Ces beaux et rares papillons qui disparaissent du paysage tchèque
Comme de nombreuses espèces d’oiseaux et comme bien d’autres insectes, les papillons sont, eux aussi, menacés d’extinction. En République tchèque, dix-neuf espèces ont ainsi d’ores et déjà disparu de la faune au cours des soixante dernières années, tandis que la moitié des 142 autres encore restantes pourraient connaître le même sort dans un proche avenir. Timidement, le ministère de l’Environnement s’efforce de réagir, comme par exemple pour sauvegarder le damier du frêne.
« Sur une table dans une cave, dans une épaisse couche de poussière, se trouvait un papillon qui, autrefois, peut-être, était de couleur. J’ai donc dépoussiéré le papillon dans un rayon de lumière. Puis il s’est décomposé dans le creux de ma main. » Ces paroles sont celles d’une chanson intitulée « Motýl » (Le Papillon) de Mňága a Žďorp, légendaire groupe de rock tchèque. S’il remonte au milieu des années 1990, le texte n’en reste pas moins d’actualité, et pas seulement pour toute la mélancolie qui s’en dégage.
Avec ses bandes brun-rouge séparées par des tâches noires, le damier du frêne compte parmi les papillons communs en République tchèque, et plus généralement en Europe centrale et de l’Est. Ou plutôt comptait, car, de plus en plus rare, il fait désormais partie des espèces menacées de disparition. C’est la raison pour laquelle, mardi dernier, le ministre de l’Environnement, Richard Brabec, a introduit une centaine de nouvelles chenilles du papillon à Libický luh, une réserve naturelle de Bohême centrale située à quelques dizaines de kilomètres à l’est de Prague.
L’objectif de cette action est simple : faire en sorte que les larves se transforment en chrysalides, dans l’espoir de reformer une population plus conséquente que celle existante qui, comme ailleurs sur le continent – et par exemple aussi dans le quart nord-est de la France – tend à fortement régresser. Coordinateur du programme spécialement mis sur pied pour le damier du frêne par l’Agence de protection de la nature et du paysage de la République tchèque (AOPK ČR), Václav John regrette d’en être arrivé à ce point et prévient du risque encouru :« En perdant cette espèce précise, nous nous appauvririons de quelque chose qui a toujours fait partie de notre vie et qui, d’un seul coup, viendrait à manquer. »
Si elle parvient à sauver le damier du frêne, l’AOPK ČR espère enclencher un effet papillon de façon à pouvoir continuer à œuvrer pour la sauvegarde d’autres espèces menacées. Un travail qui passe notamment par le maintien ou la restauration de l’état de conservation de l’habitat de ces différentes espèces.
En République tchèque, la réserve de Libický luh – et plus précisément la forêt de Dománovice – est actuellement le seul endroit, comme d’ailleurs aussi pour le coléoptère appelé Lucane cerf-volant, où vivent encore des damiers du frêne, dont la population est estimée à cinq cents individus. Václav John explique pourquoi à cet endroit précisément :
« Le damier du frêne a besoin de lumière dans une forêt de préférence donc claire, idéalement une frênaie car les chenilles se nourrissent des feuilles de l’arbre. C’est un papillon auquel, inversement, une végétation trop dense qui ne laisse pas ou peu passer les rayons du soleil ne convient pas. Cela est d’autant plus important que le papillon ne vole qu’en une seule génération sur une période relativement courte de fin mai à début juillet. »Outre l’introduction de chenilles, le programme de protection du damier du frêne a donc nécessité aussi la coupe de certaines essences d’arbres, notamment les plus élevées, de manière à pouvoir reproduire un environnement plus propice à la conservation et au développement d’un papillon naturellement très vulnérable, mais qui, comme beaucoup d’autres espèces, le devient toujours un peu plus.