Août 1968 et les jeunes Tchèques
Cette semaine, le pays se souvient de l'invasion des troupes du pacte de Varsovie, dans la nuit du 20 au 21 août 1968. Un événement qui a traumatisé la population et qui a marqué par bien des aspects le début d'une des sombres périodes qu'elle a connues au cours du XXe siècle. Aujourd'hui c'est à la jeune génération tchèque que nous allons donner la parole, à ceux qui n'étaient pas nés lors de l'arrivée des chars et qui vont nous livrer leur sentiment sur cet épisode de l'histoire qu'ils ne connaissent que de leurs parents et des livres d'histoire.
Jana est une jeune maman praguoise de 22 ans. Pour elle, l'écrasement du Printemps de Prague est un événement majeur dans l'histoire de son pays qu'il marque jusqu'à aujourd'hui :
« Ce mois d'août pour nous a été tragique et a marqué la période jusqu'à aujourd'hui parce qu'on a en fait toujours été occupé depuis le début de la guerre. Du coup, ça a laissé beaucoup de traces ici. Je pense que ma génération n'a pas réellement de problèmes avec les Russes aujourd'hui, mais le problème c'est que l'ancienne génération n'est pas objective et ne nous donne pas toutes les informations. Nous avons tendance aujourd'hui à nous moquer des Russes à cause de ça, à dire que ce sont des communistes et que la Russie est une fausse démocratie où ne règne qu'un seul homme ! »
Les relations entre jeunes Tchèques et jeunes Russes aujourd'hui sont-elles marquées par les événements de 1968 ? La réponse, du côté des Tchèques qui sont nés après ces événements, est plus que souvent positive. La méfiance à l'égard de Moscou est une chose profondément ancrée chez les jeunes Tchèques. Irena a 30 ans et porte son enfant dans les bras. Elle revient d'un séjour de deux ans en Russie :« Quand on voit comment les Russes considèrent aujourd'hui ces événements, ça, c'est vraiment tragique ! Eux, ils pensent qu'ils nous ont vraiment sauvés. Je ne peux que parler personnellement mais je peux dire que je ressens une certaine aversion envers les Russes et la ressens toujours. Quand vous vivez là-bas, vous vous apercevez qu'ils se comportent comme une grande nation qui a le sentiment d'avoir sauvé le monde, qu'eux et seulement eux ont gagné la Seconde Guerre mondiale. C'est la raison pour laquelle je considère ça comme une tragédie, et le pire c'est qu'il n'y a pas de progrès chez eux. Avec mon enfant je vais essayer de lui expliquer ça le plus objectivement possible, pour ne pas faire de lui un raciste. »
Pas facile pourtant d'être objectif. Souvent, les jeunes qui débarquent de l'ouest de l'Europe ont du mal à comprendre la profondeur du ressentiment qu'éprouvent les jeunes Tchèques élevés pendant la normalisation à l'égard des Russes. Jan a 22 ans, il est barman dans un bar branché de la capitale :« En un seul mot : atrocité, terreur, folie... Je ne ressens pas aujourd'hui d'aversion envers les Russes, plus envers les pays musulmans... Mais c'est vrai qu'en général, c'est différent. J'ai une amie qui est venue d'Espagne et qui a ressenti cette aversion. C'est vrai qu'aujourd'hui en plus, la Russie fait marche arrière au lieu d'aller de l'avant. Avec Poutine et ses mouvements de jeunes, ce retour aux anciennes méthodes, c'est vraiment bizarre. »
Et la rhétorique employée par Poutine et les généraux russes dans la polémique autour du bouclier anti-missile américain est quelque chose qui frappe beaucoup les Tchèques, jeunes et moins jeunes d'ailleurs. Le débat les concerne en premier lieu, puisque le radar pourrait être installé chez eux. Et même si selon les sondages, la majorité d'entre eux est hostile au projet, l'hostilité à l'égard du Kremlin, peut-être consciemment ou inconsciemment transmise par les générations précédentes, est une donnée importante dans ce débat.