Corruption : le Premier ministre Andrej Babiš menacé par les révélations de son fils

Andrej Babiš, photo: AP Photo/Antonio Calanni

Nouveau rebondissement dans l’affaire de fraude dite du Nid de cigognes dans laquelle est impliqué le Premier ministre Andrej Babiš, ainsi que deux de ses quatre enfants. Retrouvé en Suisse par une équipe de journalistes d’investigation, le fils aîné du chef du gouvernement, Andrej Babiš junior, leur a fourni un témoignage inattendu sur son prétendu enlèvement. Une révélation qui pourrait coûter très cher au gouvernement de M. Babiš.

Andrej Babiš,  photo: AP Photo/Antonio Calanni
La nouvelle est explosive : lundi soir, la télévision privée Seznam TV a publié sur son site d’information seznamzpravy.cz un entretien enregistré au moyen d’une caméra caché avec Andrej Babiš junior en Suisse, où il vit actuellement. Dans le reportage, le fils du Premier ministre tchèque affirme avoir été conduit contre sa volonté, en 2017, par des collaborateurs de son père en Crimée, territoire ukrainien rattaché depuis quatre ans à la Russie. Cette opération se serait déroulée au moment où la police tentait, en vain, de contacter le fils du Premier ministre pour l’interroger en tant que l’un des inculpés dans l’affaire de corruption du Nid de cigognes.

De surcroît, l’une des personnes qui auraient organisé le séjour forcé d’Andrej Babiš junior en Crimée est une proche collaboratrice du Premier ministre, la médecin et femme politique Dita Protopopová. Cette même spécialiste en psychiatrie a rédigé un rapport officiel justifiant que le fils du Premier ministre, âgé de 35 ans et qui travaillait, il y a quelques années encore, comme pilote de ligne, était malade et que son état psychique ne lui permettait pas de participer à la procédure judiciaire.

Quelques heures après la publication du reportage, le chef du gouvernement et leader du mouvement ANO Andrej Babiš s’est empressé de réagir. Au cours d’une conférence de presse organisée à Palerme, où il participait à une conférence internationale, il a indiqué qu’il s’agissait d’une nouvelle tentative de le discréditer et de l’exclure de la politique. Pour la première fois, le Premier ministre a indiqué que son fils souffrait de troubles psychiques, en affirmant que personne ne l’avait forcé à quitter la République tchèque. On écoute Andrej Babiš :

« Les journalistes ont surpris mon fils Andrej dans son appartement en Suisse, où il vit avec sa mère et lui ont posé des questions suggestives. Filmer secrètement une personne psychiquement malade est répugnant et dégoûtant. »

Pour rappel, plusieurs personnes, dont Andrej Babiš lui-même et des individus proches de son groupe agroalimentaire Agrofert, sont poursuivies par la justice tchèque dans l’affaire dite du Nid de cigognes, du nom d'un complexe hôtelier et récréatif construit au sud de Prague. Les enquêteurs soupçonnent la société d'avoir fait en sorte de bénéficier illégalement de subventions européennes normalement destinées aux petites et moyennes entreprises pour la construction de ce centre.

Le fils d'Andrej Babiš,  photo: TV Seznam,  Vít Klusák,  Filip Remunda
En mars 2016, Andrej Babiš a annoncé que ces deux enfants issus de son premier mariage, Andrej et Adriana, ainsi que son futur beau-frère, étaient les propriétaires du complexe hôtelier au moment où l’entreprise aurait bénéficié de manière indue de cet argent européen.

« Pourquoi n’ai-je pas voulu dévoiler auparavant l’identité des actionnaires du Nid de cigognes ? Parce que c’était mes enfants. J’ai voulu les protéger, car je n’ai rien de plus précieux que ma famille », s’est à l’époque défendu Andrej Babiš, alors vice-Premier ministre et ministre des Finances, devant les députés.

Face aux reporters de la télévision Seznam TV, le fils d’Andrej Babiš a quant à lui affirmé avoir signé « quelque chose en liaison avec le Nid de cigognes », sans connaître la nature des documents qui lui étaient présentés.

En réaction à ces révélations qu’ils jugent scandaleuses, six partis d’opposition proposent que la Chambre basse vote, la semaine prochaine, la censure du gouvernement. Président du parti de droite ODS, Petr Fiala a expliqué devant les caméras de télévision :

« Le parti ODS, le parti des Pirates, le SPD, les chrétiens-démocrates du KDU-ČSL, le parti TOP 09 et le mouvement STAN, tous ces partis estiment qu’il est inacceptable que le Premier ministre Andrej Babiš soit soupçonné d’avoir empêché la police d’enquêter sur l’affaire du Nid de cigognes. »

Le fait que le Premier ministre soit soupçonné d’avoir tenu à l’écart son fils de l’enquête policière a également été commenté par le président Miloš Zeman. Pour lui, le prétendu enlèvement du fils d’Andrej Babiš relève d’une « conspiration », qui ne peut pas mettre en danger le gouvernement. Reste à savoir qu’elle sera la position du parti social-démocrate, membre de la coalition gouvernementale au côté du mouvement ANO d’Andrej Babiš, ainsi que du Parti communiste qui a soutenu, jusqu’à présent, le Premier ministre et son cabinet.