« Alice aux pays des merveilles » vue par Jan Švankmajer ressort en salles en France

'Alice'

Depuis de nombreuses années déjà, Malavida réédite et retravaille le sous-titrage en français de versions restaurées des plus grands films tchécoslovaques. Outre des sorties DVD, Malavida accompagne aussi certains de ces films dans les salles obscures afin de permettre au grand public de voir ou revoir ces longs-métrages. Dernière sortie en date en France, le film Alice du cinéaste surréaliste Jan Švankmajer, qui en 1988, a revisité l’œuvre de Lewis Carroll. Pour en parler, Marion Eschard, des éditions Malavida, qui rappelle que cette fois le film sort en VOST, mais aussi en version française :

'Alice' | Source: Malavida

« On travaille beaucoup avec des publics jeunes, voire très jeunes. Alice s’adresse à des enfants un peu plus âgés. Nous le conseillons à partir de huit ans, mais il est possible de le voir à six ou sept ans. Ca dépend de beaucoup de choses. En tout cas le film plaît beaucoup aux enfants et fonctionne bien chez eux. C’était donc important de leur proposer une VF. »

Alice aux pays des merveilles de Lewis Carroll est réputé inadaptable. Comment Jan Švankmajer s’en est-il emparé ?

« Quand on relit le texte, on se rend compte que l’adaptation de Jan Švankmajer est assez proche. Il y a des épisodes assez précis qui sont repris : la chute au début, l’épisode de la chenille… Son adaptation est à la fois très fidèle et très singulière, très libre. Il arrive vraiment à s’emparer du texte tout en l’inscrivant totalement dans son univers. Quand on voit Alice enfermée dans la pièce, ce sont des décors qu’on a déjà pu voir dans Obscurité, Lumière, Obscurité : beaucoup d’objets circulent d’un film à l’autre chez Jan Švankmajer, que ce soit des sculptures, des installations, des décors, ou des motifs qui sont des obsessions du réalisateur. C’est une des grandes réussites du film. Il a tourné ce film dans son atelier. Et la scène de la chute d’Alice est une occasion pour le spectateur de ‘visiter’ son atelier et de voir certaines sculptures qui s’y trouvent. C’est un monde fascinant que le sien. »

'Alice' | Photo: Malavida

Son monde très particulier peut être assez inquiétant dans certains de ses films. Est-ce qu’on retrouve quelque chose de cela dans Alice ?

'Alice' | Photo: Malavida

« Je ne sais pas si le mot ‘inquiétant’ est celui qui vient en premier lieu. Le film Alice est vraiment fascinant. Quand on le compare à l’œuvre de Lewis Carroll, je trouve que c’est très dur dans le livre : on n’arrête pas de donner des ordres à Alice ou de lui dire que ce qu’elle fait n’est pas bien. C’est assez agressif dans le livre, chose que je ne retrouve pas dans le film. C’est beaucoup plus doux. Il est fascinant de voir comment Jan Švankmajer va donner vie à des objets inanimés, jouer avec Alice qui change de taille etc. Il y aussi tout ce qui fait appel à l’inconscient. En tout cas, ‘effrayant’ n’est pas le mot qui vient en premier pour Alice. »

Jan Švankmajer est un OVNI dans le cinéma tchécoslovaque à certains égards, mais s’inscrit quand même dans une tradition du cinéma d’animation bien ancrée et qui a été aussi une forme de refuge face à la censure sous le régime communiste. Que peut-on dire de ce cinéaste et de sa place dans le cinéma tchécoslovaque ?

Jan Švankmajer | Photo:  Barbora Němcová,  Radio Prague Int.

« Jan Švankmajer vient à l’origine du théâtre de marionnettes qui est une tradition tchèque importante, tout comme le cinéma d’animation de marionnettes. Il suffit de penser à Karel Zeman, également pour le mélange prises de vue réelles et animation, mais aussi Jiří Trnka ou Hermína Tyrlová. Il y a donc toute cette tradition dont il se détache car son univers est très singulier. Le théâtre de marionnettes l’a marqué dès tout petit car son père lui avait acheté un petit théâtre pour la maison. Tout jeune, il a construit des décors, des marionnettes. Au départ, il a fait la DAMU, la faculté des arts dramatiques où il étudiait le théâtre de marionnettes. Il ne se destinait pas au cinéma au départ. C’est en rencontrant Alfred Radok et en travaillant sur son adaptation de Faust qu’il a été initié au cinéma et qu’il l’a découvert. Pour lui, ça a été une révélation de découvrir qu’avec le montage on pouvait passer d’un décor à un autre. Il s’en amuse beaucoup dans Alice : au début, nous sommes dans la chambre, il pose tous les éléments du récit, tous les protagonistes et soudain, il y a un cut et on passe dans un champ. Donc, Jan Švankmajer, c’est le théâtre de marionnettes mais il y a toutes ses autres activités artistiques. Le cinéma n’est pas son seul moyen d’expression. Il a créé une œuvre tentaculaire en variant les moyens d’expression, même si le cinéma sera son moyen privilégié. C’est quelque chose de totalement unique et singulier, totalement inclassable. »

'Alice' | Photo: Malavida

Malavida réédite et refait des sous-titres français de nombreux films tchécoslovaques, et pas seulement. Quels ont été vos derniers projets ?

« On vient de rééditer en DVD Un jour, un chat, de Vojtěch Jasný. Il est sorti le 14 février dans la collection des collectors Malavida qui réunit les titres emblématiques de notre catalogue, en version restaurée, avec des jaquettes illustrées, dessinées, avec des bonus, des livrets. On peut mentionner aussi la réédition en octobre dernier de quatre films de Jiří Menzel : Alouette, le fil à la patte, Une blonde émoustillante, Mon cher petit village et Un été capricieux, tous des films magnifiques. »

'Alice' | Photo: Malavida