Attribution des postes clés de l’UE : une victoire du groupe V4 qui n’en est pas une
Après des négociations ardues, les dirigeants européens ont trouvé un accord sur les postes clés de l’UE. La ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, sera très probablement la première femme à prendre la tête de « l’exécutif européen ». Le Premier ministre Andrej Babiš s’est félicité de ce choix, la République tchèque s’étant farouchement opposée, aux côtés des trois autres pays du groupe de Visegrad, à la nomination du Néerlandais Franz Timmermans au poste de président de la Commission européenne.
Créé il y a cinq ans pour garantir une meilleure représentativité des partis, le système des « Spitzenkandidaten », à savoir des candidats des partis européens qui briguent le poste stratégique de président de la Commission européenne a donc été remis en cause lors des négociations à Bruxelles.
Ainsi, le groupe de Visegrad (République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Pologne) a réussi à écarter le Néerlandais Frans Timmermans, la tête de file des sociaux-démocrates. Une personnalité qui a, selon Andrej Babiš, « une perception négative » de la région d’Europe centrale. Le chef du gouvernement tchèque, dont le mouvement ANO fait partie des libéraux européens (Renew Europe) se réjouit en revanche de la nomination de la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, à la tête de la Commission européenne :
« C’est une femme politique conservatrice expérimentée qui s’est également engagée la sphère privée. Je la connais personnellement, elle est aussi bien connue des spécialistes tchèques de la Défense, des gens qui travaillent à l’OTAN. Elle connaît bien la République tchèque et notre région. »Pour le vice-Premier ministre social-démocrate Jan Hamáček, Ursula von der Leyen est une personnalité politique qui « s’engagera en faveur d’une Union européenne forte et efficace ». La candidature de cette proche collaboratrice d’Angela Merkel et figure de l’aile modérée de la CDU a évidemment été saluée aussi par le chef des chrétiens-démocrates tchèques, Marek Výborný (KDU-ČSL).
Du côté des eurodéputés tchèques, des réactions mitigées ont été enregistrées à la désignation, par les Vingt-Huit, du quatuor européen qui comprend également Christine Lagarde, future présidente de la Banque centrale européenne, Charles Michel nommé à la présidence du Conseil européen et Josep Borrell qui prend la tête de la diplomatie européenne.
Ils sont nombreux à déplorer une certaine perte d’influence des pays d’Europe centrale. Les médias et les analystes cités par l’agence de presse ČTK sont plutôt enclins à partager cette opinion. « Le fait que l’Europe centrale et orientale ne soit pas représentée à la direction de l’UE est une conséquence de la politique non-constructive que le groupe de Visegrad a présentée au sommet », estime le politologue de l’Université Masaryk de Brno, Petr Kaniok.
Si les pays du V4 sont repartis bredouille, c’est à cause de leur « incapacité à présenter des solutions alternatives », précise Petr Kaniok. Pour son collègue Ondřej Mocek de l’Association pour les questions internationales, le sommet de Bruxelles représente « un échec total du V4 et de l’Europe centrale et orientale », une déconfiture d’autant plus marquante que la région avait deux candidats en lice : l’euro-commissaire slovaque Maroš Šefčovič qui prétendait au poste du chef de la diplomatie européenne et la Bulgare Kristalina Georgieva, évoquée comme la potentielle chef du Conseil européen.Pour Ursula von der Leyen, le pari n’est pour l’instant pas gagné non plus, car le Parlement européen doit encore approuver la composition de la nouvelle Commission par une majorité simple de 376 voix, lors du vote prévu pour le 16 juillet prochain.