« Cool Czechia » : le temps d’une semaine, 20 jeunes leaders africains de nouveau réunis à Prague
Réunir une vingtaine de « jeunes leaders africains » issus de différents horizons professionnels, experts dans différents domaines d’activité et originaires de différents pays de tout le continent pour leur permettre d’échanger tout en leur faisant découvrir la Tchéquie, son histoire, sa culture, ses médias ou encore son expérience de la démocratie : tel est l’objectif de « Cool Czechia », un voyage d’études organisé par le ministère tchèque des Affaires étrangères qui se tient actuellement à Prague. Venu du Maroc, Younes Hamid Chamia est l’un des participants à la deuxième édition de ce projet de communication stratégique de la diplomatie tchèque.
« Je suis originaire de Fès, mais je vis actuellement à Rabat où je travaille comme jeune entrepreneur et en tant qu’expert dans la communication institutionnelle, notamment numérique.
Qu’est-ce qui vous a valu d’être invité à participer à cette semaine « Cool Czechia » ?
« Au Maroc, je fais partie d’une association qui s’appelle Young Leaders Lab qui travaille tout à la fois pour, par et à travers les jeunes. L’objectif est de former une dynamique de la jeunesse marocaine qui est formée et davantage intégrée dans la société marocaine, entre autres sur les volets politique et société civile. Dans le cadre de cette association, nous avons réalisé un certain nombre de projets en coopération ou en partenariat avec l’ambassade de Tchéquie à Rabat. L’ambassade a toujours été là pour nous aider et nous encadrer, et c’est comme ça que nous avons découvert ce projet ‘Cool Czechia’ et que l’on nous a proposé de participer. »
Cette semaine est présentée par la diplomatie tchèque comme « un voyage d’études de jeunes leaders africains ». Vous avez fait connaissance avec les autres participants à cette initiative. Vous sentez-vous donc être un de ces jeunes leaders, et qu’est-ce que cela signifie selon vous ?
« Bien sûr et je l’affirme avec fierté, je me considère comme un jeune leader et je vais vous expliquer pourquoi. Un leader, c’est quelqu’un qui influence sa communauté et la guide vers le meilleur. C’est quelqu’un qui encadre et crée un changement avec son équipe ou son entourage. Donc, oui, c’est ce que nous faisons au sein de notre association au Maroc. Je dirais même que tous ses membres sont des leaders. »
« Et en tant que représentant de cette association, j’ai été surpris, en arrivant ici à Prague, de découvrir à quel point tous les participants à ‘Cool Czechia’, et peu importe d’où ils viennent, sont tous des leaders. Chacun à sa manière, chacun dans son pays, mais si une chose nous réunit tous, c’est notre volonté de participer au développement du continent africain et d’être la génération qui va y contribuer. »
« Pour moi, malheureusement, même si cette jeunesse africaine est très motivée, les opportunités qu’on lui donne sont encore très limitées par rapport aux possibilités qui sont données aux jeunes ailleurs dans le monde. C’est aussi pourquoi nous sommes reconnaissants à la Tchéquie de nous offrir cette possibilité de nous réunir ailleurs qu’en Afrique pour réfléchir et discuter de ce qu’il est possible de faire bien ensemble. »
Cela fait déjà quelques années que la Tchéquie affirme avoir la volonté de modifier son approche des pays du Sud global, et notamment de l’Afrique. Sachant cela, que pensez-vous de cette volonté de passer par les jeunes pour y parvenir ?
« Vous savez, j’ai déjà participé à diverses initiatives, mais celle-ci m’impressionne plus particulièrement pour plusieurs raisons. D’abord, comme je l’ai dit, c’est une initiative pour les Africains en dehors de l’Afrique. Cela offre plusieurs possibilités d’échanges et de discussions. Ensuite, investir dans la jeunesse, cela signifie investir dans les leaders et décideurs de demain. C’est la chose la plus importante dans chaque pays. »
« Mais ce qui rend le projet tchèque unique en son genre, c’est qu’il ne réunit pas seulement différents jeunes de différents pays juste pour les réunir. Il suffit de regarder le programme qui a été préparé, qui permettra d’avoir des interactions avec des représentants officiels comme le ministère, mais avec aussi avec des acteurs de la société civile tchèque, avec des étudiants, ou encore nous participerons au Forum 2000. Cela offre donc énormément de possibilités d’écoute et d’échanges. Je pense aussi que la jeunesse africaine a beaucoup de choses à dire et on nous propose ici de nous tendre l’oreille pour nous écouter. »
« J’attends donc de cette semaine à Prague qu’elle nous permette de créer un véritable réseau, car ce sera le plus important lorsque nous rentrerons chez nous. L’idée sera alors de continuer à échanger pour développer des projets sur notre continent mais aussi avec la Tchéquie. »
« Si je prends le Maroc, beaucoup de jeunes Marocains n’ont pas cette possibilité de rencontrer d’autres jeunes Africains. Certes, nous connaissons mieux les pays du nord de l’Afrique, mais pour ce qui est des autres pays plus au sud, nous n’avons pas cette possibilité. Or, à la base, ce qui crée toujours le conflit, c’est la méconnaissance de l’autre et l’incompréhension qui en découle. Détester ce qu’il ne comprend pas est dans la nature de l’homme. Donc, comment faire autrement que d’aller vers l’autre et d’essayer de le comprendre ne serait-ce que pour le tolérer ? »
On parle beaucoup en Europe de la question de la migration. Le Maroc, dernière frontière avant l’Europe, est une sorte de « pays tampon » qui gère les flux de migrants en majorité d’Afrique subsaharienne. Quel regard portez-vous sur la politique européenne en la matière, qui prévoit notamment un durcissement du contrôle des arrivées au sein de l’UE ?
« En tant que citoyen du monde, je pense d’abord que chaque individu a le droit de se déplacer où il veut. Cette liberté est un des grands principes des droits de l’homme. Mais la migration clandestine est quelque chose d’interdit. Si on veut changer de pays et vivre dans un autre pays, il y a des procédures à respecter. Ce type de migration ne peut donc être source que de problèmes. »
« Les candidats à l’émigration se trompent en pensant que c’est mieux ailleurs. Or, dans chaque pays au monde, il y a des problèmes économiques, de chômage, etc. Il faut donc d’abord être qualifié et travailler dans son propre pays. Si ce n’est pas le cas, comment voulez-vous qu’il en soit autrement ailleurs ? »
« Selon moi, il est aussi important de servir d’abord dans son propre pays, et cela est bien évidemment d’autant plus vrai pour les jeunes. C’est sur leurs épaules que repose la responsabilité d’œuvrer à son développement ou de le changer. Il faut donc s’efforcer de faire le maximum pour empêcher ces fuites de masse. »
« Et pour ce qui est du Maroc, j’ai toujours pensé qu’il était un très bon partenaire, notamment pour ce qui est des relations avec l’Espagne et l’UE. Le Maroc respecte les responsabilités qui découlent des conventions passées avec l’UE. Bien sûr, il y a toujours des hauts et des bas, mais personne ne peut nier que le Maroc a toujours été un partenaire fiable dans la lutte contre la migration illégale, surtout dans le sens du sud vers le nord. »