Belman Belei, premier arbitre noir de football en République tchèque (2nde partie)
Suite de l’entretien avec Belman Belei, premier arbitre africain de football en République tchèque. Togolais diplômé en relations internationales de l’Université Charles à Prague, actuellement analyste en informatique, Belman Belei, qui vit à Prague depuis 1997, est avant tout un vrai passionné de football. Une passion qui l’a conduit à devenir homme en noir, mais aussi entraîneur de jeunes, entre autres de petits Roms. Bref, un amoureux du ballon rond que Radio Prague a rencontré récemment.
« Généralement, tout se passe bien. J’aime le foot, j’aime faire partie du jeu et c’est ma principale motivation. J’aimerais être un de ces arbitres qui apportent de la justice dans le jeu à tous les niveaux. C’est ce qui me motive à faire ce boulot. Je suis content quand j’arrive à bien diriger un match et que les deux équipes viennent me féliciter. Bon, cela ne se passe pas toujours comme ça, mais jusqu’à présent, pour la plupart des matchs où j’ai officié, cela s’est plutôt bien passé. Ma motivation est donc intacte. »
Quel a été l’accueil que vous ont réservé vos collègues arbitres tchèques ?
« Ils ont été très sympas. Je ne peux vraiment pas me plaindre de leur comportement. Ils m’aident par exemple quand j’ai quelques difficultés pour la rédaction de certaines choses sur la feuille de match pour que celles-ci ne soient pas mal interprétées après. »
Tu as dit que les joueurs, les entraîneurs et dirigeants faisaient attention à ce qu’ils disaient par rapport à toi. Penses-tu qu’il s’agit d’un respect sincère ou alors savent-ils qu’ils doivent faire attention à leurs propos ?
« Je pense surtout qu’ils ont peur des sanctions. J’ai des raisons de douter de leur sincérité et je pense qu’ils ont surtout peur des sanctions, parce que celles-ci sont très lourdes lorsqu’il s’agit d’insultes envers l’arbitre ou de propos racistes. Je ne connais aucun joueur qui souhaite être suspendu six mois. »
En dehors de l’arbitrage, tu t’occupes également d’une équipe de jeunes dans un club de Prague…
« En fait, quand j’ai arrêté de jouer, je voulais me trouver une activité qui me permette de rester en contact avec le jeu. J’ai donc commencé par arbitrer, puis je suis tombé sur un club très sympa qui n’avait pas beaucoup de structures. Cela m’a donné envie d’aider ce club, le SK Čechie Smíchov (dans le Ve arrondissement de Prague). J’ai donc commencé avec les moins de 10 ans que j’ai entraînés pendant une saison. Ensuite, beaucoup d’entre eux sont montés d’une catégorie en moins de 13 ans et nous avons eu beaucoup de succès. Le club était très content, mais j’ai eu quelques difficultés au niveau professionnel, ce qui m’a contraint à passer moins de temps à entraîner. Mais je suis assez optimiste quant à la suite de ma carrière d’entraîneur. Je pense y avoir plus d’avenir que dans celle d’arbitre… J’aime travailler avec les jeunes. On peut se retrouver avec un gamin de huit ans qui ne sait pas taper dans un ballon et qui, au bout d’un an, a fait de gros progrès. Le voir capable de dribbler ou marquer est valorisant et procure de la satisfaction. Ce que je n’ai pas pu faire comme joueur, je le peux avec les jeunes. A travers eux, je réalise mes rêves de footballeur en quelque sorte. »Entraîner les jeunes est donc avant tout une question de plaisir.
« Oui. A chaque jour que je passe avec eux, il y a toujours un moment de plaisir. Il faut préparer tout le matériel d’entraînement, les exercices, etc., mais ce sont aussi des choses qui me procurent du plaisir. Et quand je vois que les enfants reproduisent en match ce qu’on leur apprend à l’entraînement, c’est encore du plaisir. »
Est-il difficile d’entraîner des petits Tchèques ? Sont-ils attentifs ? Réceptifs ?
« Non, ils ne sont pas spécialement difficiles à entraîner. Encore une fois, les plus difficiles, ce sont les petits Roms. Ils sont un peu plus turbulents que les autres et manquent de discipline parfois. Ils sont très doués, mais on ne peut pas leur apprendre grand-chose au niveau de la discipline du jeu. Inversement, les enfants tchèques sont plus disciplinés et sont capables d’apprendre autre chose que ce qu’ils savent déjà faire. Mais vous savez, mon équipe est très cosmopolite : il y a un Indonésien, un Egyptien, il y avait un petit Algérien et j’ai une communauté assez forte qui vient du lycée français. D’ailleurs, depuis qu’ils sont arrivés, ils ont renforcé le niveau de l’équipe. Ce sont aussi des enfants relativement disciplinés qui viennent de familles bien posées. Cela facilite leur intégration et comme je parle français avec eux, ils ne sont pas obligés d’être avec un entraîneur tchèque qu’ils ne comprennent pas bien. Donc, l’ambiance dans l’équipe est plutôt bonne. »
Les enfants tchèques sont-ils curieux vis-à-vis de toi ?
« Oui, ils sont tout à fait curieux. Ils me demandent d’où je viens, comment je suis arrivé ici, mes origines, etc. Ce sont des choses que je leur explique très simplement, mais sans non plus trop m’étendre. Les enfants sont curieux, mais ça ne va pas plus loin. L’essentiel pour eux est qu’ils aient un entraîneur qui s’occupe d’eux pour qu’ils aient, eux aussi, du plaisir à jouer. »Aimerais-tu ensuite entraîner des plus grands, voire une équipe senior, ou préfères-tu rester avec les enfants ?
« J’ai une licence UEFA B qui me permet d’entraîner les adultes, mais pour le moment, je suis bien avec les enfants. Plus tard, on verra. De toute façon, les enfants grandissent, et moi, j’évolue avec eux. Avec le temps, je finirai donc sûrement par entraîner une équipe de plus grand, voire peut-être même des adultes dans une structure plus importante. »
Tu te sens donc comme un poisson dans l’eau dans ce milieu un peu particulier du football tchèque amateur ?
« Oui, parce que tout ce que je fais, je le fais par amour pour ce sport qu’est le football. Alors, je me sens bien, que ce soit comme arbitre ou comme entraîneur. Et tant que je me sentirai bien dans ma peau et que je prendrai du plaisir, je continuerai ces deux activités. »