Convoi militaire américain : une traversée de la Tchéquie révélatrice d’émotions

Photo: ČTK

Outre la libération et le retour au pays, après deux ans de détention, de deux jeunes femmes Tchèques enlevées au Pakistan en 2013, c’est la traversée de la République tchèque par un convoi militaire américain qui a soulevé un certain nombre de réactions et d’émotions dans l’opinion publique tchèque. Ce passage des soldats et des équipements américains en début de semaine a été largement traité également dans les médias. Parmi les autres thèmes abordés ces derniers temps dans la presse, nous avons retenu un texte qui se penche sur les perspectives qu’offrent les très bonnes relations actuelles entre l’Allemagne et la Tchéquie, des relations dans lesquelles le rôle d’Angela Merkel est incontournable, ainsi qu’une information sur un projet d’innovation qui entend faire de Prague une ville moderne du futur. Enfin, nous consacrerons quelques mots à l’exposition d’Oskar Kokoschka qui se tient à Prague et sur les attaches qui liaient le grand peintre autrichien à la capitale tchèque.

Photo: ČTK
Samedi dernier, soit la veille de l’arrivée du convoi américain militaire sur le territoire tchèque, le supplément Česká pozice du quotidien Lidové noviny a publié un entretien avec l’historien Jiří Šedivý selon lequel cette traversée du pays par des forces armées étrangères permet de distinguer ceux qui sont les amis de la Tchéquie de ceux qui ne le sont pas. A l’adresse des opposants à ce convoi, Jiří Šedivý dit notamment :

« Ceux qui déplorent l’arrivée du convoi américain en Tchéquie refusent le fondement essentiel de notre Etat. Ils souhaitent un changement radical de son arrangement intérieur, tout comme une autre position internationale et géopolitique de la République. Il s’agit-là d’une position extrême, qu’il convient de rejeter... Il n’en va pas tellement du convoi en tant que tel, mais de notre position entre l’Est et l’Ouest, autrement dit du contexte de cet événement par rapport à notre position vis-à-vis de la Russie. »

Comme l’a noté Martin Koller, expert militaire et publiciste, dans un commentaire mis en ligne sur le site novinky.cz, « on a du mal à comprendre que cet événement puisse diviser la société tchèque d’une manière aussi aiguë ». Une division pas très équilibrée quand même, car une grande majorité des Tchèques affirme ne pas avoir été dérangés par le passage du convoi américain. Mieux même, ils l’ont accueilli avec enthousiasme. Sur ce point, Martin Fendrych, l’éditorialiste du site aktualne.cz, a remarqué :

« On aime dire et écrire que ‘la traversée du convoi’ a divisé la société tchèque. Mais ce n’est pas vrai. Ce qui la divise depuis déjà le Maïdan, c’est la propagande russe intensive, une campagne professionnelle de désinformation. »

Dans le quotidien économique Hospodářské noviny, Adam Černý a appelé tous ceux qui ont prétendu que la traversée américaine de la République tchèque était une démonstration de force, à comparer celle-ci avec les incommensurables démonstrations de force entreprises par la Russie. Pour sa part, le sociologue Josef Šlerka, auquel la parole a été donnée dans l’hebdomadaire Respekt, souligne le côté symbolique de ce transfert, son rejet par une minorité de la population traduisant avant tout certaines frustrations liées aux conditions sociales ou bien à l’évolution actuelle dans le pays.

Angela Merkel – une partenaire pas comme les autres pour la Tchéquie

Angela Merkel,  photo: ČTK
L’hebdomadaire Respekt s’est récemment penché sur les relations qu’entretient la République tchèque avec l’Allemagne, son plus important voisin occidental, pour constater que les Tchèques, à l’avenir, ne pourront plus avoir de meilleur partenaire que ne l’est actuellement Angela Merkel. Tomáš Lindner explique pourquoi :

« La chancelière allemande, qui a grandi de l’autre côté du rideau de fer en tant qu’Allemande de l’Est, a parcouru l’Europe de l’Est avec un sac à dos lorsqu’elle était étudiante, et pendant un stage elle est tombée amoureuse de Prague. Aujourd’hui encore, elle a gardé de bons amis dans la capitale tchèque. Pour toutes ces raisons, elle comprend très bien les intérêts, les sentiments et les difficultés politiques des Etats postcommunistes. »

Concernant les relations entre les deux Etats, l’auteur du texte souligne, en citant l’actuel ambassadeur d’Allemagne à Prague, qu’elles n’ont jamais été aussi bonnes qu’aujourd’hui. Tomáš Lindner en donne quelques exemples :

