vidal qui travaille dans une association qui s’appelle La Chance aux concours et qui propose des formations aux jeunes journalistes issus de milieux sociaux défavorisés. Elle essaie de les amener à cette profession, d’apporter ainsi plus de diversité et plus de mixité dans les médias et d’avoir plus de points de vue qui reflètent la pluralité de notre société. J’ai été élève dans cette association et aujourd’hui, j’y suis bénévole. »

« Je m’appelle Yoann Giammetta et je travaille pour LCI, une chaîne d’information en continu nationale sur l’actualité politique française. J’ai découvert sur le réseau social Twitter une petite annonce indiquant que l’ambassade recherchait de jeunes journalistes français pour participer à ce colloque. »

Yoann : « A priori, la France et la République tchèque n’ont pas beaucoup de liens qui sautent aux yeux. Il est donc intéressant de pouvoir confronter notre point de vue occidental avec un pays qui a rejoint le bloc occidental il n’y a pas si longtemps et voir ce que pense la jeune génération tchèque de ces questions-là, puisque leur vision n’est probablement pas la même que celle de leurs parents et grands-parents. »

Photo: Petr Reimer / Ambassade de la République tchèque à Paris
Emilie : « Effectivement, il est très enrichissant de voir se confronter à différents points de vue et à des choses auxquelles nous n’avons pas pensé parce que nous avons une culture différente. »

« Je m’appelle Julie Chouteau et je travaille pour la chaîne internationale France24. J’ai appris que l’ambassade organisait ce colloque et qu’elle cherchait des journalistes portés sur la République tchèque par une connaissance. Vu que j’y ai vécu et que je suis allée en Tchéquie et en Slovaquie de nombreuses fois, j’ai décidé d’y participer. Je pense que cet événement a permis d’échanger sur nos différentes visions des médias et de faire des contacts. On ne sait jamais : peut-être un de ces journalistes tchèques ira un jour en France pour y faire un reportage et pourra contacter un des journalistes français qu’il a rencontré ici et inversement. »

« Je m’appelle Jean-Sébastien Létang. Je suis journaliste freelance pour L’Etudiant et à côté, je travaille dans une organisation qui s’appelle La plateforme des ONG françaises pour la Palestine pour laquelle je fais des vidéos, des infographies et de la communication en général. J’ai été invité par mon ancienne professeur de tchèque que j’avais à Science-Po à Paris et qui s’est souvenue de moi parce qu’elle savait que j’étais journaliste et en même temps un grand amoureux de la culture tchèque, de la langue tchèque et de la République tchèque. J’ai été très content de participer parce que ce colloque m’a permis d’allier plusieurs de mes passions – la réflexion sur les médias dans un cadre franco-tchèque.

Je connais certains médias tchèques parce que je les ai lus. Je sais qu’ils existent et je connais leurs noms mais je ne connaissais pas forcément les gens qui y travaillaient. Cela m’a donc permis de faire la rencontre de journalistes jeunes qui travaillent dans des médias comme Lidové noviny, Právo et d’autres grands médias tchèques, et d’apprendre quel était leur travail là-bas et de voir que, finalement, en République tchèque et en France, nous avons les mêmes problématiques liées au métier. »