Plan de relance de l’UE : Prague sommée de prévenir les conflits d’intérêts pour recevoir les fonds

Ursula von der Leyen

Lundi, la Commission européenne a officiellement validé le plan de relance de la République tchèque, qui permettra à celle-ci de percevoir sept milliards d’euros de fonds pour financer les investissements devant servir à stimuler la reprise économique après la crise du coronavirus. En visite à Prague, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a toutefois souligné que le versement de ces aides dépendait de la faculté des autorités tchèques à lutter contre ce qui est actuellement considéré comme une des principales zones d’ombre dans les relations entre Prague et Bruxelles.

« Le plan tchèque contient des balises spécifiques qui excluent les conflits d’intérêts et renforcent le contrôle du système d’audit qui est indispensable. Il inclut aussi la demande de récolter des informations relatives aux personnes qui se trouvent derrière les entités qui bénéficient des fonds.  »

Ursula von der Leyen, qui poursuivait à Prague une tournée européenne dans le cadre de laquelle elle s’est déjà rendue dans plus de la moité des capitales des Etats membres, a soigneusement évité de citer le nom de son hôte du jour. Mais c’est bien évidemment d’abord à Andrej Babiš, qui se trouvait à ses côtés lors de la conférence de presse donnée après leur réunion, qu’elle a fait allusion.

Ursula von der Leyen et Andrej Babiš | Photo: Vít Šimánek,  ČTK

Homme d’affaires qui a fait fortune dans l’agroalimentaire avant de se lancer en politique au début des années 2010, le Premier ministre tchèque est accusé d’avoir fait profiter ses sociétés de diverses subventions européennes.

Photo : Michaela Danelová,  ČRo

Au printemps dernier, la Commission européenne a informé que le rapport final de l’audit qu’elle avait commandé établissait qu’Andrej Babiš était bien en situation de conflit d'intérêts et enfreignait les lois européennes et tchèques, car il continue de contrôler son groupe Agrofert malgré la création de fonds fiduciaires.

De même, en juin dernier, les députés européens ont adopté, pour la quatrième année consécutive et à une écrasante majorité, une nouvelle résolution pointant du doigt le Premier ministre tchèque et appelant à des mesures renforcées pour mieux contrôler les bénéficiaires finaux des fonds communautaires.

Lundi, Andrej Babiš, qui a toujours réjeté toute accusation, a donc réagi aux propos d’Ursula von der Leyen sans sourciller :

Andrej Babiš | Photo: Vít Šimánek,  ČTK

« Depuis le moment où j’ai intégré le gouvernement, et alors que je suis maintenant Premier ministre, je n’ai pas le sentiment que nous ayons été confrontés à un problème systémique. Tout ce que je peux dire, c’est que l’argent européen et l’argent des contribuables européens est réparti de manière transparente en République tchèque.  »

Quoi qu’il en soit, et alors que se profilent début octobre des élections législatives qui pourraient aboutir à la formation d’un nouveau gouvernement qui ne serait plus dirigé par Andrej Babiš, « le plan pour la reprise et la résilience de la Tchéquie » - conformément au communiqué publié sur le site de la Commission européenne –, après avoir été évalué positivement, a donc bien été adopté.

D’ici à 2026, sept milliards d’euros seront donc versés sous forme de subventions à la République tchèque pour soutenir le financement de différents investissements qui, comme dans les vingt-six autres Etats membres de l’Union européenne, doivent l’aider à sortir plus forte de la pandémie de Covid-19.

Dans le cadre de son plan de relance appelé « Next Generation EU », la Commision européenne prévoit d’apporter jusqu’à 800 milliards d’euros pour moderniser l’ensemble de l’Europe.

Concrètement, la stratégie tchèque, qui doit désormais encore être approuvée par les autres Etats membres, comporte six piliers de développement : les infrastructures physiques et la transition ferroviaire, l’éducation et le marché du travail, la transformation numérique, la recherche et les innovations, la santé, et les institutions, les régulations et le soutien aux entreprises.

Si Bruxelles a approuvé les projets tchèques, c’est parce que Prague a respecté tous les critères essentiels, notamment ceux qui stipulent que 37 % des fonds doivent être affectés à la lutte contre le réchauffement climatique et 20 % à la numérisation de l’économie.

Sur ces deux points, la République tchèque, qui redoute que le pacte européen pour le climat nuise à son industrie, prévoit même de faire un peu mieux encore, concrètement 42 % et 22 %. Ne reste donc désormais plus qu’à son Premier ministre et à ce qui est son gouvernement pour quelques mois encore à s’efforcer de montrer patte blanche...