Avec les réfugiés chrétiens irakiens, « le plus important est d’abord d’apprendre à se connaître mutuellement »
Bien que réticente à l’idée de voir des migrants en provenance du Proche-Orient et d’Afrique s’installer sur son territoire, la République tchèque s’est engagée, comme d’autres pays européens, à accueillir 153 réfugiés irakiens de confession chrétienne cette année. Trois premiers groupes de familles sont déjà arrivés, la majorité d’entre elles en provenance d’Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan irakien contrôlés par les djihadistes de l'Etat islamique. S’il bénéficie du soutien du gouvernement, cet accueil tchèque est d’abord organisé par Génération 21, une fondation qui s’efforce d’aider les chrétiens d’Irak et de Syrie. Membre du Parti populaire européen, qui regroupe un ensemble de partis d'inspiration chrétienne au Parlement européen, Michaela Šojdrová, ancienne professeur de français au Lycée archiépiscopal de Kroměříž, s’est engagée dans le soutien à ce projet. De passage à Prague en fin de semaine dernière lors d’un aller-retour entre Bruxelles et sa Moravie natale, Michaela Šojdrová s’est confiée au micro de Radio Prague :
Ces réfugiés qui sont arrivés ou vont arriver prochainement en République tchèque ont-ils donc été choisis par l’Eglise irakienne ?
« Oui, mais aussi par les responsables de Génération 21. Ils se sont rendus à Erbil pour entrer en contact avec des personnes concrètes et ainsi pouvoir préparer les familles à leur venue en République tchèque. Cela est donc bien coordonné. »
Quels sont les profils des gens qui composent ces groupes de réfugiés ?
« Cela varie beaucoup, même s’ils ont tous un point commun, celui de venir en famille avec grands-parents, enfants et petits-enfants. Pour ce qui est de leurs professions, il y a parmi eux des informaticiens, des instituteurs, des médecins, mais aussi des ouvriers. C’est très mélangé. Je dirais que 20% de ces réfugiés sont des enfants… Mais on retrouve toujours des familles, car leur mode vie est ainsi organisé. Ce sont des gens qui vivent en famille chez eux et il est donc important pour eux de partir en famille, ce qui est tout-à-fait naturel. »Quel programme a été mis en place d’abord pour les accueillir, puis pour faciliter leur intégration afin qu’ils puissent s’habituer à leur nouvelle vie en République tchèque ?
« Les bénévoles de Génération 21 n’ont pas une grande expérience de ce type d’aide. C’est la raison pour laquelle ils ont décidé de coopérer avec les professionnels et les ONG spécialisés dans l’intégration des immigrés sur le long terme. Durant les deux premiers mois, les réfugiés sont donc appelés à rester dans les établissements dans lesquels ils ont été accueillis. Je précise ici qu’il ne s’agit pas d’établissements publics, mais d’établissements privés ou appartenant à des organisations humanitaires ou religieuses. Par exemple, à Smilovice (une commune dans les environs de Třinec, en Moravie du Nord, qui a accueilli des réfugiés la semaine dernière, ndlr), trois familles, soit une vingtaine de personnes, sont logés dans un établissement appelé Karmel et qui appartient à l’Eglise évangélique. »
« Ils vont donc d’abord suivre des cours de tchèque, puis d'autres cours qui leur permettront d’acquérir certaines connaissances relatives à la République tchèque, à son histoire, sa société civique, ses religions, etc. Mais, surtout, ils seront contactés par les habitants des lieux où ils habitent pour que ceux-ci puissent s’occuper d’eux et les prendre en charge de façon à ce qu’ils se plaisent dans leur pays d’accueil et s’adoptent à leurs nouvelles conditions de vie. Par exemple, lorsqu’ils sont arrivés dans la nuit la semaine dernière, il y avait beaucoup de neige et il faisait froid. On peut imaginer que ce n’est pas facile pour eux, même s’il faisait déjà meilleur le lendemain matin... Je pense que le plus important est d’abord d’apprendre à se connaître mutuellement. »« Au bout de ces deux premiers mois, ils déménageront et seront relogés dans des villes comme Jihlava, Brno, Prague, Liberec et peut-être Zlín. Leur accueil est actuellement en cours de préparation. Puis une communauté chrétienne continuera à prendre soin d’eux pour faciliter leur adaptation, qu’il s’agisse des adultes ou des enfants. »
Dans la commune de Smilovice que vous avez évoquée, une pétition a été lancée contre l’accueil des réfugiés (cf. : http://www.radio.cz/fr/rubrique/infos/les-habitants-de-smilovice-ont-lance-une-petition-contre-larrivee-des-refugies-chretiens-dirak). En dehors de la communauté chrétienne, quelle est donc la position de la population quant à l’arrivée de ces étrangers ?
« Ce que je peux dire, sur la base de ce que j’ai vu, c’est qu’il est très important que la municipalité s’engage et fasse passer un message positif. A Smilovice concrètement, le maire a dit : ‘Nous les accueillerons, ils sont les bienvenus et nous voulons qu’ils s’adaptent’. Si c’est le discours de la représentation communale, les gens sont plus tranquilles. Ce qui s’est passé à Smilovice a été provoqué par des éléments extérieurs à la commune. Leur objectif était de provoquer cette opposition. Mais moi, ce que j’ai vu, ce sont plutôt les dizaines de personnes qui préparaient l’accueil de ces réfugiés. Toutes étaient très motivées et positives. Je n’ai vu ni entendu la moindre voix contre cet accueil. Cela dépend aussi de ce que les gens peuvent lire et entendre dans les médias. Il est important de montrer l’aspect positif des choses. »« Il faut que les gens puissent entendre des gens qui sont positifs dans leur façon de penser et d’agir. C’est une de nos principales missions et c’est pourquoi je me suis engagée dans cette cause. En tant que députée européenne, je peux encourager cette tendance à l'optimisme. J’apporte mon soutien à Génération 21 et aux municipalités pour que celles-ci contribuent à diffuser une image positive de l’accueil des réfugiés, et notamment de ces réfugiés chrétiens qui ne menacent personne mais qui, au contraire, sont, eux, menacés. »
Ce programme d’accueil est soutenu par le gouvernement. A vos yeux, était-il vraiment important que ces réfugiés que l’on accepte d’accueillir en République tchèque soient des chrétiens ?
« Tout ce que je peux dire sur ce point, c’est que c’était une initiative de la communauté chrétienne irakienne. Ce n’est pas nous qui avons décidé. Ils nous ont sollicités et nous savions que ces chrétiens étaient menacés. Là, oui, il a fallu prendre une décision : soit nous répondions à cette demande, soit nous refusions. Et je pense que c’est une bonne chose que le gouvernement ait accepté. Le fait est que la vie de ces chrétiens irakiens était en danger. Ce sont des gens persécutés et nous avons dit ‘oui, nous voulons les aider’. »
Suite de l’entretien avec Michaela Šojdrová dans le prochain Panorama, mardi prochain.