Boualem Sansal : « La Tchéquie est mon deuxième pays »
La foire internationale Le monde du Livre se poursuit jusqu’à dimanche à Prague. Parmi les auteurs invités de cette XVIIIe édition figure l’écrivain algérien Boualem Sansal. Bien que lauréat de nombreux prix littéraires, la position du romancier et essayiste dans son pays est très délicate en raison de sa critique du régime en place. Les œuvres de Boualem Sansal sont aujourd’hui lues et appréciées notamment en France et en Allemagne. Il a expliqué sa présence à Prague au micro d’Olga Stepanenko :
« Je suis publié en France et je suis publié à Prague parce que un de mes livres vient d’être traduit en tchèque et sera présenté au Monde du livre. La Tchéquie est mon deuxième pays parce que ma première femme est tchèque et mes filles vivent à Prague. »
En 2006, Boualem Sansal a publié une lettre ouverte intitulée « Poste restante : Alger, lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes ». Ce texte, qui est un appel à la vraie démocratie, lui a valu une interdiction de publier dans son pays, interdiction qui n’a toujours pas été levée depuis. C’est ainsi que l’écrivain caractérise son œuvre :
« Mes livres sont, on va dire, plutôt engagés. Je n’aime pas trop l’expression, mais enfin on considère que je suis un écrivain engagé. Il y a beaucoup d’éléments politiques dans mes livres. Je parle des violences qui s’abattent sur le monde, je parle de l’islamisme, je parle de ces choses-là. Mes livres sont très critiqués dans mon pays et dans beaucoup de pays arabes. Ils sont interdits en Algérie. »L’écrivain est venu en République tchèque pour présenter son livre « Le village de l’Allemand », roman traduit en quinze langues. La version tchèque du roman a été publiée aux éditions Pistorius et Olšanská. Boualem Sansal a présenté son roman aussi à Radio Prague :
« ‘Le village de l’Allemand’, c’est l’histoire d’un Allemand, d’un criminel de guerre, qui s’est sauvé après la défaite de l’Allemagne comme d’autres criminels de guerre pour se réfugier en Egypte, d’où il est ensuite venu se réfugier en Algérie. Et il est resté en Algérie. Il s’est engagé dans la révolution algérienne quand les Algériens étaient en guerre contre la France pour obtenir leur indépendance. Et, voilà, j’ai cherché dans son village, j’ai enquêté sur lui et j’ai découvert qu’il a une historie extraordinaire. (…) J’ai reconstitué sa vie d’une manière assez détaillée. Je suis même allé dans certains camps, comme Auschwitz, où il avait été. Mais c’est le fonds du livre. Mon roman n’est pas construit sur la vie de cet homme. Ce n’est que le décor. Mon livre s’intéresse aux enfants de cet Allemand. Il a eu deux fils, et je me suis intéressé à eux en me demandant comment pensent et réfléchissent les enfants qui découvrent que leur père est un criminel de guerre, que leur pays a commis un crime contre l’humanité. Comment ils s’interrogent par rapport à ça.Donc, ce roman est le questionnement de ces deux garçons sur leur père, sur sa trajectoire, son histoire, sur l’Allemagne qu’ils ne connaissaient pas parce qu’ils sont nés en Algérie. Ils sont nés d’une mère algérienne musulmane. Et ils découvrent l’Allemagne, la Deuxième Guerre mondiale, la shoah, l’extermination et ils se posent beaucoup de questions. Ils vivent ensuite à Paris, dans la région parisienne, dans une banlieue très difficile qui est aux mains des islamistes. Donc, un des garçons s’interroge non seulement sur son père et la shoah mais aussi sur l’islamisme qui lui apparaît être une idéologie fasciste comme le nazisme. »
Boualem Sansal participera ce lundi à une rencontre avec les lecteurs tchèques au café de l’Institut français de Prague.