Coronavirus : à Prague, un camping municipal accueille des SDF

Photo: ČTK/Ondřej Hájek

Rester chez soi pour limiter la propagation du Covid-19 : une consigne difficile à suivre pour les sans-abris, quel que soit le pays où ils se trouvent. Comme ailleurs dans le monde, les grandes villes tchèques Prague, Plzeň, Brno ou Pardubice ont décidé d’ouvrir leurs campings municipaux ou de mettre en place des villages de tentes, où les personnes sans domicile fixe peuvent se réfugier et sont pris en charge jour et nuit. Comment les SDF pragois passent-ils le confinement dans le camping situé sur l’île de Císařská louka ?

Le camping situé sur l’île de Císařská louka,  photo: L’ONG Naděje

« Quand je suis arrivé ici, j’étais fatigué, j’avais mal partout », témoigne Zdeněk. « J’avais marché toute la journée et je ne savais plus quoi faire, où aller. Au camping, on s’occupe très bien de nous, les gens sont gentils, surtout les bénévoles. »

Agé de 56 ans, Zdeněk a perdu son travail et, par conséquent, sa place dans un dortoir il y a quelques mois. Il passait ses nuits sur une péniche d’accueil de SDF sur la Vltava. Mais celle-ci a fermé du jour au lendemain, après la mise en quarantaine du pays, de même que les autres centres d’hébergement. Conseillé par un ami, Zdeněk s’est rendu au camping ouvert par l’ONG Naděje (L’Espoir) qui aide les personnes handicapées, en situation de détresse, les personnes âgées ainsi que les sans-abris.

Sur la Císařská louka, cette île de loisirs située sur la rive gauche de la rivière Vltava, dans le quartier de Smíchov, une soixantaine de tentes ont été montées il y a un mois, à l’emplacement d’un ancien camping de caravanes. Ce nouveau « camping humanitaire », soutenu financièrement par la mairie de Prague, peut accueillir jusqu’à 75 personnes. Il affiche complet depuis son ouverture.

Michaela Márová,  photo: L’ONG Naděje
« Nous offrons aux personnes hébergées toutes sortes de services pour qu’ils restent sur place et n’aient pas de raisons d’aller dans le centre-ville », explique Michaela Márová, travailleuse sociale qui gère le camping. « Nous leur distribuons des repas, des vêtements. Des services d’hygiène et médicaux sont également à leur disposition, de même que des activités de loisir. »

Tennis de table et jeux de société sont les occupations privilégiées des SDF logés dans des tentes individuelles. Dans le camping aussi, le port de masques est obligatoire et le respect des distances de sécurité, bien que difficile à obtenir, est exigé.

Le collectif « Medici na ulici » (Médecins dans la rue) assure les soins médicaux. Il réunit des étudiants en médecine qui, depuis quatre ans, interviennent dans la rue auprès des sans-abris. D’autres bénévoles, dont des scouts pragois, se chargent de la cuisine, distribuent des repas et désinfectent les lieux.

Une seconde chance ?

Michaela Márová estime que pour certains SDF, ce « confinement collectif » peut être l’occasion de reconstruire leur vie :

Photo illustrative: ČTK/Ondřej Hájek
« Rien que le fait de se retrouver dans un camping est un changement pour eux. Ici, la journée est structurée, le temps passe autrement que dans la rue. Ce qui est très important, c’est que les sans-abris se sentent ici en sécurité : ils peuvent dormir tranquillement, ils savent qu’on ne leur volera pas leurs affaires, qu’ils auront de quoi manger plusieurs fois par jour. Pas besoin de fouiller les poubelles… Comme ils ont du temps libre, ils cherchent à s’occuper : il y en a qui nous demandent de l’aide pour trouver un petit job ou pour rédiger un CV. Quasiment tous nos clients apprécient de pouvoir travailler manuellement, de participer à l’entretien du camping, de faire le ménage... Ils ont plein de petites idées pour aménager ce lieu. »

La municipalité de Prague a ouvert, ce jeudi, dans le quartier de Troja un autre camping destiné à accueillir une trentaine de sans-abris. Ces centres d’accueil improvisés, ainsi que des endroits pour des SDF potentiellement contaminés ont été créés dans plusieurs villes du pays. A cela s’ajoutent des initiatives personnelles : comme celle d’une directrice de plusieurs hôtels pragois qui a accueilli 200 sans-abris dans ses établissements désormais vides.

Ces dispositifs exceptionnels et temporaires pourraient être prolongés lorsque l’état d’urgence sanitaire arrievra à son terme et que le confinement ne sera plus une obligation. Comme le confirme la responsable du camping de Císařská louka : « Nous sommes prêts à continuer tant que nous bénéficions de financements suffisants et que la météo reste favorable. »