A Prague, la statue d’un ancien général soviétique, pomme de discorde entre la République tchèque et la Russie

La statue du maréchal Koniev, photo: ČTK/Roman Vondrouš

Le torchon brûle entre la République tchèque et la Russie. La raison : la décision prise, jeudi, par la mairie du 6e arrondissement de Prague de déplacer une statue d’un ancien maréchal soviétique, figure controversée de l’histoire entre les deux pays. L’épilogue néanmoins peut-être d’une longue controverse.

Ancien maréchal de l’Armée rouge, Ivan Koniev, à la mémoire duquel une statue a été érigée en 1980 à Prague par les dirigeants communistes tchécoslovaques, repose en paix depuis maintenant quarante-six ans. Mais peut-être s’est-il retourné dans sa tombe ces dernières semaines. Nous avons déjà parlé de ce qu’il convient d’appeler « l’affaire Koniev » en début de semaine.

De reproches en menaces, cette affaire a évolué depuis entre, d’un côté, la municipalité du 6e arrondissement de Prague et le ministère des Affaires étrangères tchèques, et, de l’autre, l’ambassade de Russie à Prague et le ministère de la Culture russe, dirigé par Vladimir Medinski que Le Monde, dans une chronique datée de juin 2018, avait présenté comme « ministre de l’inculture et de la propagande […] réputé pour son révisionnisme historique ».

L’affaire a évolué jusque donc la décision prise jeudi par le conseil de Prague 6, à une large majorité, de déplacer la statue et de la remplacer par un monument commémoratif dédié à la libération de la capitale à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Maire de l’arrondissement, Ondřej Kolář explique :

« Ne vous attendez pas à ce que nous fassions tomber cette statue, que nous la démolissions ou que nous l’endommagions de quelque manière que ce soit. Notre volonté est vraiment de trouver un nouvel endroit qui convienne mieux à son accueil. L’idéal serait de trouver une institution de mémoire, je pense là à un musée ou à un mémorial. Notre mission est de transférer dans les meilleures conditions ce qui est considéré comme une œuvre d’art. »

L’ambassade de Russie a réagi en protestant et en qualifiant la décision de choquante. Elle a émis le souhait d’un statu quo, de façon à ce que la statue reste au même endroit, sur la place des Brigades internationales (Interbrigády) dans le quartier de Bubeneč.

La statue du maréchal Koniev,  photo: ČTK/Roman Vondrouš

Certains conseillers municipaux ont proposé que la statue soit transférée au cimetière d’Olšany ou dans le jardin de l’ambassade de Russie. Des représentants pirates de l’opposition estiment qu’un référendum devrait être organisé pour que les habitants de Prague 6 puissent eux aussi s’exprimer. Interrogé sur le sujet au terme de sa visite très controversée en Serbie, le président de la République, Miloš Zeman, a pour sa part avancé que la statue pourrait trouver une place adaptée sur un terrain appartenant au ministère de la Défense:

« J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt l’idée formulée par le député européen Jan Zahradil, qui est aussi un résident du 6e arrondissement, et qui a expliqué que le ministère de la Défense y possédait de nombreux bâtiments et jardins. On pourrait donc imaginer que la statue du maréchal Koniev soit transférée dans un de ces jardins. »

Pavel Fischer,  photo: Jindřich Nosek CC BY-SA 4.0
Président, lui, de la commission en charge des affaires étrangères, de la défense et de la sécurité à la Chambre haute du Parlement, le sénateur indépendant Pavel Fischer, ancien ambassadeur tchèque en France et candidat à la dernière élection présidentielle, voit d’un bon œil la décision prise par la municipalité, qui est propriétaire du minument. Selon lui, ce qui importe est de trouver une issue qui convienne à toutes les parties intéressées. Et il estime que c’est le cas :

« L’évolution de la situation est telle et les choses sont allées tellement loin qu’il fallait prendre une décision. Le conseil du 6e arrondissement de Prague a débattu de façon ouverte, démocratique et souveraine. Le résultat du vote ne réduit en rien la valeur symbolique de la statue, au contraire même : un autre endroit digne de l’accueillir sera trouvé et un appel d’offres sera lancé sur la forme du nouveau monument dédié à la mémoire de tous ceux qui ont combattu pour la libération de la ville. Compte tenu encore une fois de la situation, j’estime qu’il s’agit là d’une solution très élégante et souveraine. »

Ce vendredi, Aleš Chmelař, vice-ministre des Affaires étrangères, a convoqué l’ambassadeur russe à Prague suite aux déclarations injurieuses du ministre de la Culture russe à l’encontre du maire de Prague 6. Ce à quoi le ministère des Affaires étrangères russe a réagi en menaçant de représailles les initiateurs du déplacement de la statue, « une action sans précédent »à ses yeux.