Abus de subventions européennes : les médias tchèques très critiques avec Andrej Babiš
L’adoption par le Parlement européen, vendredi dernier, d’une résolution appelant à introduire des mécanismes en Tchéquie pour prévenir les conflits d’intérêts liés aux fonds de l’UE, a logiquement suscité de nombreux commentaires dans les médias tchèques. Si le Premier ministre Andrej Babiš, qui est le principal visé dans cette affaire, a réagi en estimant qu’il s’agissait là d’une ingérence dans les affaires intérieures tchèques, ce n’est cependant pas l’avis de la majorité des journaux. Revue de presse.
« Tchèques, ne volez pas ici ! Les inscriptions qui ‘ornaient’ les magasins autrichiens et allemands au début des années 1990, suscitent aujourd’hui encore un sentiment de honte. Nous avons pu nous en souvenir pleinement lorsque le Parlement européen a adopté, à une majorité écrasante, une résolution dans laquelle elle appelle Andrej Babiš à cesser de sucer les subventions européennes », estimait, dans son édition de lundi, Hospodářské noviny. Traditionnellement très critique vis-à-vis du Premier ministre et de son gouvernement, le quotidien économique explique que « la Tchéquie à cause de Babiš apparaît de l’extérieur de nouveau comme un pays suspect où on considère qu’il est normal de contourner les règles pour faire finir l’argent des contribuables européens dans sa proche poche. »
Correspondante à Bruxelles pour le groupe de médias Economia qui, outre Hospodářské noviny, publie également notamment l’hebdomadaire Respekt et le site d’information Aktualne.cz, Kateřína Šafaříková, dans un podcast diffusé par la Radio tchèque, s’est montrée elle aussi très critique. Selon elle, Andrej Babiš « creuse sa propre tombe en Europe en insultant les eurodéputés ». Dans certaines de ses réactions suite à l’adoption de la résolution, le Premier ministre n’y est en effet pas allé par le dos de la cuillère dans sa critique du Parlement.
Dans une courte intervention suite au vote diffusée par la Télévision tchèque, Monika Hohlmeier, qui est la présidente de la Commission du contrôle budgétaire, a pourtant expliqué très clairement pourquoi le Parlement européen avait adopté à une si large majorité cette résolution. Selon la députée allemande, il ne s’agit pas là d’une enquête sur Andrej Babiš, mais bien plus généralement sur le système tchèque de répartition des fonds européens :
« Je pense qu’il est très important que les citoyens de l’UE puissent avoir la certitude qu’il existe un mode de décision indépendant, transparent et juste, et non pas un système qui ne serve les intérêts que de quelques personnes. Sur ce point, le Parlement doit être très clair. »
Pour tout dire, il est très difficile de trouver dans la presse tchèque des commentaires défendant la cause du Premier ministre. Et pour cause : les titres dépendant de Mafra, filiale du groupe Agrofert qu’Andrej Babiš est soupçonné de faire profiter des subventions européennes malgré ses fonctions politiques, sont restés très discrets sur le sujet. C’est ainsi qu’aucun commentaire sur la résolution des députés européens n’a trouvé place dans Mladá fronta Dnes pas plus que dans Lidové noviny, qui sont pourtant des deux principaux quotidiens nationaux.
Du coup, ce sont essentiellement les critiques qui s’en donnent à cœur joie, comme sur le site Echo24.cz. « La manière en Tchéquie dont les politiques, et plus particulièrement Andrej Babiš, distribuent et utilisent les subventions publiques est étrange. Si cela ne signifie pas qu’il y règne le plus grand désordre en Europe, la Tchéquie n’en reste pas moins un parfait exemple d’abus. C’est ce message que 77% du Parlement européen a voulu faire passer vendredi. » Et un peu plus loin dans un texte intitulé « Plus un seul euro à Babiš », on peut également lire qu’il « sera difficile de trouver quelqu’un qui prenne la défense de Tchèques qui sont dans le rôle de petits voleurs qui bien que pris en flagrant délit de vol à l’étalage, sont capables de nier autant qu’ils le peuvent. »