BD : « Le Kabbaliste de Prague » en bulles et en images

Photo: Glénat

Avec le roman « Le Kabbaliste de Prague », l’écrivain Marek Halter offrait voici quelques années une plongée saisissante dans le Prague juif de la fin du XVIe siècle en partant sur les traces du Maharal, ce rabbin quasi-légendaire qui aurait façonné le Golem. Cet univers, on peut désormais s’y plonger en bande-dessinée, avec l’adaptation que signent chez Glénat le scénariste Pierre Makyo, auteur entre autres de « Balade au bout du monde », et le dessinateur Luca Raimondo. Le premier tome de cette duologie est paru au printemps dernier. Pour parler de ce bel objet, Radio Prague a contacté Pierre Makyo :

Pierre Makyo,  photo: Georges Seguin,  CC BY-SA 3.0 Unported
Comment est né ce projet d’adaptation du roman de Marek Halter « Le Kabbaliste de Prague » ?

« De manière assez simple, c’est-à-dire que j’avais déjà adapté auparavant une histoire de Marek Halter, « Le Vent des Khazars », qui était une commande et une demande de l’éditeur Glénat. J’avais beaucoup aimé car je trouve que Marek Halter est un raconteur d’histoires. Je connaissais par ailleurs quelques autres de ses ouvrages et notamment « Le Kabbaliste de Prague ». Or j’aimais beaucoup ce livre pour beaucoup de raisons, parce que je connais un peu Prague. J’ai une histoire qui se passait déjà à Prague il y a déjà vingt-cinq ans. Cela s’appelait « Le Cycle des deux horizons ». A cette occasion, j’étais venu passer une semaine à Prague avec mon dessinateur Christian Rossi. Par ailleurs, je m’intéresse beaucoup à l’histoire des religions, à l’ésotérisme et à l’alchimie que j’ai un peu étudiée. Toutes ces raisons faisaient que j’aimais beaucoup cette histoire et je l’ai donc proposée directement à l’éditeur. »

Ce sont effectivement les ingrédients que l’on retrouve dans « Le Kabbaliste de Prague ». Pouvez-vous nous raconter l’histoire en quelques mots ?

Photo: Glénat
« Cela parle surtout de deux choses ; un pari de deux amis qui sont juifs et qui étudient la Torah et qui décident de consolider, de donner plus de force à leur amitié en faisant le plan et le jeu que lorsque leurs femmes qui sont enceintes accoucheront, si c’est un garçon et une fille, ils se font la promesse de les marier ensemble. C’est la première idée qui est assez étonnante, forte et originale. La deuxième, cela parle surtout d’un grand personnage religieux qui a été le Maharal. Il a existé et il a été une figure très forte de la religion juive et d’une certaine manière de son ésotérisme à Prague. Ce Maharal a une importance très forte dans l’histoire. »

L’adaptation d’un roman pour un scénariste de bande-dessinée est-elle un exercice particulier ? Comment se déroule-t-elle ?

« Oui, c’est un exercice qui n’est pas si facile que cela. Evidemment le roman est le lieu de l’écriture. On peut par les mots faire ressentir beaucoup de choses, expliquer beaucoup de choses. On a beaucoup d’espace et de temps pour expliquer et faire ressentir les choses. La bande-dessinée, c’est plus rapide en quelque sorte. On a moins de temps, parce qu’il y a les images et on est obligé de ponctionner la ligne dramaturgique du roman avec tout ce qui concerne l’action et la progression dramaturgique de l’histoire et l’a dégagée d’une sorte de gang des mots, qui sont trop abondants pour la bande-dessinée. C’est un exercice assez particulier et pas toujours facile. »

'Le Kabbaliste de Prague',  photo: Glénat
Pour la préparation du scénario, comment vous êtes-vous documenté ? Tous ces personnages sont des personnages qui ont réellement existé, le kabbaliste David Gans, le Maharal dont vous parliez, ou encore de l’astronome Tycho Brahe... Avez-vous fait des recherches sur ces personnages ?

