On cherche le livre le plus aimé des Tchèques

Quel est votre livre préféré ? C'est cette question que l'Union des bibliothécaires et des travailleurs de l'information a posé aux lecteurs tchèques dans le cadre de l'enquête "Mon livre". Ils sont déjà 71 000 à avoir répondu, et leur nombre ne cesse d'augmenter. On espère qu'à la fin de l'enquête leur nombre atteindra 100 000. Le projet a été inspiré par une enquête semblable qu'on a organisé, l'année dernière, en Grande-Bretagne, et à laquelle ont participé 750 000 personnes. L'objectif de l'enquête: trouver ni plus ni moins le livre le plus aimé par le peuple tchèque. Deux fois déjà, on a publié des résultats partiels. Dans un premier temps, on a publié, en avril dernier, la liste de 200 livres cités le plus souvent par les participants à l'enquête ; dans un deuxième temps, au mois de juin, on a réduit la liste et présenté un choix de 100 titres et, début septembre, on a fait connaître au public 50 finalistes, donc 50 livres les plus aimés des lecteurs tchèques. C'est parmi cette dernière série qu'on doit choisir, en octobre, le vainqueur absolu - le Livre avec un L majuscule, le livre préféré du peuple tchèque. On saura le nom du vainqueur le 4 octobre, jour où commencera, en Tchéquie, la Semaine des bibliothèques.

L'enquête est donc en cours, et déjà les résultats partiels ne manquent pas d'intérêt parce qu'ils nous renseignent sur les préférences des lecteurs tchèques. Parmi les 50 livres qui se sont qualifiés pour la finale, il y a 22 livres tchèques, 16 anglo-américains, 4 allemands, 2 français, un livre finlandais, un russe, un polonais et un livre brésilien. Sur la liste, on trouve aussi la Bible, le livre incontournable, la mère de tous les livres. Il faut dire qu'il ne s'agit pas toujours de grande littérature. Dans la première sélection de 200 livres, on trouve par exemple 14 livres d'une certaine Lenka Lanczova, auteur de romans à l'eau de rose, et dans la sélection de 50 livres, il reste encore deux ouvrages de cette écrivaine adorée par les jeunes filles tchèques. Il y a également deux ouvrages de Bozena Nemcova, femme de lettres tchèques du XIXe siècle, auteur de Grand-mère, ouvrage fondamental de la prose tchèque. La littérature pour les garçons est représentée par trois ouvrages de Jaroslav Foglar, auteur qui, par ses livres d'aventures qui ne manquent pas de caractère édifiant, a marqué plusieurs générations d'enfants tchèques. Ce sont Victor Hugo (Les Misérables) et Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince) qui sauvent l'honneur de la littérature française, les lettres anglophones étant représentées par Charlotte Brontë, John Irving, Betty Mac Donald, Margaret Mitchel, George Orwel, et bien sûr par J. R. R. Tolkien et J. K. Rowling, auteur de la série de romans sur l'apprenti sorcier Harry Potter.


Pour présenter les résultats de la troisième étape de l'enquête, on a invité au café Astra, dans la grande librairie Kanzelsberger, place Venceslas à Prague, trois personnalités des lettres tchèques : l'écrivain Ivan Binar, le pasteur protestant, député et chanteur Svatopluk Karasek, et l'écrivain Michal Viewegh. Ils ont parlé de leurs amours littéraires, de leurs livres préférés et aussi des voies par lesquelles les livres parviennent jusqu'à leurs destinataires, c'est à dire leurs lecteurs.

Je vous propose maintenant quelques idées que j'ai retenues de ce débat. Ivan Binar a souligné l'importance de la radio dans la diffusion de la littérature. C'est grâce à la radio que lui-même a fait connaissance avec des auteurs importants:

"Ainsi j'ai découvert l'existence du Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry. J'ai appris aussi qu'il existait un certain Josef Palivec, le poète dont les vers ont été diffusés d'abord à la radio, encore avant que ses livres ne paraissent à cette époque-là. La radio est un médium excellent pour la littérature."

La discussion a révélé qu'il n'est pas toujours facile de trouver la limite entre la bonne et la mauvaise littérature. On en est venu à s'interroger sur les possibilités d'orienter le lecteur dans ses choix littéraires, sur le droit du bibliothécaire de limiter les choix du lecteur, de choisir pour lui, procédé qui peut aboutir tout simplement à la censure. Et on a été unanime à constater que le lecteur moderne n'a pas besoin d'être guidé dans ses choix, parce que ce sont des méthodes indignes d'un esprit libre. Il faut exposer le lecteur à toutes les qualités, à tous les genres et à tous les styles littéraires. Michal Viewegh : "En ce qui concerne les belles lettres, je ne me moquerai pas des jeunes filles qui lisent les romans à l'eau de rose, parce que je crois que ces romans peuvent être un point de départ pour une meilleure lecture à l'avenir. Peut-être un jour, la jeune lectrice se rendra compte qu'elle n'arrive pas à s'identifier avec les personnages de ces romans, et elle se mettra à chercher une lecture de meilleure qualité, pour connaître la vie à travers les romans. Et même si cette étape n'arrive pas, on a le droit à une évasion, à l'évasion dans le rêve. Pourquoi pas? Je ne pense pas que ce soit nocif."

Que cherche-t-on donc dans le livre? Pourquoi lit-on? Qu'est ce qu'on attend de la lecture? Il faut dire que cette question tout à fait simple que se sont posée les trois écrivains participant au débat dans la librairie Kanzelsberger, les a assez embarrassés. D'ailleurs, c'est souvent comme ça. Les questions les plus simples nous posent le plus de problèmes. Michal Viewegh :"C'est une question très difficile. Qu'est-ce que je cherche dans les livres? Peut-être une espèce de recueillement. Quand on a trop de soucis, trop d'affaires à régler, quand on doit surveiller l'employé de gaz, quand les ouvriers posent un nouveau parquet à la maison, quand votre attention est sollicitée de tous les côtés, un livre vous oblige à vous concentrer pendant quelques heures. On est amené ailleurs par le récit. 'Durable est le charme du récit,' dit mon théoricien préféré de la littérature, Walter Kerr. Pour le dire tout simplement : j'attends une histoire qui m'amènera ailleurs. Je dois avouer cependant que les auteurs sont un peu anormaux. Aujourd'hui, je m'intéresse beaucoup plus à la façon dont le livre est fait, aux questions de la forme, ce qui m'empêche de lire la littérature légère."

Pour Svatopluk Karasek, la lecture est une sensation spéciale :"Dans la plupart des cas c'est une sensation sui generis, c'est à dire que je ne vis pas cette sensation directement, mais je la vis quand même par l'intermédiaire du livre, et ainsi je vis davantage, et je cherche en même temps quelque chose qui me lie avec les personnages du livre, avec l'auteur, la profondeur qui nous est commune, le noyau. Et je suis toujours surpris que je le trouve, que je trouve ce qui me lie avec le personnage qui me plaît..."

Et vous, chers auditeurs? Qu'est ce que vous cherchez dans la lecture? Pourquoi lisez-vous? Vous êtes-vous jamais posé la question? Je vous propose d'y réfléchir et, si vous trouvez une réponse, de l'écrire à Radio Prague pour la partager avec nous.