Assia Djebar : « Mon premier livre résulte d’un pari »

Assia Djebar, photo: www.pwf.cz

Fernando Arrabal, Gao Xingjian, Ian Banks font partie des personnalités de la littérature invitées au Festival des écrivains de Prague cette année. Il y a aussi Assia Djebar, écrivaine franco-algérienne, de langue française, première femme d’origine maghrébine à être entrée à l’Académie française en 2005. Auteure de nombreux romans dans lesquels les femmes ont une place significative, Assia Djebar revient sur la genèse, presque fortuite, de son écriture.

Assia Djebar,  photo: www.pwf.cz
« J’ai commencé mon premier livre, qui s’appelait ‘La soif’, à 20 ans. C’était une sorte de pari. J’étais très jeune, j’étais encore à faire mes études, avec un fiancé de ma communauté, un Algérien comme moi. Il avait un livre, un peu léger, il me disait : ‘regarde comme il a du succès’... J’ai regardé et lui ai répondu : ‘ce type de livre s’écrit en dix jours, mais pour moi ça n’est pas de la littérature, c’est vendre une certaine image pour avoir un certain succès commercial’. Il m’a prise au mot, et en pariant, je suppose, je lui ai dit que des livres de ce genre, je les ferais en six heures par jour. C’est comme ça que j’ai écrit mon premier livre, purement par défi juvénile, parce que j’avais 20 ans. Donc pour le deuxième, j’ai un peu changé... »

Vous avez pris les choses au sérieux cette fois-ci...

« Voilà, j’ai voulu écrire par rapport à moi-même et non par rapport au défi... Aujourd’hui, quand on me demande la liste de mes livres, j’ai oublié les premiers. Mais je sais qu’il y a ‘La soif’, ‘Les impatients’, ‘Les enfants du Nouveau Monde’, et ‘Les alouettes naïves’. Le premier roman a été écrit comme une histoire facile, avec une intrigue, un personnage qui n’était pas du tout moi... En plus je suis d’une famille musulmane, je suis très austère… Encore que… Avoir un fiancé caché des parents... »

C’était une rebellion...

« Ah oui, dans mon milieu, à cette époque... A partir du deuxième roman, j’ai commencé vraiment à me passionner pour l’architecture, la construction du roman. J’ai commencé à introduire des personnages qui pouvaient, non pas être moi, mais dans un prolongement... »

Vous avez commencé à intégrer peu à peu des touches autobiographiques dans vos romans ?

« Oui... En mettant des écrans. La construction permet de laisser l’imagination, les personnages plus audacieux, etc. Il y avait une espèce de jeu comme aux échecs. Mais en même temps, je pense que je ne cherchais pas à me projeter moi totalement. Ce n’était pas des romans confessions. »

Pourquoi avoir choisi ce pseudonyme Assia Djebar ?

« A l’époque parce que les deux premiers romans comprenaient des personnages de jeunes filles tellement plus affranchies que moi... Et en même temps c’était une façon de faire écran. C’est comme ça que j’ai pris mon pseudonyme. »