« Il n’existe désormais pratiquement plus aucun sentiment nationaliste antiallemand au sein de la jeune génération tchèque. La Bavière a ouvert une représentation à Prague, ce qui était inimaginable récemment encore en raison de points de vue différents sur le passé. La coopération entre les associations civiques, les villes jumelées, les régions frontalières et les échanges d’étudiants ne cessent de fleurir. Et puis lors de la dernière Coupe du monde de football, beaucoup de gens dans les brasseries tchèques ont supporté la sélection allemande, ce que l’on n’aurait jamais vu il y a une dizaine ou une vingtaine d’années encore de cela. »

A la lumière de tous ces constats positifs, Tomáš Lindner soulève la question de savoir si la Tchéquie sait profiter de cet intermède historique favorable et des opportunités qu’offre celui-ci. Jouissant d’une importante expérience en matière de transformation politique et économique, les Tchèques pourraient, par exemple, participer à la mission consistant à édifier une Ukraine stable. De même, toujours selon l’auteur de l’article, la Tchéquie devrait prendre une certaine initiative dans la nouvelle politique d’asile envisagée par la partie allemande. Tomáš Lindner souligne alors :

« En dépit de ce que pense toujours une importante partie de nos élites et de nos citoyens, nous ne sommes pas un petit pays, car à l’échelle de l’Union européenne, nous représentons un pays de moyenne taille. C’est pourquoi nous sommes appelés à assumer une partie adéquate de nos responsabilités face aux problèmes européens ».

Prague à la recherche d’innovations

Photo: Morgenstadt City Challenge
Comment faire de Prague une ville moderne, une ville du futur ? C’est la question à laquelle ont tâché de répondre les experts étrangers en charge d’innovations urbaines qui étaient invités récemment dans la capitale tchèque afin de dresser une analyse détaillée. Vainqueur du premier tour du concours international Morgenstadt City Challenge, Prague deviendra prochainement la première ville dotée d’un « manuel d’innovations ». Une des récentes éditions du quotidien Mladá fronta Dnes a apporté quelques précisions à ce sujet :

« Un peu de New York, une odeur de Berlin et un brin de Copenague. Avec ce manuel, c’est ainsi que Prague, telle une ville moderne, pourrait se présenter à l’avenir. A cette fin, des experts allemands sont appelés à examiner près de quatre-vingts critères relatifs à Prague concernant les transports, l’efficience énergétique, l’administration intelligente de la ville, les infrastructures techniques, la sécurité et la résistance aux catastrophes naturelles. En octobre prochain, à l’issue de l’étude d’acquisitions et de matériaux recueillis, les experts soumettront des propositions de mesures permettant de faire de Prague une ville qui fonctionnera mieux qu’à présent. »

Selon le journal, la municipalité de Prague est prête à prendre en compte les résultats de cette analyse détaillée. Ceci dit, on ne saurait évaluer la perspective de la mise en pratique des propositions présentées, en raison notamment du coût élevé des innovations envisagées.

Kokoschka et Prague

Photo: Miroslav Krupička
Les pages culturelles des journaux tchèques consacrent une large place à l’exposition d’Oskar Kokoschka qui se tient actuellement au Palais des Foires à Prague. Tous profitent de l’occasion pour rappeler les liens qu’entretenait le grand peintre expressionniste autrichien avec la capitale tchèque. L’hebdomadaire Týden donne quelques précisions à ce sujet :

« Natif de Basse-Autriche, Kokoschka pouvait tout de même se sentir proche de Prague, car c’est là-bas que son père est né et que sa sœur Berta s’est établie après son mariage. Quant à lui, Kokoschka s’est retrouvé à Prague en même temps que d’autres artistes allemands avant la Deuxième Guerre mondiale pour fuir le nazisme, une menace qui les a finalement contraints à se sauver pour la Grande-Bretagne ou ailleurs. »

Kokoschka n’a passé que quatre ans à Prague mais, comme le remarque le magazine, il l’a aimée jusqu’à la fin de sa vie. Les tableaux qui sont à voir à l’exposition qui refermera ses portes le 28 juin prochain le traduisent d’ailleurs de façon éloquente. Ils saisissent notamment l’atmosphère de la capitale tchèque telle que le peintre la percevait à l’époque. On rappellera ici que de nombreuses autres grandes personnalités viennoises possèdent des origines tchèques, parmi lesquelles on ne citera que les musiciens Gustav Mahler et Oskar Nedbal ou le célèbre psychanalyste Sigmund Freud.