« Affaire Novitchok » : Miloš Zeman apporte de l’eau au moulin de la Russie
Du Novitchok, gaz innervant que les Britanniques accusent les Russes d'avoir utilisé pour empoisonner un ancien espion sur leur territoire, aurait été produit en petites quantités en République tchèque. C'est en tout cas ce qu'a déclaré le président Miloš Zeman jeudi soir dans un entretien accordé à la chaîne TV Barrandov. Une déclaration qui a suscité de nombreuses réactions, et notamment de ses opposants qui considèrent que le chef de l’Etat fait ainsi le jeu du Kremlin.
« En novembre de l’année dernière, à l’Institut de recherche militaire du ministère de la Défense à Brno, un poison nerveusement paralytique, appelé A230, a été testé. La quantité de ce poison produit était prétendument relativement petite, et après les tests, ce poison a été détruit. »
Tout en ajoutant que le Service de renseignement et de sécurité (BIS) était lui parvenu à la conclusion que le gaz en question n'était pas du Novitchok, le président a affirmé qu’il privilégiait la thèse des Renseignements militaires. C'est lui-même qui a demandé aux services de renseignements d'enquêter sur le sujet en réaction suite à l'affirmation de la Russie selon laquelle le gaz innervant utilisé contre l'ancien espion Sergueï Skripal et sa fille aurait été produit dans différents pays, parmi lesquels la République tchèque.
Dans une large majorité, la déclaration de Miloš Zeman a été vivement critiquée, tant dans les médias que par les politiques, parmi lesquels le leader du Parti des maires et indépendants (STAN), Petr Gazdík :
« Je pense que le président de la République mélange malheureusement plusieurs informations des services de renseignement. Le résultat est qu’il agit davantage en qualité d’agent russe qu’en celle de président de la République. Les choses ne sont pas clairement établies, et dévoiler publiquement comme il l’a fait des informations qui devraient rester secrètes de façon à ce que la propagande russe puisse en faire usage est indigne de l’exercice des fonctions de président de notre pays. »De son côté, le Premier ministre Andrej Babiš s’est retenu de commenter la déclaration de Miloš Zeman, préférant affirmer chercher à comprendre pourquoi les versions des services de renseignement concernant cette production de Novitchok divergeaient :
« C’est une information surprenante dans la mesure où un service prétend quelque chose et que les autres services prétendent quelque chose d’autre. Il convient donc de déterminer très clairement ce qu’il en est vraiment, parce que, personnellement, je ne dispose d’aucune information de ce type. »
Aussitôt, la diplomatie russe a sauté sur l’occasion pour faire savoir que les propos de Miloš Zeman mettaient en lumière les mensonges du gouvernement britannique, qui accuse Moscou d’avoir produit le Novitchok. Une vision des faits également partagée à Prague par le parti communiste ou encore le leader du parti d’extrême droite SPD, Tomio Okamura :
« Ce qui est mal, c’est le mensonge selon lequel seuls les Russes produisent et testent du Novitchok. Si le président met en doute ce mensonge, je considère que c’est une très bonne chose. Selon moi, on ne peut pas nier une vérité uniquement parce celle-ci ne convient pas à Bruxelles ou aux russophobes. »
Dans un communiqué publié ce vendredi, le ministère de la Défense a indiqué que des substances de type Novitchok étaient effectivement synthétisées en très faibles quantités - quelques microgrammes tout au plus, est-il précisé - en République tchèque, mais ce uniquement à des fins de défense anti-chimique et qu’elles étaient détruites sans jamais être stockées.