Claude Confortès : J'ai écrit une pièce pour Vaclav Havel

Claude Confortès

C'est grâce à la première de sa pièce Le Marathon que nous avons eu l'occasion d'accueillir à Prague Claude Confortès. Acteur, metteur en scène, cinéaste, directeur de troupe, Claude Confortès (né en 1928) est aussi et avant tout l'auteur d'une quinzaine de pièces de théâtre, de huit adaptations théâtrales et co-auteur d'autres oeuvres. J'ai déjà présenté dans cette rubrique un entretien avec ce dramaturge, entretien consacré presque exclusivement au Marathon, son chef d'oeuvre, et à la récente première de cette pièce au Théâtre sans balustrade (Divadlo bez zabradli) à Prague. Aujourd'hui je vous propose la suite de cet entretien dans laquelle Claude Confortès se révèle comme un ami de notre pays, un artiste soucieux du respect des droits de l'homme et de la liberté de création artistique mais aussi comme un admirateur et connaisseur de Prague.

Claude Confortès
En 1979 vous avez joué au Théâtre du Soleil dans une pièce intitulée « Procès de Prague ». Parlons un peu de cette production.

« Effectivement. Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil dans la Cartoucherie de Vincennes a pu avoir entre ses mains les minutes du procès du VONS, cette association de défense des personnes injustement poursuivies dont Vaclav Havel était le porte-parole. Après il a été arrêté et il s'est retrouvé en prison. On avait donc les minutes du procès où Havel a été condamné et on a fait le spectacle à partir de ce compte-rendu. Moi je connaissais Ariane depuis longtemps, on avait travaillé ensemble chez Jacques Lecoq (L'Ecole du Lin). Alors elle m'avait demandé de tenir le rôle de Vaclav Havel. Evidemment pour moi c'était un grand honneur et on a travaillé ensemble pour présenter ce spectacle à la Cartoucherie. »

Sur la liste de vos oeuvres pour le théâtre figure aussi une pièce qui s'appelle « Le prisonnier Vanek est vivant ». Cela aussi mérite une explication.

« Oui. Par la suite on a créé avec Ariane Mnouchkine une association qu'on a appelé AIDA (Association internationale des artistes injustement poursuivis). Et sous l'égide de cette association nous avons fait une nuit Vaclav Havel au festival d'Avignon. C'était en 1982. Au cours de cette nuit on a joué une quinzaine de pièces courtes. J'en ai écrit une, effectivement, « Le prisonnier Vanek est vivant ». Vanek était le personnage créé par Havel, personnage qu'on retrouve dans les pièces « Vernissage », «Audience », « Répétition ». On a tous écrit. Il y a eu Beckett qui a fait une pièce, il y a eu Arthur Miller, qui en a fait une, il y avait plusieurs écrivains dont Elie Wiesel, etc. Moi j'ai donc écrit aussi une pièce qu'on a joué au cours de cette nuit pour Vaclav Havel.»


Ajoutons que Vaclav Havel a donné à Ferdinand Vanek de nombreux traits autobiographiques, l'a fait figurer dans des situations que lui-même avait été obligé de subir dans sa vie et en a fait donc une espèce d'alter ego. Dans la pièce « Audience » par exemple Ferdinand Vanek est un écrivain dissident qui travaille dans une brasserie. Havel a situé son personnage exactement dans les mêmes conditions où il s'était retrouvé pendant un temps sous le régime communiste, et a jeté sur Vanek et son histoire un regard sarcastique. Et c'est sans doute l'originalité de ce regard et la volonté de se regarder soi-même avec humour et ironie qui font le charme irrésistible de cette pièce et la situent dans la lignée de Jaroslav Hasek et de son brave soldat Chveik.


Vous venez assez souvent à Prague, vous connaissez donc la ville assez bien. Au cours de ces dernières années Prague a beaucoup changé. Est-ce un changement positif ou négatif d'après vous?

«Je ne suis pas assez spécialiste pour le dire. Ce n'est pas moi qui pourrais me permettre d'avancer une telle opinion. Je constate des changements. Il faut vivre ici pour savoir s'ils sont positifs ou négatifs. Je ne suis ici que de passage. J'aime beaucoup Prague. Je l'ai visité peut-être une dizaine de fois. Je suis sous le charme et je crois quand même que le charme est resté. Donc malgré tous les changements il y a encore quelque chose, on dirait une âme qui reste encore vivante à Prague et qui est très précieuse pour moi, parce que j'aime beaucoup Prague.»

Est-ce qu'il y a encore à Prague des endroits à découvrir pour vous ?

«Figurez-vous j'en ai découvert un hier. J'ai découvert Vysehrad. Je connaissais bien Prague, et c'est un ami, le metteur en scène Jaromir Janecek, qui m'a amené à Vysehrad parce qu'il n'habite pas loin. Et alors là, j'ai vu aussi le cimetière où il y a les tombes de Nezval, de Smetana. C'est un endroit très intéressant où on a une vue merveilleuse sur Prague. Par contre, cet après-midi je vais aller à Bertramka et j'amène Jaromir qui connaît bien Prague mais qui ne connaît pas Bertramka. Je l'y amène parce que c'est très émouvant, cet endroit-là où Mozart a écrit Don Giovanni.»

Ce week-end un vrai marathon a lieu à Prague. Vous êtes venu pour présenter votre pièce Le Marathon. Vous n'avez pas envie de participer à cette course dans les rues de Prague ?

(Rires.) «Oui, si j'étais plus jeune, cela me ferait du bien. Cela ne m'est pas venu à l'idée. Ce serait une découverte de Prague très particulière. Mais j'ai un peu passé l'âge. Je suis désolé, j'aimerais bien. Mais c'est de tout mon coeur que je serai avec les concurrents.»