« Oui un peu, sur internet évidemment. J’ai d’ailleurs donné quelques pistes au dessinateur. Parce que c’est surtout lui qui a dû déjà se renseigner sur la Prague de cette époque. Ce n’est pas toujours évident car il y a quand même pas mal de choses qui ont changé. Heureusement, maintenant internet est une source de documents à la fois techniques et photographiques assez incroyable. On a trouvé la vieille synagogue telle qu’elle est actuellement et telle qu’elle était auparavant. Un des avantages évidemment de l’adaptation du roman, c’est que c’est Marek Halter qui a dû faire des recherches avant moi et qui a dû soigneusement vérifier l’authenticité d’un certain nombre de choses. »

C’est-à-dire que vous n’avez pas, comme vous l’aviez fait pour « Le Cycle des deux horizons », voyagé à Prague pour vous imprégner de l’ambiance de la ville ?

'Le Kabbaliste de Prague',  photo: Glénat
« Non, j’aurais bien aimé le faire parce que c’est une ville assez incroyable. Surtout que j’ai eu la chance – enfin je ne sais pas si c’est une chance -, de la visiter avant la fameuse Révolution de velours, quand c’était encore un pays communiste. C’était un peu un voyage dans le temps d’une certaine manière. La ville était encore globalement chauffée au charbon. Il y avait encore des grands restaurants avec des tables uniques. Enfin, c’était vraiment très étonnant ce voyage. Je ne suis pas retourné à Prague depuis mais j’imagine que beaucoup de choses ont changé. »

Vous y aviez trouvé des éléments qui vous ont inspiré pour l’écriture de scénario ?

« J’avais visité à l’époque le cimetière juif. Je me rappelais un peu de cette configuration. Il est vrai que connaissant la ville, le fleuve et toute cette espèce de floraison, de bâtiments religieux de tous les ordres, le pont Charles, etc… C’est une sacrée ambiance, Prague ! D’ailleurs, j’avais mis en fond d’écran le pont Charles sous la neige, une image qui me plaît beaucoup. Donc, il est vrai qu’il était plus facile pour moi de travailler sur le sujet en ayant déjà visité Prague et en en connaissant la force symbolique. »

« Le Kabbaliste de Prague » est fortement imprégné de spiritualisme, notamment juif. Sur la couverture, on peut voir le Golem, même si dans ce premier tome on ne le voit pas apparaître. Quel est votre rapport à cette légende du Golem et à cette spiritualité ?

'Le Kabbaliste de Prague',  photo: Glénat
« C’est un rapport très fort parce que la recherche et la pratique spirituelle m’occupent depuis trente ans. Je pratique la méditation zen. J’étudiais l’alchimie, de manière théorique évidemment. J’ai étudié tous les grands maîtres indiens… Voilà, ce qu’on appelle la spiritualité, même si c’est un mot qui devient, comme beaucoup de mots, un peu galvaudé ; c’est quand même la science de l’esprit, c’est à dire la capacité à découvrir la réalité et la profondeur de ce qui nous anime, la conscience qui demeure un mystère pour tous et pour nous-mêmes ; c’est aussi une des raisons pour lesquelles le sujet m’inspirait et m’intéressait. Cet aspect un peu ésotérique de la religion kabbaliste m’intéresse beaucoup d’une certaine manière, parce que je ne la considère pas comme fumeuse, irréaliste ou improbable. »

Est-ce quelque chose dont on trouvait des aspects déjà dans « Le Cycle des deux horizons », cette bande dessinée qui se passait à Prague ?

« Oui, fortement. Même un peu trop à l’époque. Je l’ai écrit, il y a vingt-cinq ans. A l’époque, cela avait un peu déboussolé un certain nombre de personnes parce que je parlais déjà de quelque chose de franchement et fortement ésotérique. »

Comment se passe la collaboration avec le dessinateur, avec Luca Raimondo pour « Le Kabbaliste de Prague » ?

« Cela se passe assez simplement parce que c’est un dessinateur italien que je n’ai pas encore rencontré. Je travaille avec une femme qui est agent de dessinateurs et lorsqu’il s’agit d’un projet comme celui-ci, elle me propose des dessinateurs. Et Luca Raimondo est le troisième dessinateur parce qu’on en a refusé plusieurs avec l’éditeur. On essaie de trouver un dessinateur qui a déjà une sorte d’affinité, ne serait-ce qu’intellectuelle, avec le projet et qui dessine correctement l’ambiance de l’histoire. »

Est-ce qu’on peut savoir quand paraîtra le deuxième tome ?

« Je ne pense pas qu’il paraisse avant la fin de l’année, quoi qu’on ait déjà bien avancé. Mais ça sera très probablement au début de l’année prochaine. »