Accueil des réfugiés syriens : la Tchéquie traine les pieds
La guerre en Syrie et en Irak a déplacé 13,5 millions de personnes et 3 millions de Syriens cherchent un refuge hors de ces pays. La communauté internationale est critiquée pour la gestion de cette crise humanitaire, une critique qui n’épargne certainement pas la République tchèque, laquelle refuse au nom de sa « sécurité » de soigner sur son sol des patients syriens mais également d’accueillir des réfugiés syriens. Et pour le ministre de l’Intérieur Milan Chovanec, c’est par référendum que cette question pourrait être tranchée.
« Au ministère de l’Intérieur, nous cherchons de facto une voie intermédiaire. Nous sommes conscients du fait que nous avons besoin d’immigration, notamment pour l’économie de notre pays. D’un autre côté, il faut savoir quels sont les gens que nous souhaitons accueillir en République tchèque et nous assurer qu’ils ne constituent pas un danger pour sa sécurité. »
A demi-mot, le ministre pointe du doigt les gens qui ne sont pas les bienvenus en République tchèque : les réfugiés syriens dont Prague craint que certains pourraient être des combattants de l’Etat islamique. A ce titre, pour de prétendues raisons de sécurité, le gouvernement tchèque refuse déjà d’assurer sa contribution au programme international d’évacuation sanitaire Medevac. Jusqu’à présent, une quinzaine de réfugiés blessés ou malades et leur famille se sont donc vu opposer une fin de non-recevoir à leur demande d’asile, au grand dam de plusieurs associations et de la Conférence épiscopale tchèque.
Le ministre des Affaires étrangères Lubomír Zaorálek justifie la position de la Tchéquie par la prédominance apportée à l’aide sanitaire et humanitaire directement dans les pays limitrophes de la Syrie. En visite à la mi-novembre dans le camp de réfugiés de Zaatari au nord de la Jordanie, le social-démocrate déclarait ainsi :
« Au Liban, on entend par exemple que le but n’est pas d’installer ces réfugiés en l’Europe mais de créer les conditions de leur retour en Syrie ou alors de faire en sorte qu’ils trouvent un travail en Jordanie. On voit dans ce pays que cela fonctionne et je pense que nos partenaires apprécient notre action ici. Il me semble que nous devrions continuer à faire ce que nous faisons le mieux. »Lors d’une rencontre avec les autorités kurdes jeudi dernier, Lubomír Zaorálek a cependant proposé à ce que les combattants kurdes blessés dans la lutte contre l’Etat islamique soient soignés dans des stations thermales tchèques. Ce qui vaut pour les Kurdes d’Irak affectés par la guerre ne vaudrait donc pas pour les Syriens.
Du côté des ONG, on critique la solidarité à géométrie variable de la République tchèque. Aussi, pas plus de 800 demandes d’asile n’y ont été recensées chaque année depuis 2010 quand un pays comme l’Allemagne fait actuellement face à 19 000 nouveaux dossiers par mois. Directeur de l’Organisation pour l’aide aux réfugiés, Martin Rozumek considère que le gouvernement tchèque devrait faire preuve de plus de solidarité :
« Je pense que nous avons un devoir envers l’histoire. Nous avons « exporté » plus de 200 000 Tchécoslovaques et eux ont trouvé de l’aide dans les pays où ils ont fui. Ensuite, grâce à la géographie, nous profitons seulement des avantages de l’Union européenne quand d’autres pays doivent assurer la protection de ses frontières extérieures. C’est une autre raison pour laquelle je pense que la République tchèque devrait faire plus. »
Milan Chovanec dit toutefois avoir conscience de l’impossibilité pour la Tchéquie de rester une île au milieu de l’Union européenne et de refuser toute immigration au regard de l’ouverture des frontières dans le cadre des accords de Schengen. La problématique doit être discutée vendredi à Bruxelles.
Alors que l’Allemagne envisage d’accorder l’asile à 140 000 Syriens, après contrôle de sécurité, le ministre de l’Intérieur évoque la possibilité d’accueillir entre 5000 et 10 000 réfugiés sur le territoire tchèque. Seulement selon lui, les Tchèques devraient être amenés à se prononcer sur cette mesure d’hospitalité au travers d’un référendum, une façon de ne pas engager la responsabilité du gouvernement d’après l’opposition.