Dans notre dernière émission consacrée aux vocabulaire et expressions de la langue tchèque relatifs à l’univers carcéral, nous avions évoqué entre autres le verbe « sedět » - « être assis » dans son sens le plus courant, mais un mot qui, pour un condamné en train de purger sa peine, signifie plutôt « être emprisonné ». Ce verbe « sedět » apparaît également dans bien d’autres expressions, dont certaines, pour peu que l’on s’amuse à les traduire mot à mot, sont même assez amusantes, comme nous allons le découvrir…
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« Radši budu sedět doma », littéralement « Je préfère rester assis à la maison », ou en d’autres termes « je préfère rester chez moi », est le titre d’une chanson de Mňága a Ždorp, groupe en vogue au début des folles années 1990 en Tchécoslovaquie. Comme l’annonce le chanteur au public dans l’extrait que nous venons d’entendre, non seulement il « préfère rester assis à la maison », mais cela, précise-t-il également, en étant « assis sur le cul » - « sedět doma na prdeli ». Appartenant, disons, au langage (très) familier, populaire, le terme d’argot « prdel » pourrait être remplacé par « zadek », qui désigne, lui, le « derrière », le « postérieur ». Mais quel que soit notre choix, qu’il soit vulgaire ou plus conforme aux règles de bonne éducation ou de bonnes manières, cela ne change rien au sens de l’expression « sedět doma na prdeli » ou « na zadku », qui signifie vouloir ne rien faire, préférer rester seul chez soi pour ne pas participer à quoi que ce soit en société.
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Les Tchèques peuvent donc rester assis sur le cul ou le derrière, et parfois ils restent assis dessus tout simplement parce qu’ils sont « tombés sur le derrière » - « padnout na zadek » - l’équivalent en français bien entendu de « tomber sur le cul » ou de « tomber à la renverse », lorsque quelque chose nous surprend, nous étonne fortement au point de tomber de saisissement. Et puisqu’il est question de tomber, et de stupéfaction, en français, on pourrait dire aussi que « les bras nous en tombent » ou que l’on « tombe des nues ». Et si on ne tombe pas, on peut, toujours sous l’effet de l’émotion, « rester cloué sur place », en tchèque « sedět na místě jako přibitý », soit littéralement « rester assis sur place comme cloué ».
Les enfants, eux, dont la plupart n’aiment pas rester assis trop longtemps, et encore moins cloués sur place, préfèrent généralement s’accroupir, par exemple lorsqu’ils jouent à terre ou dans le bac à sable. Des petits Tchèques qui se trouvent dans cette position accroupie – sedět v dřepu -à croupetons, les adultes disent parfois « sedí na bobku », une locution quelque peu curieuse car le mot « bobek » désigne… une crotte ou une petite boule ! Alors, on peut certes imaginer que les fesses du bambin en question forment une petite boule ou, s’il porte encore une couche, qu’il est comme assis sur sa crotte… mais bon… ou plutôt « enfin bref »... nous n’avons pas cherché à en savoir beaucoup plus sur l’origine de cette locution…
Il existe encore une autre expression proche sémantiquement de « sedět doma na zadku » avec « sedět za pecí », soit littéralement « être assis, rester assis derrière le four ». Bien qu’il s’agisse bien de l’appareil dans lequel on fait cuire les aliments, cette expression ne concerne pas seulement les ménagères qui s’occupent de l’administration du foyer, mais aussi bien les hommes que les femmes. On peut penser que cette expression trouve son origine dans le fait qu’autrefois les gens, qui vivaient dans des conditions beaucoup plus modestes que celles que la majorité connaît aujourd’hui, chauffaient la pièce dans laquelle vivait la famille à l’aide du four dans lequel ils préparaient également à manger.
Aujourd’hui, le Tchèque qui préfère rester chez lui « assis derrière le four » est l’équivalent d’un casanier, ce que l’on appelle « un pantouflard » en français. En somme, « sedět za pecí » signifie « passer sa vie dans ses pantoufles ». Bien qu’elle soit française, cette expression pourrait s’appliquer parfaitement aux Tchèques qui ont pour habitude de retirer leurs chaussures et de chausser des pantoufles lorsqu’ils rentrent chez eux, lorsqu’ils rendent visite à quelqu’un (qu’ils connaissent ce quelqu’un ou ne le connaissent pas), lorsqu’ils arrivent à l’école pour les enfants et même pour certains adultes lorsqu’ils arrivent au bureau… Une question d’habitude dont il résulte néanmoins que, durant leur vie, les Tchèques, et ce ne sont pas les seuls en Europe centrale et orientale, passent bien plus de temps en pantoufles que les Français par exemple…
C’est sur cette constatation ô combien essentielle et pleine d’à propos que s’achève ce « Tchèque du bout de la langue » et avec lui la première partie de notre mini-série consacrée aux expressions de la langue tchèque dans lesquelles figurent donc le mot « sedět » - « être assis ». Nous reviendrons sur le sujet dans quinze jours. D’ici-là, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, ne restez pas assis chez vous sur le popotin, sortez et portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !