Canada tchèque : l’étroit chemin de fer près de l’ancien rideau de fer
Savez-vous où se trouve le « Canada tchèque » ? C’est une région aux forêts vastes et profondes, aux innombrables étangs et au climat plutôt rude, située dans le sud de la Bohême, non loin de la ville de Jindřichův Hradec, de la frontière tchéco-autrichienne et donc de l’ancien rideau de fer. Une contrée aujourd’hui idyllique, mais dont le passé est mouvementé : le pouvoir communiste y a instauré une zone de « no man’s land », pour empêcher les gens de fuir vers « l’Ouest ». Au cœur de cette région qui a, aussi de ce fait, conservé une nature presqu’intacte, se trouve une attraction touristique particulièrement prisée des Tchèques : un chemin de fer à voie étroite. Nous vous proposons d’embarquer dans l’un de ces trains qui y circulent depuis 120 ans…
« Nous avons pris le train dans le village de Hůrky et nous allons à Jindřichův Hradec. La voie est vraiment étroite ! Moi, ce que j’aime, c’est que le train passe à travers les forêts. Comme il ne va pas trop vite, on peut même voir des champignons ! Ou des vaches, quand on passe à côté des pâturages. »
Les propos de ces enfants, venus passer leurs vacances d’été, avec leurs parents, dans la région de Jindřichův Hradec, résument tout le charme de ce chemin de fer touristique, où les petits trains à moteur circulent pendant toute l’année. Pour le plus grand plaisir de petits et grands voyageurs, les locomotives à vapeur, dont les plus anciennes dates de la fin du XIXe siècle, et les voitures de la Belle époque sillonnent le « Canada tchèque » en période estivale.
Des rails sur la prairie
Le chemin de fer mesure au total 79 kilomètres, tandis que l’écartement des rails est de 76 centimètres seulement (près de la moitié du standard européen). Son tronçon le plus ancien, mis en service en 1897, relie la ville de Jindřichův Hradec à la petite ville de Nová Bystřice, située un peu plus au sud, à la frontière tchéco-autrichienne. En 1906, a été inaugurée la partie nord du chemin de fer, celle entre Jindřichův Hradec et la commune d’Obrataň, dans les Hauteurs tchéco-moraves.
Střížovice, Kunžak-Lomy, Hůrky, Albeř… autant de petites gares pittoresques situées sur le trajet en direction de l’Autriche, qui sont non seulement un point de départ de randonnées et autres découvertes, mais qui offrent également un hébergement touristique. Une possibilité dont Michal, sa femme et leurs deux enfants ont profité à plusieurs reprises :
« Depuis sept ans, nous passons les vacances dans cette région. Nous venons pour des séjours courts et plus longs, à toutes les saisons de l’année. Pourquoi ? Parce que le paysage nous plaît énormément. C’est une région touristique, mais finalement, quand nous nous baladons, nous rencontrons très peu de gens. Ceux qui vivent ici sont accueillants, polis, ils disent bonjour aux inconnus. C’est une région très verte, encore un peu traditionnelle et rurale. On ne trouve pas ici de bâtiments industriels, comme dans la région de Mladá Boleslav, où nous vivons. Nous aimons marcher, parce que c’est en marchant que l’on peut vraiment vivre le paysage, je crois. »
« Par le passé, nous avons logé dans les gares d’Albeř et de Nová Bystřice. C’est assez prisé, il faut réserver l’appartement suffisamment à l’avance. Pour être plus indépendants, nous avons décidé de louer un petit chalet à proximité de la gare de Hůrky, ça devient aussi un peu moins cher. »
Bienvenue à bord, Monsieur Havel
La société des chemins de fer de Jindřichův Hradec (JHMD) exploite également un petit musée à Nová Bystřice. Elle propose aux amateurs des voies étroites des événements spéciaux : des voyages privés ou encore la possibilité de devenir conducteur ou machiniste du train touristique le temps d’une journée. Jaroslav Sojka, lui, est contrôleur à bord des trains à voie étroite. C’est un métier qu’il exerce depuis 22 ans, avec toujours autant de plaisir :
« Je circule sur les deux tronçons de ce chemin de fer à voie étroite. Comme beaucoup de gens, je préfère le circuit que nous sommes en train de parcourir maintenant, celui qui mène de Hradec vers le sud, à Nová Bystřice. Le paysage environnant est très joli. Les trains sont remplis de touristes, surtout en été. Les trains circulent pendant toute l’année, en hiver, ils transportent aussi les gens qui vont au travail ou les écoliers, mais cela concerne surtout l’autre tronçon, à savoir la ligne au nord de Hradec qui dessert les communes de Včelnice, Kamenice nad Lipou ou Černovice. »
Au cours de sa carrière de conducteur de train, Jaroslav Sojka a vécu un moment particulier qui reste gravé dans sa mémoire :
« Un jour, l’ancien président Václav Havel a embarqué dans notre train, avec toute sa délégation, lorsqu’il était en visite dans la région. C’était peu après son élection, au moment où les chemins de fer locaux à voie étroite venaient d’être privatisés. »
Une autre personnalité encore est liée à la « úzkokolejka », comme on appelle en tchèque le chemin de fer à voie étroite : Jára Cimrman. Cette figure fictive et mythique de l’histoire tchèque a son monument à la station de Kaproun, où il aurait été débarqué du train, dit la légende, après avoir voyagé sans titre de transport. Et c’est à Kaproun que se termine notre voyage aussi. Je vous dis « ahoj », comme ont l’habitude de se saluer les voyageurs qui continuent à faire revivre le passé ferroviaire du « Canada tchèque ».
Les horaires et les tarifs des trains sont à consulter au www.jhmd.cz.
Que voir dans la région ?
Les ruines du château de Landštejn construit au XIIIe siècle
Le château de Jindřichův Hradec, avec ses salles médiévales, barques et Renaissance
La ville de Slavonice, connue pour son centre historique Renaissance et ses maisons bourgeoises aux façades décorées de sgraffites
Les anciennes fortifications tchécoslovaques de la fin des années 1930
La petite commune de Maříž, un haut lieu de la poterie et de la céramique
Le zoo privé de Horní Pěna