Bombe, golf et aviation

Bohuslav Svoboda
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« La bombe pour le maire », « Golf – l’amour des Tchèques »... Tels sont les titres de deux articles que nous avons retenus dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt et dont nous allons présenter les grandes lignes. Quelques mots, aussi, au sujet du centième anniversaire du premier vol effectué par le Tchèque Jan Kašpar entre les villes de Pardubice et de Prague, qui a fait de lui le champion austro-hongrois.

Bohuslav Svoboda
« Qui menace le maire de Prague Bohuslav Svoboda », se demande l’hebdomadaire Respekt dans un article paru cette semaine. Le fait que celui-ci soit récemment devenu le destinataire d’une enveloppe avec un explosif à l’intérieur, ainsi que de textos comminatoires, le fait que sa femme et son bébé soient suivis par un anonyme, signifient d’après l’auteur de l’article que la situation dans la capitale tchèque, étouffée par le clientélisme, devient plus brutale que jamais.

Tête de liste de l’ODS, Bohuslav Svoboda, soixante-sept ans, gynécologue pragois reconnu et respecté, a été élu en novembre dernier maire de Prague. Son élection a provoqué un tollé et des manifestations de protestations des Pragois, dénonçant l’établissement d’une nouvelle coalition gauche-droite à la mairie (Parti civique démocrate ODS-Parti social-démocrate CSSD), en dépit du fait que TOP 09, l’autre principal parti de droite du pays, avait remporté le scrutin à Prague. Mais l’évolution suivante avait de quoi suprendre. L’hebdomadaire explique :

« Au début du parcours politique de Bohuslav Svoboda, on aurait pu croire qu’on allait avoir affaire à l’histoire pitoyable d’un homme qui, à la fin d’une brillante carrière de médecin, se voit décoré d’une chaîne d’or autour du cou, pour se faire manipuler par la suite par ses malins collègues qui dominent la ville, de concert avec les sociétés qui reçoivent les commandes lucratives ».

« Les matadors de la politique pragoise », poursuit-il, « s’attendaient à ce que le populaire Svoboda, d’abord sans parti, plus tard membre de l’ODS, leur assure la victoire électorale avant de se soumettre de bon gré à leur influence ».

Apparemment, il n’en a rien été. C’est ce qu’avouent même ceux qui l’avaient critiqué ou qui s’en étaient méfiés. « Ce n’est pas une simple figure sur l’échiquier. Il s’avère que tout ce qu’il avait promis avant les élections, il le prenait au sérieux », déclare Jiri Dienstbier, tête de liste du CSSD qui, lui, a été mis sur la touche par l’ancienne garde juste après les élections.

Selon l’hebdomadaire, la situation à Prague ne s’est pas encore radicalement améliorée et les problèmes graves liés à la corruption et à l’absence d’une planification raisonnable de l’aménagement territorial, persistent toujours. Ceci dit, le nouveau maire a réussi à stopper quelques appels d’offre suspects, dont notamment celui concernant la construction d’une grande station d’épuration des eaux et, s’inspirant du modèle allemand, à « couper court aux postes lucratifs de certains représentants politiques dans les organes des sociétés municipales». Il a fait également partir de la mairie les fonctionnaires les plus compromis, notamment les chefs de départements.

L’ODS à la municipalité de Prague est dès lors divisé entre un camp soutenant le maire Bohuslav Svoboda, l’autre aile étant proche des milieux d’entrepreneurs influents. Personne n’oserait pour autant mettre, ouvertement, les menaces adressées à Bohuslav Svoboda en rapport avec cette situation et avec les démarches du maire.

« En ce qui concerne les motifs des menaces adressées au maire Bohuslav Svoboda et à sa famille, on ne peut pour l’instant que donner libre court à des spéculations », peut-on lire dans les pages de Respekt qui conclut en constatant :

« De toute façon, il est particulièrement important pour le climat dans la capitale tchèque qu’une équipe spéciale, qui a été constituée par le président de la police, prenne ces menaces très au sérieux ».


