A Prague, François Hollande insiste sur la nécessité de « ne pas séparer l’Europe en zones géographiques »
La situation au sein de l’Union européenne (UE), la sécurité, la délicate question du traitement des migrants, mais aussi le partenariat stratégique et les échanges entre les deux pays ont été au cœur de la visite éclair effectuée mercredi à Prague par François Hollande. Reçu par son homologue Miloš Zeman et par le Premier ministre Bohuslav Sobotka, le président français a insisté notamment sur la nécessité de redonner confiance en l’UE.
François Hollande n’a toutefois pas traîné à Prague. Une petite heure, déclarations à la presse comprises, passée en compagnie de Miloš Zeman, une autre pour échanger avec Bohuslav Sobotka, puis une allocution à l’ambassade de France en l’honneur de la communauté française, et le chef de l’Etat, arrivé en début d’après-midi, avait déjà repris l’avion en direction de Paris.
Au même titre que la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie, les trois autres pays d’Europe centrale qui forment avec elle le groupe de Visegrad, la République tchèque a la réputation, à tort ou à raison, de ne pas être un partenaire européen facile, entre autres sur la question de sa contribution à la résolution de la crise migratoire. Toutefois, à entendre les différentes déclarations faites mercredi, tout (ou presque) aujourd’hui semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes entre Prague et Paris, et ce malgré les tensions qui apparaissent parfois, comme l’a fait comprendre François Hollande :
« Il est très important que nous puissions avoir les meilleures relations entre la République tchèque et la France. La République tchèque appartient au groupe de Visegrad et la France est un pays fondateur de l’UE, mais nous ne pouvons pas nous séparer en zones géographiques. Nous pouvons avoir des positions qui, parfois, méritent d’être débattues, mais nous sommes ensemble pour défendre cette même vision de l’Europe. »Cette vision de l’Europe est également partagée par le Premier ministre tchèque. Néanmoins, Bohuslav Sobotka a profité du passage de François Hollande pour lui faire part d’un souci concret :
« Nous nous efforçons non seulement de maintenir les contacts dans le cadre du groupe de Visegrad, mais aussi de faire en sorte que l’Europe soit unie. C’est pourquoi la République tchèque est très active au niveau diplomatique vis-à-vis de l’Allemagne et de la France. Je suis heureux que nous ayons pu parler avec le président français du renforcement de la sécurité en Europe, de la protection des frontières de l’espace Schengen, et je pense pouvoir affirmer que nous nous comprenons très bien, notamment suite aux attaques terroristes auxquelles la France a été confrontée. Mais nous avons aussi discuté de l’augmentation des salaires. J’ai informé François Hollande du faible niveau des salaires dans notre pays. Leur montant ne représente qu’un tiers de ce que les entreprises françaises versent à leurs employés en France. C’est pourquoi j’ai appelé François Hollande à encourager les entreprises françaises qui sont implantées en République tchèque à augmenter leurs salaires chez nous aussi. »
Cet appel de Bohuslav Sobotka n’a toutefois été, semble-t-il, que partiellement entendu par un François Hollande dont les préoccupations en matière d’échanges économiques entre les deux pays sont quelque peu différentes :
« C’est vrai qu’il y a beaucoup d’entreprises françaises qui sont installées en République tchèque. Je souhaite moi aussi qu’il y ait de meilleures conditions de salaires qui puissent être proposées. Mais si ces entreprises sont là, c’est aussi dans l’intérêt de nos deux pays, dans le sens où il y a des emplois en France qui dépendent des activités en République tchèque. C’est la raison pour laquelle il est tout à fait décisif que nous puissions amplifier encore les investissements et les créations d’emplois dans nos deux pays, et ce sans rien craindre. Nous avons néanmoins besoin en Europe d’une convergence sociale et fiscale. »Autre sujet sensible aux yeux de Prague, évoqué cette fois par le président Miloš Zeman: la « loi Macron » qui impose désormais aux chauffeurs étrangers opérant en France de respecter les conditions de travail locales, et notamment d’être payés au niveau du salaire minimum français (cf. : http://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/transport-routier-la-concurrence-entre-chauffeurs-francais-et-tcheques-en-question). Cette mesure déplaît fortement aux compagnies tchèques, et c’est ce qu’a rappelé le locataire du Château de Prague :
« Cette loi rend difficiles les échanges avec la France pour nos transporteurs routiers internationaux. Nous avons convenu avec monsieur le président Hollande que ce sont nos ministres du Commerce et de l’Industrie qui se chargeront de discuter de cette question. »
Sur ce point précis non plus, François Hollande n’a pas tout à fait répondu aux attentes tchèques, puisque s’il a assuré qu’il ne s’agit de « mettre en cause la libre circulation y compris pour le transport par camions », il convient toutefois selon lui de « lutter contre un certain nombre d’abus et de fraudes » concernant les travailleurs détachés en adaptant « des principes fixés en France en conformité avec les règles européennes ».Concernant les échanges commerciaux proprement tchéco-français, François Hollande a expliqué que différents projets dans les domaines des transports, comme le TGV, mais aussi de l’énergie, notamment nucléaire, et de l’industrie de la défense ont été évoqués.
Enfin, le Premier ministre Bohuslav Sobotka a fait part de son désir de voir la France participer activement aux célébrations qui seront organisées en 2018 pour le centenaire de la création de l’Etat tchécoslovaque. La France a été le premier pays à reconnaître la Tchécoslovaquie en 1918, comme l’a rappelé François Hollande :
« La France l’avait fait aussi parce que les Tchèques étaient venus se sacrifier pour elle. Les Tchèques ont donné leur sang pour que la France puisse être libre. Il était donc légitime qu’elle soit le premier pays à reconnaître la Tchécoslovaquie. Il est toujours utile de rappeler l’histoire si nous voulons être conscients de nos responsabilités pour aujourd’hui et pour demain. »
Un rappel qui n’a pas satisfait les journalistes français présents à Prague, peu soucieux de ces considérations historiques et qui espéraient plutôt une annonce de François Hollande concernant son éventuelle candidature à l’élection présidentielle… C’est donc déçus que eux ont quitté la République tchèque et regagné Paris.