A Prague, le coronavirus participe à la révolution des mobilités

Photo: Tomáš Adamec, ČRo

Historiquement, Prague n’a été que tardivement aménagée pour permettre aux cyclistes de circuler sur ses routes. Aujourd’hui encore, le sentiment d’une ville peu « bike-friendly » prédomine largement, et ce malgré les efforts de l'association  Auto*Mat.

Il suffit de se promener dans le centre-ville et ses alentours pour vite comprendre qu’en matière de circulation à vélo, à Prague, on est loin de ce qu'on peut trouver dans d'autres grandes métropoles européennes. Les rues pentues, étroites et pavées ou encore la météo sont souvent avancées comme explications, mais l’excuse sert aussi à faire passer au second plan la prise de conscience tardive des autorités publiques.

Les premières infrastructures de cyclisme remontent au début du XXe siècle et les premières voies cyclables, dans la rue Letňanská, inspirées de celles que l’on peut trouver à Copenhague, datent de 1956. S’il y a bien eu un certain engouement pour le cyclisme de loisir à la fin des années 1980, il est  resté bien moindre que le développement de la voiture reine.

Photo: Jan Rosenauer,  ČRo

Les années 1990 et le retour de la démocratie avaient donné sa chance au vélo. Le président Vaclav Havel, par exemple, a fait don de 100 000 couronnes à la capitale pour la réalisation d’une piste cyclable « présidentielle » qui devait ceinturer le château. La piste n’a en réalité jamais vu le jour, l’argent ayant servi à combler un trou dans les caisses de la municipalité… Malgré tout, en 1993, le conseil municipal avait planifié la création de 400 kilomètres de pistes dans la capitale. Le projet aurait dû être achevé en 2000, mais, sept ans plus tard, à peine la moitié avait été réalisée.  Pas suffisant pour faire de Prague une nouvelle capitale du cyclisme.

C’est dans ce contexte qu’Auto*Mat, une association qui promeut la pratique du vélo, a été créée en 2007. Cette initiative s’intègre à un mouvement global : ses membres font partie d’une initiative internationale pour améliorer la vie dans les villes, World Car-Free Network, et de l’ONG Green Circle Association. Mais l’ambition d’Auto*Mat va au-delà de la promotion du vélo comme simple activité récréative.

Aujourd’hui, faire du vélo un moyen de transport courant pour les Pragois, et ainsi une alternative à la voiture, est devenu une priorité. C’est avec cette volonté qu’a été lancé Bike to Work, une compétition collective et amicale, dont les inscriptions en ligne se terminent fin mars cette année, qui encourage les entreprises et leurs employés à se déplacer à vélo de manière à colporter l’engouement auprès de leurs collègues. Damien Linhart, membre d’Auto*Mat, avait expliqué cela à RPI il y a quelque temps :

Damien Linhart,  photo: LinkedIn de Damien Linhart

« Effectivement, la sensibilisation est un des premiers enjeux. On voit bien que Prague n’est pas la première ville du vélo en Europe. Donc, il y a ce travail à faire. Il faut montrer que c’est possible de venir au travail tous les jours à vélo. C’est une façon d’inciter les gens à travers une compétition amicale, pleine de surprises et de cadeaux. »

Mais Auto*Mat ne s’arrête pas là et conjugue cette action à du lobbying auprès de la municipalité pragoise. L’idée est de convaincre les décideurs publics de l’intérêt à développer ce mode de transport. Bien connus, les bienfaits de la pratique sont en effet multiples et s'observent à différents niveaux. Maintien de sa forme physique mais aussi réduction de la pollution, désengorgement des routes et réduction du bruit urbain... Autant d’ingrédients pour améliorer la qualité de vie dans la capitale tchèque.

Avec une pandémie qui paralyse certaines activités et force à l’adaptation, les Tchèques ont modifié certaines de leurs pratiques, et le vélo a été grandement plébiscité par la population au début de la pandémie. Alors que les restrictions se multipliaient, la bicyclette a été perçue comme un moyen de transport sûr en termes de distanciation sociale contrairement aux transports en commun. La douceur de mars 2020 aussi a motivé les gens à monter sur leur vélo, l’occasion pour eux de découvrir la ville autrement. Pour preuve, depuis la déclaration de l’état d’urgence, le nombre de cyclistes a augmenté de 39%, comme l’a souligné Adam Scheinherr,  l’adjoint au maire en charge des transports.

Dans plusieurs villes européennes, la pratique du vélo est florissante ; elle s'intègre peu à peu dans le quotidien et le Covid-19 nourrit cette tendance. Cette inclination se conjugue aussi à une évolution de la perception qu’en ont les Tchèques : moyen de transport durable, propre écologiquement et sain, le vélo séduisait déjà de plus en plus avant la pandémie, comme une voie alternative des mobilités. L’année écoulée a confirmé cette tendance.

Photo illustrative: Picography/Pixabay,  CC0

Cette orientation gagne aussi les sphères politiques. La municipalité a saisi l’importance de cet enjeu : de 17 millions de couronnes en 2017, le montant du budget alloué à la pratique du vélo a été multiplié par dix en trois ans (soit environ 6 600 000 euros désormais), comme le confirme Damien Linhart :

« Cela s’améliore très nettement notamment en matière d’itinéraires et surtout dans les relations avec les institutions publiques qui sont, en matière de politique cyclable, des acteurs incontournables. Une bonne relation avec la mairie et les institutions est très importante. Le travail d’Auto*Mat va dans ce sens. »

Si la mobilisation d’Auto*Mat, tant auprès des décideurs politiques que du public, n’est donc pas vaine, son combat n’est pas encore gagné pour autant. Les pratiques doivent encore évoluer, raison pour laquelle l’association sensibilise aussi les plus jeunes à l'occasion d’ateliers. La population doit avoir les moyens de changer sa mobilité, et les infrastructures doivent alors être adaptées aux nouveaux modes de déplacement, très divers et en plein essor.

Pour vous inscrire au mouvement Bike to Work : https://www/dopracenakole.cz/en