Photo: Archives de Radio Prague
La République tchèque connaît depuis plusieurs années un immense boom du golf. Etiquetté snob, ce sport est perçu par une grande partie des Tchèques comme un passe-temps favori des nouveaux riches grâce auquel ils veulent confirmer leur position dans la hiérarchie sociale et qui leur permet en outre de comploter avec les politiciens qui sont, eux aussi, souvent présents sur le terrain. Selon le journal Respekt, on peut désormais considérer ce phénomène, aussi, d’un autre point de vue, car « c’est un jeu qui a toujours su refleter l’état de la société ».

« Les terrains de golfs demeurent l’un des rares endroits en République tchèque, pays à tendance assez égalitaire, où les différences sociétales se font particulièrement marquantes », constate le journal qui rappelle que notamment dans les années 1990, le golf était réservé presque exclusivement à la nouvelle couche de millionaires, voire milliardaires.

Arrogance, grosses voitures, luxe ostentatoire, montres opulentes et chères, la rage à chaque coup raté. Tels auraient été selon le journal les traits distinctifs des joueurs de golf tchèques, durant les premières années d’édification du capitalisme sauvage dans le pays. Certains de ces traits, plus modérés quand même, persistent encore aujourd’hui.

Au fur et à mesure, les représentants d’autres milieux aisés, tous ceux qui voulaient faire preuve de leur appartenance à une certaine « classe », ont rejoint ces premiers « pionniers » du golf, sport presque inexistant sous le régime communiste, puisque considéré comme une discipline bourgeoise par excellence.

Aujourd’hui, le golf a tendance à devenir plus démocratique et plus populaire qu’auparavant, attirant même les gens des couches moyennes ou les familles avec enfants... D’après les dernières données, la fédération tchèque de golf compte près de cinquante mille membres, la Tchéquie possèdant quatre-vingt neuf terrains de golf. Ces chiffres indiquent que dans le domaine du golf, la République tchèque représente une véritable puissance à l’échelle de l’ensemble des pays postcommunistes.

Et l’hebdomadaire Respekt de faire dans ce contexte remarquer que « le golf a une qualité indéniable, à savoir celle d’illustrer la prospérité économique et l’ouverture sociale de tel ou tel pays ». Il écrit :

« Au cours des deux dernières années, la crise économique a en quelque sorte freiné l’épanouissement du golf sur le territoire tchèque. Il y a moins de tournois organisés par les firmes, moins de nouveaux projets d’édification de terrains. Une chose est pourtant certaine : la prolifération du golf est un phénomène indiscutable ».

Il semble que pour démythiser définitivement le golf en Tchéquie, il ne lui faut qu’une seule chose : une star sportive, un Tiger Woods version tchèque.


Jan Kašpar
Ce vendredi 13 mai, cent ans se sont écoulés depuis le jour où Jan Kašpar, le plus connu parmi les pionniers de l’aviation tchèque et parmi les pilotes tchèques de l’époque, a effectué son vol légendaire de la ville de Pardubice à Prague. Cet exploit lui a valu d’être proclamé le champion austro-hongrois des vols à longue distance.

Son premier vol long d’environ deux kilomètres, à près de vingt de mètres d’altitude, Jan Kašpar l’a entrepris le 16 avril 1910. Cet ingénieur et constructeur d’avions a également à son compte les premiers vols avec un passager à bord.

Le vol entre Pardubice et Prague que Jan Kašpar a effectué un an plus tard et qui l’a immortalisé, était de 121 kilomètres et a duré 92 minutes. Le supplément du quotidien Mlada fronta Dnes écrit que l’événement avait suscité à l’époque un vif intérêt du public initié tout en soulevant d’un autre côté l’effroi des témoins pris au dépourvu.

Plus tard, Jan Kašpar a fait don de l’avion légendaire appelé Blériot au Musée technique de Prague, où il est d’ailleurs toujours exposé. Le journal rappelle en outre la fin tragique du célèbre aviateur tchèque. Dans ses pages nous pouvons lire :

« Quelques années après le vol qui l’a rendu célèbre, il a abandonné l’aviation pour se consacrer à une entreprise familiale. Peu doué pour cela, il a fini ruiné et endetté... Agé de quarante-quatre ans et souffrant de sévères dépressions, il s’est finalement suicidé ».