Coupe Davis : grâce à Berdych, les Tchèques sont repartis à l’aventure du bon pied

Photo: CTK

La République tchèque peut espérer conserver son Saladier d’argent. Deux mois après leur victoire à Prague contre l’Espagne, les Tchèques remettaient leur titre en jeu contre la Suisse à Genève, ce week-end, à l’occasion du 1er tour de la Coupe Davis. Malgré l’absence de Radek Štěpánek, qui compensait celle de Roger Federer côté suisse, ils se sont imposés (3-2) et qualifiés grâce notamment à un Tomáš Berdych une nouvelle fois vainqueur de ses trois matchs. En quarts de finale, les Tchèques se déplaceront au Kazakhstan, la dernière équipe à les avoir battus en Coupe Davis.

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On peut penser de lui ce que l’on veut. Et c’est vrai que le personnage, notamment pour sa froideur et parfois à juste titre, n’est pas toujours très apprécié sur le circuit, tant de ses adversaires que du public. N’empêche. Vous trouverez difficilement un joueur de l’élite mondiale représentant son pays en Coupe Davis avec autant d’envie et aussi régulièrement que Tomáš Berdych. Bien que présent en Belgique ce week-end, Novak Djokovic ne défend les couleurs de la Serbie qu’occasionnellement et lorsqu’il en a envie, Andy Murray celles de la Grande-Bretagne exceptionnellement, et David Ferrer, qui avait choisi de se reposer, n’était pas à Vancouver pour empêcher l’élimination surprise de l’Espagne contre le Canada lors de ce premier tour de l’édition 2013… Quant à Roger Federer, qui fait prévaloir ses intérêts personnels et était de nouveau absent contre les Tchèques à Genève, demandez aux Suisses et à Stanislav Wawrinka ce qu’ils en pensent…

A 28 ans, Tomáš Berydch, qui court toujours après l’obtention d’un premier titre en Grand Chelem, pourrait pourtant lui aussi donner la priorité à sa carrière et décider de laisser de côté une Coupe Davis qui bien souvent lui pompe un paquet d’énergie. Surtout que la préparation aux rencontres, toujours plus exigeante au fil des saisons, n’est plus celle d’autrefois, comme le souligne Ivan Lendl :

« Je me souviens qu’il m’est souvent arrivé de voyager en avion pendant la nuit et de jouer tranquillement le lendemain. Personne ne me disait rien, ce n’était pas un problème. Aujourd’hui, les joueurs ne peuvent plus se permettre de telles choses. Il faut qu’ils soient présents avec le groupe au moins cinq jours avant la rencontre pour bien s’y préparer. »

Bien se préparer, c’est précisément ce à quoi parvient souvent Tomáš Berdych en Coupe Davis, comme l’ont une nouvelle fois confirmé ses trois victoires en trois jours contre la Suisse ; trois points qui ont justement permis à la République tchèque de se qualifier aux dépens d’un adversaire qui, malgré l’absence de Roger Federer, ne partait pourtant pas battu d’avance, surtout devant son public. Mais peut-être plus encore que les sans-faute de Berdych sur le court, c’est aussi son état d’esprit hors de celui-ci qui est loué, comme en convient un des nombreux supporters tchèques qui avaient fait le déplacement à Genève :

« Tout repose sur les épaules de Tomáš. Tout le monde attend de lui qu’il remporte ses matchs, que ce soit en simple ou en double. Nous les supporters au bord du court, le public devant la télévision, les médias, ses partenaires, le capitaine, tout le monde sait très bien que Tomáš et ses victoires sont indispensables. Sans lui, nous n’aurions pas eu les résultats que nous avons eus en Coupe Davis ces dernières saisons. Mais c’est un joueur qui a l’esprit d’équipe. Après les matchs, il vient aussi toujours nous remercier pour notre soutien et c’est vraiment très important. »

Bien que complimenté de toutes parts, l’intéressé prend cependant les choses avec une certaine distance et assure que sa participation à la Coupe Davis ne représente pas un sacrifice pour lui :

Tomáš Berdych,  photo: CTK
« On joue cette épreuve pour les souvenirs et les émotions qu’elle procure. Les moments que vous vivez sur le court en Coupe Davis, vous ne les revivez nulle part ailleurs pendant la saison. Ce sont des sensations uniques, irremplaçables et que personne ne peut vous prendre. »

Lors de la victoire historique en finale contre l’Espagne en novembre dernier, la première dans l’histoire de la République tchèque et la première depuis la Tchécoslovaquie d’Ivan Lendl en 1980, Tomáš Berdych était un peu passé au second plan au moment des célébrations. Vainqueur du cinquième match décisif après une prestation sur le court il est vrai pleine de folie et de passion, son partenaire habituel Radek Štěpánek avait fait le show et eu droit à tous les honneurs ou presque, reléguant quelque peu dans l’ombre un Tomáš Berdych qui ne s’en était cependant pas formalisé. C’était pourtant oublier que c’est d’abord lui, Berdych, qui avait permis à la République tchèque d’en arriver jusqu’à ce stade de la compétition, entre autres grâce à ses trois victoires en Argentine en demi-finale. Au terme de la finale, l’envoyé spécial de L’Equipe à Prague Vincent Cognet n’avait d’ailleurs pas manqué de mettre en avant l’était d’esprit irréprochable tant de Štěpánek que de Berdych pour expliquer le succès tchèque :

« Je trouve que c’est une victoire morale. C’est quand même la victoire de deux mecs qui jouent systématiquement la Coupe Davis depuis des années sans se soucier de leur carrière personnelle comme certaines stars du jeu. C’est donc une victoire de la persévérance, de deux mecs qui portant à l’équipe à bout de bras depuis 2007 et qui attachent beaucoup d’importance symbolique et affective à cette épreuve, et c’est très beau. »

Un peu plus de deux mois plus tard, les Tchèques remettaient donc leur titre en jeu en Suisse. Bien que privés de Radek Štěpánek, récemment opéré du dos, ils restaient légèrement favoris face à une équipe helvète dont les chances de succès, en l’absence de Federer, reposaient essentiellement sur les épaules de Stanislav Wawrinka, actuel 17e joueur mondial.

