Nid de cigogne : Andrej Babiš innocenté

Andrej Babiš et sa conseillère Jana Nagyová

Après sept ans de procédure, de nombreux rebondissements et un procès de près de quatre mois hautement médiatisé, l’homme d’affaires, ancien Premier ministre et actuel candidat à l’élection présidentielle, Andrej Babiš, a été reconnu non-coupable dans l'affaire dite du Nid de cigogne, tout comme son ancienne conseillère, également innocentée.

Cinq jours à peine avant le premier tour de l’élection présidentielle pour laquelle il est candidat, Andrej Babiš a donc été innocenté dans l’affaire dite du Nid de cigognes, le feuilleton politique tchèque au long cours et aux multiples épisodes.

Nid de cigognes | Photo: Filip Jandourek,  ČRo

Homme d’affaires qui a fait fortune dans l’agro-alimentaire et qui a fait l’acquisition du grand groupe de presse Mafra, entré en politique au début des années 2010, ministre des Finances entre 2014 et 2017, puis Premier ministre entre 2017 et 2021, Andrej Babiš était accusé d’avoir détourné deux millions d’euros de subventions européennes pour financer la réalisation, à la fin des années 2000, d’un vaste complexe appelé Nid de cigogne, situé dans les environs de Prague et comprenant un centre de conférence, un complexe hôtelier, une ferme et un zoo. Il y a quatre ans, ces soupçons de fraude aux subventions européennes avaient alimenté le mécontentement d’une partie de la population qui avait manifesté en masse.

La semaine dernière, le procureur Jaroslav Šaroch avait requis une peine de trois ans de prison avec sursis et une amende de 10 millions de couronnes (environ 415 000 euros) contre Andrej Babiš. Tant ce dernier que sa conseillère Jana Nagyová, également sur le banc des accusés, risquaient jusqu’à dix ans de prison pour les faits reprochés. Dans son réquisitoire, le procureur de la République avait expliqué que le Nid de cigogne ne pouvait pas être considéré comme une petite ou moyenne entreprise et ne remplissait donc pas les conditions pour l’obtention de subventions.

Tout au long de ces années de procédure qui ont accouché d’un dossier pénal de plus de 35 000 pages, tout comme lors de son procès, le principal intéressé a nié toute fraude et répété son antienne sur une « pseudo-affaire montée de toutes pièces réapparaissant à chaque fois avant les élections. »

Jan Šott | Photo: René Volfík,  iROZHLAS.cz

En l’absence des accusés qui ne se sont pas rendu à l’audience du verdict ce lundi, le juge Jan Šott a estimé que le procès n’avait pas « prouvé que l’acte décrit dans l’acte d’accusation était une infraction pénale » et que si l’enquête avait rassemblé de nombreuses preuves, le procès n’avait pas démontré de « démarche délibérée visant à obtenir les subventions », innocentant de fait Andrej Babiš et Jana Nagyová. Le verdict peut toutefois faire encore l’objet d’un appel.

Chef de file du mouvement ANO, Andrej Babiš n’a réagi au verdict que via Twitter, affirmant qu’il était « heureux que la justice soit indépendante ». Les réactions issues des rangs de l’opposition ont été distanciées, rappelant pour la plupart qu’il fallait « respecter » le verdict ou que « l’Etat de droit était un pilier de la démocratie », certains rappelant que « chacun était libre de rendre son verdict personnel dans les urnes ».

Si l’affaire du Nid de cigogne a défrayé la chronique judiciaire de ces dernières années, ce n’est pas la seule à entacher le parcours politique et médiatique de la deuxième fortune du pays.

Andrej Babiš | Photo: René Volfík,  iROZHLAS.cz

Il y a quelques années, saisie par l’ONG Transparency International, la Commission européenne a enquêté pendant des mois sur les conflits d’intérêts d’Andrej Babiš. Lorsqu’il est devenu Premier ministre en 2017, ce dernier a officiellement transféré son groupe Agrofert à deux fonds fiduciaires – où siège notamment sa femme – pour se mettre en conformité avec la réglementation tchèque et européenne. Seulement, selon un rapport d’audit de Bruxelles, il en a nommé tous les acteurs, ce qui lui permettait de conserver une  « influence décisive » sur son groupe, auquel il distribuait des subventions. Ce conflit d’intérêt établi par l’audit a incité Bruxelles, en juin dernier, à infliger à la République tchèque une amende d’environ 3,3 millions d’euros, soit plus de 82 millions de couronnes.

Autre casserole traînée par l’un des favoris à la présidentielle 2023 : son nom apparaît dans les Pandora Papers en lien avec l’acquisition de biens immobiliers de luxe dans le sud de la France. Il est depuis le mois de février 2022 dans le viseur de la justice française, puisque le Parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire concernant les conditions d’acquisition de ses villas via une cascade de sociétés offshore.