« Charles IV - empereur par la grâce de dieu » (II)
Continuons aujourd'hui notre ballade dans le temps, à l'époque de Charles IV et de la dynastie des Luxembourg, à l'occasion de l'ouverture de l'exposition exceptionnelle qui est consacrée à l'art de cette époque faste et complexe de l'histoire de la Bohême. Suivez le guide.
Si l'exposition « Charles IV - empereur par la grâce de dieu » impressionne par son ampleur, elle se distingue aussi par la qualité des objets rassemblés, des objets disséminés à travers le monde et qui se retrouvent pour la première fois côte à côte. Parmi les nombreuses raretés, le fragment d'une missive historique, conservé à la Bibliothèque universitaire d'Edimbourg, pour la toute première fois prêté à cette occasion. Jiri Fajt nous donne quelques détails sur l'importance du document :
« Cette lettre de protestation est véritablement intéressante, parce qu'il s'agit de plusieurs dizaines de nobles tchèques qui, collectivement, ont ainsi exprimé leurs protestations contre le verdict rendu à l'encontre de Jan Hus. Cette missive a une histoire intéressante. On ne sait pas où sont les fragments manquants et s'ils existent encore. Apparemment, ce fragment-ci provient des biens qui ont appartenu à Jan Amos Komensky (Comenius) qui aurait emporté le tout lorsqu'il est parti du royaume de Bohême et a émigré. C'est par ce biais qu'il est arrivé en Angleterre puis à Edimbourg. »
Le roi de Bohême Charles IV, plus tard souverain du Saint-Empire germanique, avait bien compris, tout comme plus tôt, Charlemagne dans la lignée duquel il voulait résolument s'inscrire, que le pouvoir politique s'appuyait aussi sur l'art. Esthète et cultivé, il n'en restait pas moins un fin politique, avec ce que cela implique de moyens à mettre en oeuvre pour arriver à ses fins. En sélectionnant les artistes et en ayant des canons esthétiques bien définis, Charles IV est à l'origine d'un nouveau mode d'expression artistique. Ce « style impérial » ou « Ars nova », se voulant un concentré de modernité et de ce qu'il y avait de meilleur à l'époque, devait servir à célébrer la gloire du souverain et de sa famille. Une des caractéristiques en est notamment le nombre important de portraits, certes idéalisés et stéréotypés, de Charles IV lui-même. A cette image concise, ajoutons encore un aspect absolument inséparable de cette conception totale du pouvoir royal et impérial : aucun acte politique tout comme aucune oeuvre d'art ne peut se comprendre sans la religion chrétienne, alpha et omega de la vie des individus au Moyen-Age, a fortiori d'un souverain. Les frontières entre le privé, le public et le théologique n'existent pas, et si l'art est au service du roi, le roi est également au service de dieu par le biais de l'art. Une constante de l'art médiéval, mais qui à cette époque, par la stature du personnage, a eu des répercussions à l'échelle européenne. Jiri Fajt :
« En gros, nous avons essayé de créer un nouveau modèle chronologique d'interprétation de l'art en Europe centrale. J'ai toujours essayé, pour ma part, de ne pas parler de « gothique tchèque » parce que cette notion n'a pas de sens. Il faut parler de « gothique des pays tchèques ». Et ensuite il faut faire une distinction plus précise : à Prague, il y avait un environnement de création que les souverains de la dynastie des Luxembourg avaient eux-mêmes créé. Et dans cette espèce de marmite bouillonnante, se sont rencontrés des artistes venus des quatre coins du monde. Il y avait bien sûr aussi des artistes locaux. Notons quand même que le fameux Maître Théodoric était probablement originaire de Cologne en Allemagne, et que Petr Parler venait du Sud de l'Allemagne. Nous avons aussi des artistes qui sont venus de France. Mais à l'inverse, nous avons aussi la preuve qu'en Avignon ou à la cour du roi de France se sont retrouvés des artistes qui étaient passés par Prague auparavant. »
L'exposition, qui est accompagnée d'un programme annexe riches en concerts, spectacles et conférences, s'achèvera le 21 mai. (Plus d'info sur : www.karel-iv.cz)