Accouchement à domicile : la Cour européenne des droits de l’homme donne raison à l’Etat tchèque

Photo: Archives de Radio Prague

Ce jeudi, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt de chambre dans l’affaire dite Dubská et Krejzová contre la République tchèque concernant l’impossibilité en droit tchèque d’accoucher à domicile avec l’aide d’un professionnel de la santé. Si la Cour admet qu’il y a eu l’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée des deux requérantes, elle estime qu’en absence du consensus européen sur la question, le cadre législatif tchèque opère une protection légitime de la santé publique. Radio Prague s’est entretenue avec Patrick Titiun, responsable du service de presse de la Cour, pour analyser le jugement.

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« Je déclare ouverte l’audience à la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Dubská et Krejzová contre la République tchèque. » C’est avec ces mots que le président de la Chambre, le Liechtensteinois Mark Villiger a ouvert la session pour la clore cinq minutes plus tard en concluant que la Cour n’a pas donné raison à deux requérantes tchèques. Patrick Titiun rappelle les cas en espèce :

« Au départ, les requérantes, Madame Dubská et Madame Krejzová, souhaitaient accoucher à la maison. Or, le droit tchèque interdit aux sages-femmes d’aider les femmes à accoucher à domicile. C’est la raison pour laquelle elles ont fait des recours d’abord en République tchèque et ensuite devant la Cour européenne des droits de l’homme. La Cour ne leur a pas donné raison. Elle a estimé que l’interdiction qui était faite aux professionnels de la santé d’aider les femmes à accoucher à domicile n’était pas contraire à la Convention européenne des droits de l’homme et qu’il y n’y avait donc pas de violation de ce traité. »

Selon la Cour, il y a bien eu l’ingérence dans l’exercice du droit de ces femmes au respect de leur vie privée et familiale en vertu de l’article 8 de la Convention des droits de l’homme. Néanmoins, cette ingérence se justifierait par la marge de manœuvre dont dispose chaque Etat pour protéger la santé publique. Patrick Titiun poursuit :

Patrick Titiun,  photo: YouTube
« Quand la Cour européenne des droits de l’homme estime que les Etats ont une large marge d’appréciation, cela signifie que les différents Etats-membres du Conseil de l’Europe, qui n’ont pas de consensus sur une question précise comme celle de l’accouchement à domicile, peuvent adopter la législation qu’ils souhaitent dans un domaine spécifique. »

Dans son jugement la Cour respecte le choix de l’Etat tchèque de faire primer la protection de la santé de l’enfant sur le droit de la femme de décider des modalités de son accouchement. Paradoxalement, remarque-t-elle, l’interdiction de la présence des sages-femmes à domicile peut accroître les risques pour la vie et la santé de la mère et du nouveau-né.

« La Cour estime qu’il y a toujours des recherches sur la question de la sécurité des accouchements à domicile. Il y a effectivement des travaux qui disent qu’il n’y a pas plus de risques en accouchant à domicile qu’en accouchant à l’hôpital. Mais dans la mesure où il y a toujours des évolutions médicales, scientifiques et juridiques qui sont qui sont possibles, la Cour considère que les autorités tchèques devraient évaluer cette question de manière permanente pour tenir compte des évolutions qui peuvent se produire. »

Après l’étude du jugement, les avocats des deux Tchèques s’apprêtent à saisir la Cour en séance plénière pour décider de l’affaire. Dans leur argumentaire, ils sont susceptibles de s’appuyer notamment sur l’opinion dissidente du juge belge Paul Lemmens, selon laquelle la violation de l’article 8 a eu lieu et l’argument de la protection de la santé publique a été surestimé dans le jugement.