Accusé de corruption, le sélectionneur de l’équipe nationale tchèque de hockey démissionne

Vladimír Růžička, photo: ČTK

Des affaires et des scandales, qu’on se le dise, il n’y en a pas seulement en football ou en cyclisme. En République tchèque tout du moins, il y en a aussi en hockey sur glace. Mardi, Vladimír Růžička a démissionné de ses fonctions de sélectionneur de l’équipe nationale. Accusé de corruption, un des personnages les plus influents et les plus respectés de l’un des sports les plus populaires dans le pays a été contraint de jeter l’éponge suite à la diffusion par la Radio publique tchèque d’un long reportage accablant dans lequel des parents de jeunes joueurs affirment que Vladimír Růžička leur a réclamé diverses sommes d’argent contre la promesse d’aider leurs fils dans leur carrière. Ce mercredi, le scandale faisait la une de tous les journaux tchèques.

Vladimír Růžička,  photo: ČTK
Tous dopés. Tous corrompus. Ou encore trop de violence et plus aucunes valeurs dignes de ce nom. Opium du peuple ou jeux du cirque modernes, le sport de haut niveau, et malheureusement trop souvent aussi celui de moins haut niveau, est pourri par l’argent, affirment certains, et pas seulement ceux qui ne l’aiment pas. Au regard de l’actualité de ces dernières semaines, il est bien difficile de leur donner tort.

L’affaire dont il est ici question avait déjà fait grand bruit lorsqu’elle avait éclaté en avril dernier (cf. : http://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/lentraineur-de-lequipe-tcheque-de-hockey). Et pour cause : à deux semaines du début du championnat du monde de hockey sur glace organisé à domicile pour la première fois depuis onze ans, soit l’événement de l’année en République tchèque, elle mettait en cause le sélectionneur de la Reprezentace, l’ancien capitaine de l’équipe qui avait remporté le « tournoi du siècle » aux Jeux olympiques de Nagano en 1998. Vidéo filmée avec une caméra cachée et mise en ligne à l’appui, Vladimír Růžička avait été accusé par un entrepreneur dans le bâtiment, un certain Miroslav Palaščák, d’avoir accepté en 2012-2013, lorsqu’il était l’entraîneur du Slavia Prague, un pot-de-vin de 500 000 couronnes (un peu plus de 18 000 euros). En échange, il s’était engagé à intégrer le fils de l’entrepreneur-donateur dans l’équipe première du Slavia. Bien que Růžička n’ait pas tenu sa promesse et ait finalement rendu son argent à M. Palaščák, une enquête a été ouverte par la police. Entretemps, Vladimír Růžička a malgré tout assuré ses fonctions de coach de l’équipe nationale durant le Mondial, la Fédération tchèque de hockey sur glace (ČSLH), gênée aux entournures devant l’évidence des faits, préférant ne pas prendre de risques à l’approche d’une compétition considérée comme une priorité nationale. Secrétaire général de la ČSLH, Martin Urban a quand même fait part de son soulagement suite à l’annonce, ce mardi, de la démission de Vladimír Růžička :

« Le championnat du monde et l’affaire Růžička sont deux choses incomparables. Le Mondial a été une grande fête avec notamment un nouveau record d’affluence et un événement suivi par des millions de personnes dans le monde. C’est pourquoi nous pouvons nous estimer heureux, entre guillemets je tiens à le préciser, que les médias aient décidé de s’intéresser de plus près à l’affaire Růžička après ce championnat du monde. »

Car si l’affaire a pris encore un peu plus d’ampleur cette semaine, c’est parce que les journalistes investigateurs de la Radio tchèque ont mis leur nez dedans, et ce notamment en recueillant les témoignages de différents parents de jeunes joueurs prometteurs ayant été confrontées aux pratiques de Vladimír Růžička. C’est le cas, par exemple, de cette maman présentée comme madame Jarmila :

Vladimír Růžička,  photo: ČTK
« Nous avons parlé au téléphone et il (Růžička) m’a demandé 100 000 couronnes. A ce que j’ai compris, il ne s’agissait pas d’un virement bancaire, d’une fausse facture ou de je ne sais quoi d’autre. Non, il s’agissait d’une somme pour lui… qu’il se serait mise directement dans la poche. Mais j’ai refusé. Je lui ai dit de ne pas se fâcher, mais que ce n’était pas possible. Je n’en avais pas les moyens. Je n’étais pas suffisamment riche pour me permettre une telle chose. Mais il m’avait promis que mon fils pourrait faire un essai à Brno. »

Et à la question de savoir pourquoi à Brno, un club dans lequel Vladimír Růžička n’a jamais occupé la moindre fonction, madame Jarmila répond en riant :

« Monsieur Růžička est un dieu… Vous ne le savez pas ? »

Personnage au caractère bien trempé et intimement respecté pour l’ensemble de sa carrière, Vladimír Růžička, champion du monde et olympique comme joueur, puis double champion du monde comme entraîneur de la République tchèque en 2005 et 2010, s’est défendu de toutes ses accusations dans un communiqué en les rejetant en bloc et en s’estimant victime d’une campagne médiatique. «Je n'ai jamais rien fait d'illégal et je continuerai à me défendre, pour blanchir mon nom », a-t-il ajouté. En attendant, comme le notaient certains commentateurs dans la presse tchèque ce mercredi, aussi injuste cela puisse-t-il être, c’est bien plus la présomption de culpabilité que d’innocence qui prévaut dans cette affaire.