Accouchement à domicile : la Cour européenne des droits de l’homme donne une nouvelle fois raison à l’Etat tchèque

Photo illustrative: kc7fys, CC BY-SA 2.0

C’est une affaire qui traînait en longueur depuis plusieurs années et à laquelle la Cour européenne des droits de l’homme a mis un point final à Strasbourg, ce mardi. Dans un arrêt dit Grande Chambre, autrement dit définitif, la Cour a rejeté la requête de deux mères tchèques qui avaient porté plainte contre l’Etat tchèque en raison de l’impossibilité, selon la législation tchèque, de se faire assister par une sage-femme lors d’un accouchement à domicile.

Photo illustrative: kc7fys,  CC BY-SA 2.0
« La Cour a estimé que l’interdiction qui était faite aux professionnels de la santé d’aider les femmes à accoucher à domicile n’était pas contraire à la Convention européenne des droits de l’homme et qu’il y n’y avait donc pas de violation de ce traité. »

Lors du premier arrêt rendu en décembre 2014, Patrik Tituin, responsable alors du service de presse de la Cour européenne des droits de l’homme, avait expliqué à Radio Prague pourquoi celle-ci avait donné raison à l’Etat tchèque en parvenant à la conclusion que l’article 8, relatif au respect de la vie privée et familiale, n’avait pas été violé.

Pour rappel, l’affaire en question concerne deux femmes tchèques, Šárka Dubská et Alexandra Krejzová, qui ont été contraintes, il y a quelques années de cela, d’accoucher à l’hôpital pour bénéficier de l’aide d’une sage-femme, alors qu’elles souhaitaient accoucher à domicile. En effet, la législation tchèque ne permet pas ce type d’accouchement et les sages-femmes ne peuvent prêter leur concours que dans des lieux dotés du matériel requis par la loi, autrement dit à l’hôpital.

Ce mardi, la Cour a donc confirmé le premier arrêt rendu, et ce à une large majorité de douze voix contre cinq. Paradoxalement, la Cour estime pourtant qu’il y a bien eu une ingérence de l’Etat dans l’exercice du droit des deux femmes au respect de leur vie privée et familiale, comme l’a confirmé leur avocate Adéla Hořejší :

« Sur le fond, la Cour donne raison aux plaignantes. Elle a cependant refusé d’intervenir dans la souveraineté de l’Etat dans ce domaine précis tout en appelant la République tchèque à procéder à des modifications dans sa législation relative à l’obstétrique. »

Comme l’avait précisé Patrick Titiun en 2014, l’ingérence de l’Etat tchèque dans l’exercice du droit des deux femmes se justifierait par la marge de manœuvre dont dispose chaque Etat pour protéger la santé publique :

« Quand la Cour européenne des droits de l’homme estime que les Etats ont une large marge d’appréciation, cela signifie que les différents Etats-membres du Conseil de l’Europe, qui n’ont pas de consensus sur une question précise comme celle de l’accouchement à domicile, peuvent adopter la législation qu’ils souhaitent dans un domaine spécifique. »

La Cour européenne des droits de l’homme,  photo: Rh-67,  CC BY-SA 3.0
Plus concrètement, selon le communiqué de presse publié par la Cour, si « depuis 2014, le gouvernement [tchèque] a pris des initiatives en vue d’améliorer la situation dans les maternités locales, notamment en créant un comité gouvernemental d’experts dans les domaines de l’obstétrique, du métier de sage-femme et des droits connexes des femmes, la Cour invite les autorités tchèques à poursuivre leurs progrès en assurant un suivi constant des dispositions juridiques concernant l’accouchement à domicile, de manière à veiller à ce qu’elles reflètent les avancées médicales et scientifiques tout en respectant pleinement les droits des femmes en matière de santé génésique. »

L’arrêt rendu ce mardi a été bien accueilli par le ministère de la santé. Toutefois, son porte-parole, Ladislav Šticha, affirme que le ministère est bien conscient que la situation se doit d’être améliorée en République tchèque, ne serait-ce que pour éviter de nouvelles plaintes :

« La Cour a évalué de façon critique certains aspects de l’obstétrique en République tchèque. Nous allons donc étudier très attentivement le contenu du jugement qui a été rendu et réfléchir aux mesures qu’il conviendrait d’adopter à l’avenir. »

Si elle a donc donné raison pour cette fois à la République tchèque, la Cour européenne des droits de l’homme attend désormais d’elle en retour qu’elle fasse évoluer elle-même sa législation de façon à ne plus entraver le droit des femmes à pouvoir choisir le lieu et le mode de leur accouchement.