Centenaire du génocide arménien : des députés tchèques expriment leur compassion
Le comité parlementaire pour les affaires étrangères de la Chambre des députés a exprimé ce mardi sa sympathie et sa compassion aux Arméniens au regard du génocide dont leurs ancêtres furent les victimes sur le territoire de l’Empire ottoman il y a cent ans, d'avril 1915 à juillet 1916. Le sujet est encore très sensible en Turquie, où l’on réfute ce qualificatif de génocide utilisé récemment par le pape François suscitant immédiatement la colère d’Ankara.
Ces exactions se sont déroulées durant la Première Guerre mondiale, alors qu’entre 1,5 et 2,5 millions d’Arméniens vivaient sur le territoire de ce qui était alors l’Empire ottoman. Dans un contexte de montée des tensions avec les minorités ottomanes, la population arménienne, déjà victime de plusieurs massacres à la fin du XIXe siècle, a été soupçonnée de sympathie avec l’ennemi russe, ainsi que l’explique le turcologue Tomáš Laně, premier ambassadeur tchèque en poste à Ankara entre 1995 et 1999 :
« En 1915, durant la Première Guerre mondiale, après l’échec de l’offensive de l’armée ottomane, alliée de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, contre les Russes et avec la progression menaçante des troupes russes en Anatolie orientale, le gouvernement ottoman a décidé de déporter les habitants arméniens qui vivaient là vers le désert syrien. Cette opération, comme l’affirment les Turcs, a conduit à des excès, avec des violences et des massacres. Mais les Turcs refusent de parler de génocide. »Les autorités turques reconnaissent toutefois que des massacres ont eu lieu, causant la mort de quelques centaines de milliers de personnes, mais nient qu’ils auraient pris la forme d’un génocide institutionnalisé et organisé. De son côté, la communauté des historiens s’accorde largement à dire qu’environ 1,5 millions d’Arméniens périrent entre 1915 et 1923, année où prend fin la guerre d’indépendance turque.
Alors que les choses semblent lentement évoluer au sein de la société turque - une pétition lancée fin 2008 pour demander pardon aux Arméniens a par exemple récolté 30 000 signatures - le sujet reste très sensible à Ankara et est régulièrement l’objet de crises diplomatiques, à l’image de celle qui oppose actuellement la Turquie au Vatican.
Dimanche dernier, en ouverture d’une messe donnée à la basilique Saint-Pierre de Rome, le pape François a en effet évoqué la tragédie arménienne en parlant de « premier génocide du XXe siècle »à l’occasion du centenaire de ces massacres et en présence du président arménien Serzh Sargsyan. Une position, rapidement condamnée par la diplomatie turque, que soutient le prêtre et théologien tchèque Tomáš Halík, selon lequel le silence entourant le génocide arménien aurait « encouragé » les autres massacres de masse du XXe siècle. Pour la Radio tchèque, il a notamment insisté sur l’importance symbolique de l’Arménie pour l’histoire du monde chrétien :« Plusieurs massacres contre les chrétiens arméniens ont précédé le génocide du temps de l’Empire ottoman. L’Arménie a en effet été le premier pays au monde à adopter la religion chrétienne en 302, onze ans avant l’Empire romain et l’édit de Milan de l’empereur Constantin. »
A ce jour, 24 pays ou chambres nationales ont reconnu le génocide arménien, dont la France à travers un texte de loi en 2001. La République tchèque ne fait partie de ceux-ci et n’a pas de position officielle sur le sujet. La résolution des parlementaires tchèques n’engage que le comité pour les affaires étrangères, ainsi que l’a rappelé son président, le député conservateur Karel Schwarzenberg (TOP 09).Après une visite du chef d’Etat arménien à Prague en janvier 2014, la presse arménienne écrivait par ailleurs que Miloš Zeman aurait à cette occasion confié considérer le massacre des Arméniens comme un génocide. Soucieux de ne pas trop titiller la Turquie, le château de Prague avait dû par la suite préciser qu’il s’agissait de l’opinion personnelle du président tchèque.