Ahmed Abbadi : « Transcender nos différends par le dialogue »
Comment surmonter les menaces globales en mettant l’accent sur la tolérance, la stabilité et la paix ; tel était le thème voire l’ambition, plutôt vaste, d’une grande conférence organisée ce mercredi à l’Académie des Sciences de République tchèque sous le patronage du ministère des Affaires étrangères. Le théologien marocain Ahmed Abbadi, le secrétaire général de la Rabita Mohammadia des Oulémas du Maroc, intervenait dans le cadre de cet échange. Ce jeudi, il a fait un détour par Radio Prague pour nous proposer quelques pistes de réflexion.
« Je pense que les homo sapiens ont aujourd’hui atteint leur maturité et peuvent régler leurs problèmes et leurs différends à travers le dialogue. A travers, un dialogue ouvert, fondé, scientifique, basé sur des données, on pourra déconstruire cette problématique-là en parcelles comme les pièces d’un puzzle. En parler dans des milieux adéquats avec des gens habilités, informés, documentés pour ce faire. Et je pense que l’on peut transcender ces différends, mais c’est à travers le dialogue que l’on pourra faire ceci. »
A travers le dialogue, à travers la raison, seulement, dans des pays comme la République tchèque, il y a beaucoup de passions, de fantasmes aussi. Comment faire pour lutter contre des fantasmes ?
« Il faut « débrumer » quand il y a la brume. Il faut que la voix de la raison commence à monter doucement mais sûrement afin de dissiper, dépassionner, de dissiper cette brume, ce brouillard et dépassionner l’échange. Une fois cette passion-là dissipée, on pourra avoir accès à un dialogue qui est fondé sur des données et on pourra parler d’une manière claire, transparente, de tous les problèmes et prendre par la suite les décisions qu’il faut en enchaînant par la justice, la loi et toutes les choses qui vont avec. Mais il faut d’abord essayer de comprendre et cela ne peut se passer qu’à travers la déconstruction, par le biais d’enzymes adéquates et par le biais du dialogue. »Comment fait-on dans une société comme la République tchèque, qui n’est pas une société multiculturelle et où on n’a pas une vision de l’autre telle que l’on peut l’avoir dans d’autres pays européens ?« Après cette visite, je suis rassuré car j’ai rencontré des académiciens, des chercheurs qui se sont attelés à déconstruire, à voir clair, à ramasser les données inhérentes à ce sujet pour mieux le comprendre. J’ai trouvé toute une topographie, une cartographie de ce problème. Hier, j’ai écouté un intervenant à l’Académie tchèque des Sciences et la cartographie de ce problème était on ne peut plus claire. Ce qu’il faut maintenant, c’est en discuter et essayer d’avoir accès à ces nœuds et de les instruire afin d’arriver à des solutions adéquates pour la société tchèque, pour laquelle on a beaucoup d’admiration et d’affinité. »
Pouvez-vous nous parler des échanges que vous avez eus dans le cadre de cette conférence ? Qu'en avez-vous retenu ?
« La première chose que j’ai retenue, c’est qu’il y a une prise de conscience ascendante. Nous sommes toutes et tous sur un petit grain de sable universel. La teneur de notre bêtise a augmenté, on doit faire quelque chose pour ne pas tous mourir comme des fous mais vivre tous comme des frères et sœurs. »Que dit le Coran de la question de la tolérance à l’autre, à celui qui n’est pas de la même religion ?
« Le Coran est un texte et tout texte de toute religion ne peut avoir sa splendeur morale que s’il est contextualisé. On doit comprendre le contexte pour mieux jouir de la sagesse du texte et le Coran ne fait pas exception à cet égard-là. Nous avons besoin aujourd’hui de savantes et savants qui permettent de faire la connexion entre texte et contexte. »
Que signifie faire la jonction entre texte et contexte ? Cela veut dire aussi avoir une interprétation ?« Ça, c’est la dimension inter-prétationnelle, herméneutique. L’être humain y est pour beaucoup. Lorsque l’être humain comprend son contexte, il pourra faire dériver et pourra déduire de son texte. Comme le Coran, la Bible, la Torah, la Vijna ; dans tous les textes sacrés de ce monde, on peut déceler quelles sont les choses adéquates à ce contexte. Donc l’être humain y est pour beaucoup ainsi que l’interprétation et il faut faire davantage attention à ce volet-là. »