Conseil de l’Arctique : Prague échoue pour l’instant à devenir membre observateur
La réunion ministérielle du Conseil de l’Arctique s’est terminée jeudi en Islande et la candidature de la République tchèque au statut de membre observateur n’a pas abouti. RPI a posé quelques questions sur le sujet à Mikaa Mered, chargé d’enseignement en géopolitique des pôles à Sciences Po Paris.
Est-ce un échec pour la diplomatie tchèque ?
« Non ce n’est pas un échec cuisant, c’est tout simplement reculer pour mieux sauter. Le Conseil de l’Arctique a de plus en plus de mal à gérer cette question des membres observateurs. Il a été décidé que cette question sera traitée au prochain Sommet ministériel, en 2023. Ce n’est donc pas un échec, ni pour la République tchèque ni pour plusieurs autres candidats, dont la Turquie, l’Estonie et l’Irlande. Il a été décidé par le Conseil de faire une analyse de la contribution des observateurs actuels et on peut estimer qu’une décision sera prise en 2023. »
Donc selon vous cela n’est pas lié aux tensions diplomatiques actuelles entre Prague et Moscou ?
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« Non, ce n’est pas lié du tout à ce genre de thématiques car les dynamiques arctiques sont propres à l’Arctique. Même si c’est vrai que la candidature de l’UE avait été rejetée en raison aussi de ‘froids’ avec le Canada et la Russie. Là, dans le cas précis de la République tchèque et des autres candidats en 2021, il a été décidé de prendre le temps. Il y a 8 pays membres, 6 organisations de peuples autochtones - qui sont à la table sans ‘droit de vote’ - et ces 14 membres se retrouvent ‘débordés’ par la pléthore d’observateurs, qui sont au nombre de 38 (dont 13 Etats). La question de la gestion des observateurs est au centre de beaucoup d’échanges au sein du Conseil de l’Arctique depuis longtemps déjà. »
Ceci dit, beaucoup des membres candidats cette année étaient des Etats membres de l’OTAN. Difficile d’imaginer que la Russie, qui vient de prendre la présidence du Conseil après l’Islande, n’ait pas eu son mot à dire…
« Oui bien sûr, la Russie a son mot à dire en tant que membre permanent et les décisions doivent être prises à l’unanimité. Ce qui est sûr c’est que la Russie a été historiquement l’Etat qui a été le moins en faveur de l’inclusion de membres observateurs. Depuis le départ, la Russie est dans une démarche d’exclusivité qui consisterait à faire du Conseil de l’Arctique un club de gouvernements, un ‘syndicat de copropriété de l’Arctique’ comme disait Michel Rocard, ancien ambassadeur français pour les pôles. Plus il y a d’observateurs de l’extérieur, plus les dynamiques peuvent être bouleversées. »
« Alors c’est vrai évidemment qu’il y a un froid entre la Russie et l’OTAN, et un froid depuis peu en particulier entre la Russie et la République tchèque, mais il y a d’abord cette question précise de la place à donner aux observateurs. Faut-il mettre en place un système de roulement ? Y en a-t-il déjà trop ? La Russie pose ces questions depuis plusieurs années et était déjà contre l’inclusion de la Chine en 2013 puis de la Mongolie en 2017… Le maintien de ce club exclusif de gouvernance en Arctique est en jeu. »
En Europe centrale, la Pologne semble avoir bien tiré son épingle du jeu en Arctique, avec ce statut d’Etat observateur acquis dès 1998 et ce « format de Varsovie », un forum de coopération sur l’Arctique….
« Oui la Pologne est le pays centre-européen le plus impliqué dans la gouvernance de l’Arctique et ce depuis le début des années 1990. Cet intérêt, développé relativement tôt, date d’avant la création du Conseil de l’Arctique. Quand les statuts d’observateurs ont été créés en 1998, il était logique que la Pologne fasse partie des premiers Etats. La Pologne est également engagée dans la station de recherche au Svalbard et aussi entre autres choses dans la construction de navires. Avec cette légitimité, quand il a fallu organiser le dialogue des observateurs et créer une proposition forte de ces observateurs par rapport aux pays membres permanents du Conseil de l’Arctique, la Pologne a initié ce format de Varsovie qui réunit les observateurs tous les deux ans et bientôt tous les ans, avec la Commission européenne et le pays assurant la présidence tournante le Conseil de l’Arctique. On a hâte de voir la dynamique du prochain format de Varsovie l’année prochaine avec la présidence russe. »