Biathlon : Fourcade – Koukalová, le couple impérial de Nové Město

Gabriela Koukalová, photo: ČTK

Qui a prétendu que le hockey sur glace était le sport d’hiver roi en République tchèque ? Pendant que l’équipe nationale affrontait dans l’indifférence quasi-générale et avec des fortunes très diverses la Finlande (2-4), la Russie (1-5) et la Suède (4-1) ce week-end dans le cadre de l’Euro Hockey Tour, près de 125 000 spectateurs ont assisté de jeudi à dimanche à l’étape de Coupe du monde organisée à Nové Město na Moravě (dans le centre de la République tchèque). Une immense fête populaire qui a confirmé non seulement que Nové Město est bel et bien devenu une nouvelle Mecque de la discipline, mais aussi le boom du phénomène biathlon en République tchèque. Et la victoire de Gabriela Koukalová, nouvelle star du sport tchèque, dimanche dans la dernière épreuve, la première de l’histoire d’un biathlète tchèque à domicile, a été la cerise sur le gâteau d’un week-end réussi en tous points et que pas même l’affaire du dopage russe institutionnalisé n’est parvenue à ternir.

Photo: archives de Radio Prague
« J’espère ne pas en avoir trop fait, mais j’ai ressenti un tel bonheur dans cette ambiance incroyable… J’avais envie de partager tout ça avec le public. On me reproche souvent d’être trop sérieux et de ne pas profiter de mes victoires, mais là, j’ai pris tellement de plaisir que j’avais envie d’en profiter jusqu’au bout. »

Ces paroles sont celles de celui que le quotidien Mladá fronta Dnes a surnommé « Císař Fourcade » dans son édition de ce lundi. « L’empereur Fourcade » les a prononcées à l’issue de sa victoire dans la poursuite samedi après-midi. « Ce n’est pas un martien. Il ne nous arrive pas non plus de Vénus. Martin Fourcade n’a tout simplement pas de concurrence en biathlon. Aucune », explique le journal.

Vainqueur du sprint jeudi, de la poursuite samedi puis du mass-start dimanche, le Français a remporté les trois courses qui figuraient au programme de l’étape de Coupe du monde à Nové Město et signé respectivement ses cinquième, sixième et septième victoires en huit courses individuelles disputées depuis le début de saison. Le quintuple vainqueur de la Coupe du monde ne domine désormais plus sa discipline, il l’écrase avec déjà 158 points d’avance au classement général, à la manière du légendaire Norvégien Bjoerndalen il y a une dizaine d'années de cela. Pas étonnant donc qu’il ait tenu à profiter d’un bain de foule dans le dernier tour ; un dernier tour au milieu des milliers de supporters tchèques massés tout le long du parcours et que Martin Fourcade, euphorique, a remerciés en tapant dans les mains de certains d’entre eux. Un one-man-show qui, affirmait-il à l’arrivée, lui a mis un peu de baume au cœur dans le contexte lourd actuel marqué par les accusations de dopage qui visent trente-et-un biathlètes russes depuis la récente publication du second rapport McLaren :

Gabriela Koukalová,  photo: ČTK
« C’est une super course. Il y a beaucoup trop de polémiques en ce moment autour de notre discipline et du sport en général. Je suis content de faire reparler un peu de l’aspect sportif. Au niveau de l’équipe de France, on ne discute que de cette affaire entre nous et c’est pesant. C’est quelque chose que l’on n’aime pas. Ca fait donc du bien aujourd’hui de ne penser qu’au sportif. »

La razzia de Martin Fourcade n’a pas été le seul temps fort pour l’équipe de France tout au long de ce week-end prolongé dans la belle région de de Vysočina. Derrière le Russe Anton Shipulin (+30’’2), Quentin Fillon Maillet a pris la troisième place de la poursuite (+38’’3), montant ainsi sur un podium d’une épreuve de Coupe du monde pour la quatrième fois de sa carrière.

*Koukalová et les autres

Et que dire des femmes ?! Avant la victoire surprise d’Anaïs Chevalier dans la poursuite samedi pour le premier succès de sa carrière en Coupe du monde, les Tricolores avaient réalisé une très belle performance d’ensemble dans le sprint vendredi avec la même Chevalier deuxième et quatre autres représentantes dans le Top 12.

Mais la reine du week-end, celle pour qui le public tchèque était venu si nombreux, ne pouvait être que Gabriela Koukalová, et tant pis pour toutes les autres… Son sourire radieux faisait la une de la plupart des quotidiens tchèques de ce lundi. « Un dimanche doré », « Une Koukalová en or » ou encore, pour résumer le tout, « Le dimanche doré de Gabriela Koukalová » et « Un happy end parfait », titraient ainsi à l’unisson, sans faire preuve de grande imagination, les journaux pourtant généralistes Lidové Noviny, Právo et Mladá fronta Dnes.

Gabriela Koukalová,  photo: ČTK
L’actuelle sportive préférée des Tchèques a remporté le mass-start et égayé le dernier dimanche de l’Avent du bon million d’entre eux réunis devant leur poste de télévision. Acclamée par les plus de 30 000 spectateurs qui avaient rempli la Vysočina Arena jusqu’au dernier siège, Koukalová a, de ses propres dires, vécu le moment le plus intense de sa carrière :

« J’ai d’abord été surprise de faire un sans-faute au dernier tir. J’ai alors pensé à tous ces gens venus nous soutenir et je me suis dit que ce serait bien de les remercier pour la formidable ambiance qu’ils ont mise tout au long du week-end. C’est difficile d’exprimer avec des mots ce que cette victoire représente dans ma carrière. Je me demande même si cela vaut encore la peine d’aller aux Jeux olympiques l’année prochaine, car même une médaille d’or ne dépasserait pas ce que je ressens aujourd’hui. »

Enfin régulière sur le pas de tir, la Tchèque, décevante dans le sprint (13e) et la poursuite (8e) les deux jours précédents, s'est imposée devant l’Allemande Laura Dahlmeier (2e) et l’Italienne Dorothea Wierer (3e) avec respectivement 3''1 et 9''7 d’avance. Détentrice du globe de cristal, Koukalová a ainsi signé son deuxième succès de la saison en Coupe du monde après la poursuite d'Östersund (Suède) début décembre (cf. : www.radio.cz/fr/rubrique/sport/biathlon-mademoiselle-soukalova-est-devenue-madame-koukalova).

Surtout, cette victoire tant espérée de « Gabi », comme la surnomment même les journalistes, aura été le premier succès de l’histoire d’un biathlète tchèque devant son public. De quoi émouvoir même l’entraîneur en chef de l’équipe nationale, Ondřej Rybář :

« Je ne sais pas si Andersen aurait su écrire un plus beau conte de fée. C’est le point final rêvé de ces quatre jours de fête durant lesquels le cœur de tous a battu au rythme du biathlon. »

Ondřej Rybář,  photo: ČTK
A une semaine des fêtes de Noël, ce week-end magique à Nové Město méritait effectivement bien une telle conclusion. Et uen fois celui-ci achevé, on se demande encore moment, en septembre dernier, la Fédération internationale de de biathlon a bien pu préférer la ville russe de Tioumen, au sud-est de la Sibérie, à Nové Město pour accueillir les Championnats du monde en 2021, et ce alors même que le Comité international olympique avait recommandé aux différentes associations de sports d'hiver de ne pas attribuer l'organisation de compétitions majeures à la Russie ces prochaines années en raison des révélations sur son système de dopage à grande échelle.