A Prague, le mur John Lennon redécoré pour la présidence tchèque de l’UE
A Prague, le célèbre mur John Lennon, situé juste en face de l’ambassade de France, s’est offert un ravalement de façade : à l’occasion de la présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne, des dizaines d’artistes européens ont été invités à créer des œuvres autour du thème Liberté et énergie.
Des sprays, des pinceaux, des grosses boîtes de peinture, des pochoirs, des échafaudages : mercredi, des artistes représentant les pays de l’Union européenne ainsi que deux autres originaires d’Ukraine et de Norvège ont travaillé toute la journée pour offrir un nouvel apparat à la façade extérieur du mur d’enceinte des jardins de l’Ordre des Chevaliers de Malte. Parmi eux, une artiste française :
« Je m’appelle Anaëlle Bouard, j’ai 23 ans. J’ai été appelée à participer à l’appel à projet de cette fresque par le biais de quelqu’un qui fait partie de l’organisation de cette fresque. Je suis arrivée par le réseau disons. C’est un projet qui réunit de nombreux artistes européens. Je suis très contente et flattée d’avoir été choisie pour représenter plus ou moins la France. Le thème est Liberté and Energie. Moi cela me convient très bien, j’ai directement une idée qui m’est venue. Je suis fière de participer à ce projet. »
Liberté et énergie était un thème qui touchait tout particulièrement Viktoriia Savchuk, jeune artiste ukrainienne installée à Prague depuis cinq ans :
« J’ai peint un tank dans lequel poussent des tournesols. Cela représente la fin de la guerre. Je travaille au spray pour le fond de mon œuvre, et le reste est complété de manière classique à la peinture. Il y a une forme d’engagement dans ce travail, bien sûr, parce que je voulais faire une œuvre qui soit liée à la guerre actuelle. »
Si la nouvelle apparence du mur John Lennon se veut coïncider avec la présidence tchèque du Conseil de l’UE, l’idée de restaurer le mur tagué, graffé et peint par les passants n’est pas nouvelle. Déjà en 2019, le collectif mené par l’artiste tchèque Pavel Šťastný avait créé de nouvelles œuvres sur cet espace d’exposition à ciel ouvert de 150 m2. Au micro de Radio Prague Int., Pavel Šťastný a rappelé le caractère éphémère de ces créations, vouées à être continuellement complétées, et progressivement recouvertes par les contributions anonymes de passants :
« Dès le lendemain, il y avait eu de nouvelles inscriptions, bien sûr ! Qui passe par là dessine automatiquement quelque chose sur le mur. C’est normal, c’est ça la liberté et le mur un organisme vivant. En septembre 2019, le mur avait été restauré. On avait fait retirer le crépi qui devait être vieux de 40, 50 ans. J’en ai un morceau, ça fait un centimètre d’épaisseur et on dirait les cernes d'un arbre. On voit bien les couches de peinture qui se sont accumulées avec le temps. Parce que tout ceci a été enlevé, nous avons créé une nouvelle couche historique de peintures qui s’est en partie conservée jusqu’à aujourd’hui. »
Il y a trois ans également, le mur a acquis le statut de « lieu de mémoire », et l’été dernier, un petit musée a même ouvert ses portes à quelques pas, pour rappeler l’histoire du mur. Son histoire commence dès après l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques en 1968. De temps à autres, de jeunes Pragois, des opposants, investissent ce pan de mur pour protester contre le régime communiste. Après l’assassinat de John Lennon, à New York, en 1981, le mur devient un lieu d’hommage au membre des Beatles disparu, ses actions pour la paix le transformant en symbole aussi pour la jeunesse tchécoslovaque avide de liberté. La libre expression est réprimée par le régime communiste normalisateur qui recouvre régulièrement le mur de peinture verte, entraînant de nouvelles interventions artistiques après chaque censure.
Iva Mrázková est d’origine tchèque mais vit depuis 1989 au Luxembourg : elle est une des artistes invitées à créer sur le mur :
« Je sais que le mur John Lennon, c’est quelque chose de très connu à Prague. C’est un lieu où les visiteurs viennent très souvent pour lui rendre hommage. Le fait de repeindre le mur à l’occasion de la présidence tchèque de l’Union européenne, c’est une bonne idée. Déjà parce qu’on est plusieurs artistes, on est 29 artistes qui se rencontrent physiquement ensemble, qui travaillent ensemble. Mais également pour s’exprimer sur la question de la liberté de l’homme. C’est important dans le contexte actuel. C’est pour cela que notre projet fait référence à l’énergie d’un carrousel, parce qu’au Luxembourg, nous avons la fête qui s’appelle Schueberfouer. C’est une fête avec beaucoup de carrousels, avec une kermesse, qui est très connue, très populaire en ville. Alors j’ai pris un petit extrait de carrousel pour créer un contraste entre la problématique politique d’aujourd’hui et la liberté que les gens ressentent quand ils sont dans les airs, sur le carrousel. »
Projet européen par ses participants et par son timing avec la présidence tchèque de l’UE, le nouveau mur John Lennon a vocation à voyager, via des reproductions photo géantes des nouvelles créations, comme le détaille Pavel Šťastný :
« Nous communiquons de manière très active avec l’ambassade tchèque à Paris et notre ambassadeur, Michel Fleischmann à la demande duquel nous avons récemment installé des œuvres de street-art sur les grilles de la représentation diplomatique à Paris. Donc nous voulons à terme montrer à l’étranger notre projet. Et évidemment, la France s’impose comme première destination puisqu’elle nous a précédés à la présidence du Conseil de l’UE. »
Officiellement inauguré mercredi soir, le mur décoré de ses nouvelles œuvres est désormais une fois de plus une invitation aux passants à apporter leur contribution aux messages ou dessins promouvant la paix et la liberté.
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