Adjamal, un petit Afghan non-voyant qui incarne le malheur de son pays
En fin de semaine dernière, l'ophtalmologiste tchèque Martin Filipec et son collègue italien Claudio Carresi sont partis pour six semaines à Kaboul, où ils doivent effectuer une greffe de la cornée chez un petit garçon afghan, Adjamal. Comme des milliers d'autres enfants dans son pays, il a perdu la vue suite à une grave sous-alimentation. Son histoire a mobilisé les Tchèques et donné lieu à tout un projet d'aide aux malades afghans, au projet dit Adjamal.
A l'origine, il y avait une photo. Une photo d'un garçon anonyme, maigre, aveugle, couché sur un lit d'hôpital. Prise par un photographe tchèque et publiée, en décembre 2001, dans le quotidien national Lidove noviny, l'image a bouleversé une jeune informaticienne pragoise, Marta Nollova. Elle s'adresse à l'association civique Berkat, axée notamment sur l'aide à la Tchétchénie, et plus particulièrement à une de ses membres, la journaliste et reporter de guerre Petra Prochazkova. Cette dernière se met à enquêter, sur place, sur l'identité de l'enfant malade et de sa famille. Aujourd'hui, on sait tout : Adjamal, âgé de 10 ans et non-scolarisé, habite avec sa mère, ses frères et soeurs, dans le village de montagne, Tagau, loin de Kaboul. La famille, dont le père est mort il y a deux ans, est pauvre, mais pas dans le sans « européen » : dans un pays où 1,7 millions d'habitants souffrent de sous-alimentation, où un enfant sur quatre meurt avant l'âge de cinq ans et où les plus démunis n'ont pas la moindre chance de se faire soigner à l'hôpital, le cas d'Adjamal est loin d'être isolé.
Mais, dès cette semaine, les choses devraient bouger. Martin Filipec, spécialiste tchèque en ophtalmologie et ses collaborateurs ont mis le cap sur Kaboul. Là-bas, Adjamal les attend, prêt à subir une greffe de la cornée qui pourrait lui permettre de recouvrer la vue.
Jana Hradilkova de l'association Berkat raconte :
« Quand Adjamal a été retrouvé, nous avons tout de suite lancé des collectes publiques. Nous sommes entrés en contact avec l'ophtalmologiste Martin Filipec et sa clinique pragoise Lexum qui a aussi participé financièrement au projet. Au moment où la clinique a commencé à communiquer avec les autorités afghanes, nous avons, de notre côté, demandé une subvention de la part du ministère tchèque des Affaires étrangères. Récemment, nous avons organisé aussi des concerts et des spectacles, dont le bénéfice est allé au financement du projet, donc le spectre de sponsors est très large. »A Kaboul, l'équipe tchéco-italienne devrait aussi former gratuitement les médecins afghans au traitement des troubles de la vue, extrêment répandus dans le pays. Ce n'est, certes, que le début d'une course de longue haleine. Pour s'en rendre compte, il suffit de lire, dans l'édition de ce lundi du quotidien Lidove noviny, les propos de Muhammad Richad Sidikiar, chef d'une clinique afhgane : « Comment évaluer le nombre d'Afghans non-voyants, alors que nous ne savons même pas combien nous sommes...? »