À Prague, l’étonnant savoir-faire d’une entreprise spécialisée dans la fabrication de maquettes de stades
Ce sont deux semaines de rêve que s’apprêtent à vivre les amateurs de football en Tchéquie, et plus particulièrement les supporters du Slavia et du Sparta Prague. Ces deux prochains jeudis, en effet, leurs clubs favoris affronteront respectivement l’AC Milan et Liverpool en huitièmes de finale de la Ligue Europa. L’occasion pour plusieurs milliers d’entre eux de voyager dans deux stades mythiques : Giuseppe-Meazza à Milan et Anfield Road à Liverpool. Et pour nous, aussi, de découvrir une société tchèque spécialisée dans une activité unique en son genre : la fabrication artisanale de maquettes de stades pas comme les autres. Rencontre avec son fondateur.
Société basée à Prague, Tarespa a été fondée par Michael Řezáč avec d’abord pour idée d’apporter dans l’environnement du merchandisage du football un nouveau produit avec une touche d’art.
« Je jouais au football mais à 25 ans j’ai été contraint d’arrêter ma carrière. À l’époque, je vivais en Allemagne, dans les environs de Francfort, et après un match auquel je venais d’assister, je me suis rendu à la boutique du club. On y trouvait beaucoup de choses, mais comme partout ailleurs : des écharpes, des maillots, des tasses et plein d’autres gadgets différents. C’est là que je me suis rendu compte qu’il manquait quelque chose ; quelque chose qui transmette les émotions ressenties au stade. Et comme personne ne fabriquait rien de tel, six mois plus tard, nous avons commencé à fabriquer nos premières maquettes de stades. »
Malgré des débuts compliqués, l’activité s’est développée jusqu’à devenir ce qu’elle est huit ans plus tard, chaque maquette, fabriquée artisanalement en Tchéquie, pouvant désormais être considérée comme un objet d’art. Une situation dont Michael Řezáč, qui nous a accueillis dans l’atelier situé dans le 5e district de Prague, se dit aujourd’hui « très satisfait » :
« Quand vous regardez à quoi ressemblaient les maquettes à nos débuts et ce qu’elles sont aujourd’hui, l’évolution est notable. Je n’ai pas peur de dire que nous produisons des bijoux. Qu’il s’agisse de voitures de course ou des stades, nos maquettes et produits sont magnifiques et nous avons des collectionneurs dans le monde entier. C’est précisément ce que nous voulons : fabriquer bien plus que de simples maquettes. Quand quelqu’un installe chez lui dans son salon une maquette aux couleurs de son club préféré ou quand un club expose aux yeux de tous une maquette de son stade, il faut que cela soit source à la fois de plaisir et de fierté, car il s’agit d’un objet de valeur. »
Ce plaisir et cette fierté dans les yeux des dirigeants et des supporters des clubs, moteur de l’activité de Teraspa, Michael Řezáč affirme l’avoir rapidement ressenti :
« Quand nous avons entrepris notre premier tour d’Allemagne en 2015, de Dortmund à Munich en passant par Francfort, nous avons été reçus danns seize clubs en quatre jours, uniquement en faisant du porte-à-porte et sans avoir encore le moindre plan de développement. Nous présentions juste le prototype que nous avions à l’époque et qui était très loin de ressembler aux modèles que nous avons aujourd’hui. Très vite, nous avons senti que notre production intéressait les gens et que notre activité avait un bon potentiel de développement. Pour être honnête, nous avons perdu de l’argent sur nos premières commandes pour le Dynamo Dresde et le Sparta Prague parce qu’il nous était alors encore difficile d’estimer le coût de production et le temps passé pour fabriquer une maquette. Mais ce n’était pas grave. Quand j’ai vu qu’à Dresde, les 200 maquettes que nous avions fournies au Dynamo se sont toutes vendues à 200 euros l’untité en l’espace de quelques semaines, je me suis dit qu’il serait dommage de ne pas continuer. »
Preuve du succès dans le temps de ces maquettes et de leur potentiel de développement, Michael Řezáč explique qu’à l’occasion, cette année, du 15e anniversaire de la réouverture du nouveau stade à Dresde, Tarespa travaille actuellement avec le Dynamo à la fabrication d’une version améliorée, dite « Black & Gold », du premier modèle, que le club mettra ensuite en vente auprès de ses nombreux supporters.