Lukáš Rosol et Tomáš Berdych,  photo: CTK
A l’issue des deux premiers simples vendredi soir, les deux équipes étaient à égalité (1-1) : Stanislav Wawrinka avait d’abord facilement disposé de Lukáš Rosol en trois sets (6-4, 6-3, 6-4), avant que Tomáš Berdych n’égalise en dominant Henri Laaksonen, modeste 289e mondial, en quatre sets (6-3, 6-2, 6-7, 6-1). Comme souvent dans ces cas de figure, le double de samedi s’annonçait décisif. Et après un marathon de 7h01’, soit le match le plus long de l’histoire de la Coupe Davis mais aussi le deuxième match le plus long de l’histoire du tennis, ce sont Tomáš Berdych et Lukáš Rosol qui se sont finalement imposés aux dépens de la paire composée de Stanislav Wawrinka et de Marco Chiudinelli en cinq sets (6-4, 5-7, 6-4, 6-7, 24-22). Au bout du suspense et de l’effort, Tomáš Berdych était forcément très soulagé après un cinquième set long de 215 minutes et conclu à la treizième balle de match :

« Bien sûr, c’est une victoire au goût exquis. Non seulement je n’ai jamais joué un match aussi long, mais je crois n’avoir jamais passé autant de temps sur un court de tennis. Cela dit, même si ça se joue sur quelques points et que les Suisses auraient pu gagner eux aussi, je crois que notre victoire est méritée. Les Suisses n’ont eu que quelques balles de break dans le cinquième set, pour le reste nous avons tous les deux très bien servi et avons rarement été mis en danger. Inversement, nous avons eu beaucoup plus de balles de match. Il nous en a fallu beaucoup avant de conclure, mais la victoire au bout du compte est encore plus belle. Maintenant, ça ne reste qu’une victoire et il nous en manque encore une pour nous qualifier demain. »

Dimanche, le premier match de simple mettait aux prises les deux meilleurs joueurs de chaque équipe : Tomáš Berdych et Stanislav Wawrinka. Et là encore, c’est le Tchèque qui prenait le dessus en quatre sets (6-3, 6-4, 3-6, 7-6), offrant ainsi le troisième point salvateur à son équipe :

« J’ai bien commencé le match. Même si Wawrinka eu quelques balles de break, j’ai su garder mon service. Inversement, j’ai su moi faire le break dès que j’en ai eu la possibilité. Je pense que Stanislav a peut-être été trop prudent dans les deux premiers sets, et cela m’a bien convenu. Ce n’est qu’à partir du troisième qu’il a pris plus de risques et m’a vraiment bousculé. J’avais bien récupéré du match de double de samedi et je me suis vite senti bien sur le court. J’ai déjà joué plusieurs fois contre Stanislav, mais je dois dire que le match d’aujourd’hui a assurément été mon meilleur contre lui. »

Bien que très déçu, Stanislav Wawrinka reconnaissait lui aussi la supériorité de Berdych, comme il l’a confié au micro de la Radio Suisse Romande :

Stanislav Wawrinka,  photo: CTK
« Tomáš est un très grand joueur et aujourd’hui encore il a été le plus fort sur le terrain. Il a vraiment imposé son jeu. Moi j’ai essayé de trouver des solutions, de me battre jusqu’au bout sur tous les points en me disant que j’allais me créer des occasions. J’ai réussi à revenir au troisième set et j’ai effectivement eu des opportunités au tie-break dans le quatrième set. J’aurais voulu l’emmener au cinquième, mais malheureusement pour moi, il a très bien terminé le match. »

Cette victoire, la sixième d’affilée en Coupe Davis, permet donc à la République tchèque de se qualifier pour les quarts de finale, où elle retrouvera le Kazakhstan, le dernier pays à l’avoir battue. C’était il y a précisément deux ans, à Ostrava. A l’époque, les Tchèques, déjà privés de Radek Štěpánek, avaient été éliminés dès le premier tour à la surprise générale. Autant dire qu’ils se méfieront cette année, comme l’a confirmé leur capitaine Jaroslav Navrátil :

« Oui, nous sommes impatients de jouer cette revanche et j’espère que cela se passera mieux qu’il y a deux ans. J’espère aussi que Radek Štěpánek sera remis et que nous serons au complet. C’est important car le Kazakhstan est un adversaire difficile. Ils n’ont pas de joueurs très connus, mais ils n’ont pas perdu beaucoup de matchs chez eux. Il ne faudra donc surtout pas les sous-estimer. Nous irons donc là-bas avec la volonté de prolonger notre série de victoires et notre aventure, mais il reste encore pas mal de temps et de tournois avant ce déplacement. »

Le quart de finale entre le Kazakhstan et la République tchèque se déroulera très probablement à Astana du 5 au 7 avril prochain. Parmi les trois autres affrontements de ces quarts de finale figure également un Argentine - France dont le vainqueur retrouvera ensuite le Kazakhstan ou la République tchèque en demi-finales. Mais il ne s’agit là pour l’heure encore que qu’une perspective alléchante…