Courriels de menace contre des écoles tchèques : bons baisers de Russie

La conférence internationale consacrée aux activités de subversion contre l’Europe en provenance de la Russie

A l’occasion d’une conférence internationale organisée au Parlement et consacrée aux activités de subversion contre l’Europe en provenance de la Russie, le chef du service de contre-espionnage tchèque est revenu sur les menaces qui pesaient sur le continent et la Tchéquie en particulier. Il a notamment révélé le lien entre les milliers de courriels menaçants contre des écoles tchèques en septembre et les services russes.

Courriels menaçants : la piste de Moscou

Source: M. Richter,  Pixabay,  Pixabay License

La rentrée des classes 2024/2025 n’a pas été de tout repos pour le personnel scolaire, les élèves et leurs parents en Tchéquie : pendant plusieurs jours, des milliers d’écoles ont été la cible de courriels d’alertes à la bombe, entraînant des évacuations et l’interruption des cours. Ces actes malveillants répétés ont concerné sans distinction des écoles primaires et secondaires, publiques et privées de tout le pays. Et d’ailleurs, la Tchéquie n’avait été pas la seule concernée : de nombreuses écoles en Lituanie, mais aussi en Slovaquie voisine ont subi le même type de menaces, entraînant une coopération accrue entre les polices des deux pays. A l’époque, le ministre de l’Intérieur, Vít Rakušan (STAN) avait mis en lumière les intentions des fauteurs de trouble :

Vít Rakušan | Photo: Michal Krumphanzl,  ČTK

« L’objectif est clair : déstabiliser notre société, susciter la peur et l’angoisse. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos homologues slovaques, en partageant des informations et en coordonnant nos efforts pour retrouver les responsables. »

Aujourd’hui, les responsables semblent clairs, aux yeux des agents des services de contre-espionnage tchèques : la piste russe est désormais privilégiée par le BIS qui souligne la multiplication des opérations dans le cyberespace menées depuis Moscou contre des cibles considérées comme « faciles » en Europe : écoles, institutions publiques ou infrastructures comme cela a été le cas il y a quelques mois avec des cyberattaques contre la société des chemins de fer tchèques.

Des sabotages effectués par des recrues étrangères

Il est également désormais clair que la main de Moscou est derrière le sabotage réalisé au printemps dernier dans un garage de la compagnie des transports pragois dans le IXe arrondissement de la capitale tchèque. Nouvelle tactique de la Russie, celle-ci a recours à des recrutements de ressortissants étrangers pour effectuer ce type d’opérations, sans que l’auteur ne sache nécessairement qu’il a été engagé par Moscou.

C’est probablement ce qui s’est passé à Prague en juin lorsqu’un Colombien de 26 ans a versé de l’essence sur un bus de la compagnie des transports, avant d’être arrêté et placé en détention. Cet incendie criminel est considéré comme relevant d’un attentat terroriste par les autorités tchèques et ce ressortissant colombien risque une peine exceptionnelle, pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement à vie.

« Cinquième colonne » et « mondialisation du mal »

Les autorités tchèques n’ont de cesse, notamment depuis la guerre en Ukraine et l’intensification des activités du contre-espionnage russe contre les pays européens, de mettre en garde contre les tactiques développées par Moscou qui consistent à créer une « cinquième colonne » dans les pays cibles qui vont ensuite contribuer à relayer la propagande, à leur insu ou non. Pour Tomáš Pojar, conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre Petr Fiala, la Russie a fini par renouer avec des traditions soviétiques en matière de guerre hybride, les nouvelles technologies en plus.

Depuis plusieurs années, en lien notamment avec les attaques contre des dépôts de munition à Vrbětice, menée par des agents russes du GRU, puis à la suite de l’attaque contre l’Ukraine, la Tchéquie a expulsé des dizaines de diplomates russes, dans l’optique de minimiser l’influence de Moscou sur son territoire. Mais, selon le directeur du service de contre-espionnage Michal Koudelka, la Russie s’est adaptée et a recours à toutes sortes de nouvelles tactiques comme celles développées plus haut.

Réfutant tout alarmisme et s’appuyant davantage sur une position de réalisme et de lucidité, il rappelé la nécessité de ne pas sous-estimer la menace que représente la Russie, a fortiori en raison de la convergence du pays avec des alliés comme la Chine, l’Iran et la Corée du Nord. Alors que les services secrets russes planifient déjà des opérations pour l’après-guerre en Ukraine, qui pourraient décider d’un futur conflit mondial et avec pour objectif de restaurer leur influence en Europe et en Tchéquie, l’heure est à la prise de conscience que « nous assistons à une mondialisation du mal », a souligné Michal Koudelka, de toute évidence sans crainte d’une quelconque grandiloquence.