Reste que, quels que soient les pays dans lesquels ilse se trouvent, la coopération avec les clubs, sans les licences d’exploitation et autorisations desquels la reproduction des logos et noms est impossible, n’est pas toujours aussi simple. Dans les cas d’Arsenal et de Chelsea, par exemple, les passages dans un passé encore relativement récent de Tomáš Rosický et de Petr Čech, deux anciens grands internationaux tchèques, ont fortement contribué à la réussite des négociations et à la distribution du millier de maquettes fabriquées. Toutefois, Michael Řezáč remarque que, sur ce point, la coopération avec les plus grands clubs du continent, les choses tendent à évoluer positivement :
« Les gens commencent à savoir où se trouve l’Europe centrale. En revanche, beaucoup ne savent pas encore que de belles maquettes de stades y sont fabriquées et qu’ils peuvent s’en procurer. Cela fait sept ans que nous investissons pour que les gens comprennent que nos maquettes ne sont pas destinées aux enfants, mais qu’il s’agit vraiment d’un bijou. Pour l’instant, nous avons coopéré surtout avec deux grands clubs pour lesquels nous avons produit 1 000 modèles. Les grands clubs sont notre objectif, mais il nous a fallu analyser les raisons pour lesquelles ces 1 000 modèles ne se sont pas vendus tout de suite. Était-ce la faute du Covid ou parce que le marketing des clubs n’était pas suffisamment bon ? Aujourd’hui, je sais que des clubs comme Arsenal, le Bayern Munich ou le Paris Saint-Germain ont le potentiel pour vendre ces 1 000 modèles en quelques jours, encore faut-il qu’ils fassent le nécessaire pour cela. »
Toutefois, Tarespa souhaitant coopérer avec le plus grand nombre de clubs possible en Europe, il est préférable pour l’entreprise de produire un peu moins de maquettes. Michael Řezáč explique pourquoi :
« Fabriquer un modèle de base nécessite de six à huit heures de travail, ce qui signifie qu’il faut 8 000 heures pour 1 000 maquettes. Or, il nous a fallu former nos employés et nous ne souhaitons pas que tout le personnel de l’entreprise travaille uniquement sur un projet pour un seul club pendant deux à trois mois. C’est pourquoi nous avons fait évoluer notre modèle économique : désormais nous ne fabriquons plus que 500 maquettes au maximum pour un seul club. Notre but est non seulement d’être actif partout en Europe, mais aussi de satisfaire les collectionneurs, car nous avons des clients partout dans le monde qui achètent toutes les maquettes, même quand il s’agit par exemple du stade d’un club tchèque. Ces collectionneurs sont de plus en plus nombreux et attendent à chaque fois notre nouvelle série de maquettes. »
En France, des agences représentant l’Olympique de Marseille et l’AS Monaco ont fait part de leur intérêt auprès de Tarespa pour des maquettes des stades Vélodrome et Louis II. Et si les discussions n’ont finalement pas abouti, selon Michael Řezáč, c’est essentiellement en raison des marges commerciales pour un produit dont le coût de production est déjà relativement élevé. Du coup, c’est en mode direct avec les clubs et leurs propriétaires que Tarespa préfère négocier. C’est ainsi que les 237 maquettes fabriquées pour le Sparta Prague se sont écoulées à des prix allant de 200 à 1 100 euros. Mais avant même d’en envisager la vente, un travail long de plusieurs semaines est nécessaire pour l’ébaoration de maquettes pouvant être fabriquées sur mesure en fonction des demandes des clubs et des clients :
« La première chose que nous faisons est de regarder une vue aérienne du stade. Comme nos maquettes ne sont pas très grandes et que notre but est d’abord de faire en sorte que nos maquettes éveillent des émotions et soient belles à l’œil, nous ne reproduisons pas tous les détails et n’avons donc pas besoin des plans d’architecte. Nous préparons ensuite un modèle 3D sur la base duquel nous peaufinons alors les détails. Ce n’est que lorsque nous sommes sûrs du résultat final, des couleurs, que nous commençons à travaillers sur les aspects plus techniques comme l’éclairage. Mais comme nous avons déjà fabriqué plus de 130 prototypes de maquettes, beaucoup d’éléments se répétent et le travail va alors relativement vite. Cela nous permet d’ajouter de nouveaux matériaux et d’autres éléments propres à chaque club. Au total, je dirais qu’il nous faut six semaines environ depuis la conception jusqu’au produit fini. »
Le rêve d'une exposition itinérante
Tandis qu’une dizaine de personnes travaillent à Prague au développement des maquettes, pour ce qui est de la fabrication en tant que telle, Tarespa coopère avec Kaden, une société basée à Náchod, en Bohême de l’Est, spécialisée depuis 1950 dans la production de maquettes des légendaires camions Tatra, d’anciennes voitures Škoda ou encore de tracteurs et autres engins militaires.
Au final, les maquettes de stades sont proposées dans trois catégories : « standard », « premium » et « de luxe » ; une catégorie que Michael Řezáč désigne comme « la bijouterie du football ». Une catégorie dans laquelle entrent par exemple les maquettes du Juventus Stadium, réalisée en cristal, ou de Highbury, l’ancienne enceinte des Gunners d’Arsenal, dans la composition de laquelle figurent un socle lumineux, des composants en or ou encore de la marque Swarovski.
Fort de son succès, mais aussi des investissements de l’ancien gardien de la sélection tchèque de football Tomáš Vaclík et de l’ancien hockeyeur Jakub Voráček, qui a évolué près de quinze saisons dans la prestigieuse ligue nord-américaine NHL, Tarespa voit désormais plus grand encore. Juste après nous avoir reçus, Michael Řezáč s’est ainsi envolé pour une tournée de deux semaines aux États-Unis, un marché sportif « plus prometteur » encore selon lui que l’européen. Un marché aussi où se tiendra la prochaine Coupe du monde de football en 2026. Plus grand, donc, mais aussi plus loin jusqu’à l’horizon 2030 :
« J’aimerais qu’environ la moité des grands clubs en Europe et en Amérique figurent sur notre carte commerciale. Je pense que nous sommes en mesure de produire les maquettes des stades des ligues les plus prestigieuses de tous les sports partout dans le monde. Mais j’ai aussi un autre rêve : je voudrais créer une exposition itinérante avec toutes les maquettes que nous aurons créées et chacune d'entre elles permettrait de visiter virtuellement le stade. Imaginez un peu : chaque visiteur de l’exposition, en l’espace d’un après-midi, pourrait découvrir et se plonger dans tous les stades de son choix. Nous pourrions aussi imaginer que cette exposition soit installée à Prague et, continent après continent, elle permettrait de faire un tour de tous les stades que nous avons créés à travers nos maquettes. »