La candidature tchèque au Conseil de l'Arctique victime de la glaciation des relations avec Moscou ?
Depuis le mois de décembre, la République tchèque est officiellement candidate au statut de membre observateur du Conseil de l'Arctique. Pour que cette candidature aboutisse, il faudra cependant la validation unanime des huit membres permanents. La Russie en est un et pourrait alors jouer les trouble-fête, en représailles au récent regain de tensions avec Prague.
En tant que membre observateur du Conseil de l'Arctique, la République tchèque ne bénéficierait d'aucun pouvoir décisionnel. Concrètement, ce statut – dont disposent aujourd’hui treize États parmi lesquels la France, la Pologne, l'Allemagne, la Chine ou encore l'Inde – serait avant tout un symbole pour la diplomatie tchèque, et permettrait aux scientifiques tchèques de participer aux groupes de travail organisés par le Conseil de l'Arctique, actuellement présidé par l’Islande.
L'épée de Damoclès russe
Tomáš Petříček : « Puisque l'Arctique est une région importante, et à cause du changement climatique, nous voyons notre candidature comme une étape significative et mutuellement bénéfique. La République tchèque est un petit pays, mais beaucoup de ses activités dépassent ses frontières. Les chercheurs tchèques travaillent et collaborent avec les partenaires internationaux en Arctique depuis des décennies. Cela permettrait également d'accroître l'intérêt en République tchèque pour les pays arctiques, leurs cultures et traditions. Le Conseil de l'Arctique est une institution prestigieuse, et ce serait pour nous une opportunité de renforcer notre coopération avec les États membres et leurs économies technologiquement avancées. »
C'est en ces termes que Tomáš Petříček, alors ministre des Affaires étrangères, défendait fin mars la candidature tchèque. Un projet pour les scientifiques tchèques qui permettrait également au Palais Černín – siège de la diplomatie tchèque – de nouer des contacts avec les pays du Grand Nord.
Sauf que désormais le dépôt de cette candidature paraît remonter à une éternité : exit à la fois Tomáš Petříček et les relations cordiales avec la Russie. L'approbation du Kremlin est toutefois essentielle : les huit États membres permanents du Conseil de l'Arctique doivent approuver à l'unanimité la candidature d'un nouvel État observateur.
Un projet politique et scientifique
Tomáš Petříček affichait encore fin mars une confiance toute diplomatique, et affirmait avoir eu l’oreille attentive de tous les membres permanents :
« Nous avons discuté de notre candidature avec l'ensemble des membres, et je suis heureux que nous ayons reçu des retours positifs. Ils étaient tous réceptifs, parce que notre projet est avant tout scientifique. »
L'ombre de la Russie n'est toutefois pas une nouveauté dans la candidature tchèque. Une chercheuse russe avait d'ailleurs lancé au chef de la diplomatie tchèque une question lourde de sous-entendus : « La candidature tchèque est-elle un moyen de renforcer la présence de l'UE et de l'OTAN en Arctique ? ».
L'UE étant d'ores et déjà observatrice du Conseil de l'Arctique, et l'OTAN plutôt bien représenté, il est peu probable que la République tchèque vienne perturber les équilibres en place.
En revanche, l'aboutissement de la candidature tchèque aurait des effets concrets pour de nombreux chercheurs tchèques des universités de Prague, Brno, České Budějovice ou Ústí nad Labem qui attendent beaucoup en matière de coopération internationale. Ce serait également un signal fort envoyé aux Tchèques quant au réchauffement climatique.
Contacté, le ministère des Affaires étrangères tchèque dit rester confiant :
« L'état actuel des relations bilatérales ne devrait pas affecter négativement la coopération scientifique de toutes les parties actives dans l'Arctique, car nous avons tous un objectif commun. La décision d'accorder le statut d'observateur appartient aux pays de l'Arctique, qui décident par consensus. »
La décision des membres du Conseil de l'Arctique est attendue lors du prochain sommet ministériel, les 19 et 20 mai prochains à Reykjavik, en présence des chefs des diplomaties américaine et russe qui viennent de confirmer leur venue.