Accidents de la route : des conducteurs tchèques face à leurs responsabilités dans le film 13 MINUTES
Auteur de nombreux documentaires originaux, souvent liés à des phénomènes de société forts, et dont le dernier concernait les prédateurs sexuels sur Internet, le réalisateur tchèque Vít Klusák revient avec 13 MINUTES, un film qui met en scène les témoignages de cinq conducteurs à l’origine d’accidents de la route, la plupart mortels.
13 MINUTES, c’est le récit de cinq hommes qui à un moment donné de leur vie ont été responsables d’un accident de la route en raison d’un excès de vitesse – quatre de ces cinq accidents se sont avérés fatals. Aucune femme n’a voulu témoigner pour ce film, mais les statistiques des accidents de la route liées aux excès la vitesse concernent en grande majorité les hommes.
Ces hommes qui témoignent sont jeunes ou âgés. Tous racontent, face à caméra, l’événement qui a changé leur vie : l’un a perdu son ami assis sur le siège du passager, un autre a été ébloui par les feux d’une voiture, un troisième explique à une psychologue qu’il « allait un peu plus vite », avant d’ajouter « à 160 km/h »…
En Tchéquie, la vitesse excessive est responsable de 40% des accidents mortels (à titre de comparaison, ce pourcentage s’élève à 30 % en France, ou globalement en Europe). Ceux qui appuient sur le champignon le font généralement pour les sensations fortes, ou plus prosaïquement parce qu’ils sont en retard, comme l’explique le réalisateur Vít Klusák :
« Le temps joue un rôle fondamental. Nous nous sommes inspirés de plusieurs études qui disent que la plupart des gens accélèrent au volant pour rattraper quelques minutes. Mais en accélérant, ils perdent des dizaines de secondes en termes de réactivité en cas d’événement imprévu sur la route. Donc l’idée était d’intégrer le temps dans le titre du film. Nous avons calculé qu’un conducteur lambda qui accélère entre Prague et Brno conduit 20 km/h au-dessus de la limite des 130 km/h. 150 km/h, c’est une vitesse qui peut occassionner des accidents fatals, alors qu’en réalité, ces conducteurs ne gagnent que 13 minutes en termes de temps. »
Pour réaliser ce film, né dans le cadre d’une campagne de prévention routière, Vít Klusák a choisi une méthode originale : aux studios de cinéma de Barrandov, chaque conducteur raconte à des comédiens son expérience unique, ses sentiments avant l’accident, après le crash, la prise de conscience de la tragédie, les remords (ou pas).
Chaque accident est ensuite reconstitué par les acteurs afin de donner à chaque récit un maximum de précision et de vérité. Quinze voitures ont ainsi été détruites pour les besoins du tournage, et 18 cascadeurs ont participé à la reconstitution minutieuse des accidents.
Même si pour certains, ces accidents remontent parfois à plusieurs années déjà, témoigner publiquement s’apparente à une forme de thérapie :
« Cela n’a pas été facile de trouver des gens prêts à parler. Nous avons dû faire appel aux services pénitentiaires, aux services de probation, à des avocats. Nous avons cherché longtemps. Mais une chose est intéressante. Evidemment, quelqu’un qui est à l’origine d’un événement aussi tragique n’a guère envie d’en parler devant une caméra, mais en même temps, ces gens peuvent avoir une autre motivation : faire de ce malheur quelque chose qui fait sens, quelque chose d’utile. Donc j’ai vu chez eux qu’ils étaient contents, malgré tout, de participer au projet. »
L’an dernier, comme dans de nombreux pays, la pandémie a eu des conséquences directes sur les statistiques de la sécurité routière : moins de déplacements, moins de trafic sur les routes, et logiquement, moins d’accidents. En 2020, l’accidentalité a été en baisse de 12% et la Tchéquie a affiché sa plus faible mortalité routière… en soixante ans…
Si ces 25 dernières années, on constate une légère amélioration de la situation, la République tchèque, à l’échelle de l’Union européenne, ne figurait en 2019 qu’à la 17e place au classement des victimes d’accidents avec 58 décès par million d’habitants, alors que la moyenne des Vingt-sept s’établissait à 51.
Il reste donc encore beaucoup de travail à faire quant à l’éducation des conducteurs et la prise de conscience collective qu’être au volant d’une voiture signifie endosser une responsabilité personnelle majeure. Ce que le film 13 MINUTES parvient à faire de manière particulièrement efficace : sans donner de leçon, sans pathos, mais non sans offrir une puissante matière à réflexion sur nos habitudes de conduite.