Crise énergétique en Bulgarie : ČEZ échappe au retrait de licence tandis que le gouvernement bulgare tombe

Photo: CTK

La crise énergétique en Bulgarie, dont la compagnie d’électricité tchèque ČEZ est un acteur majeur, a pris un tournant radical dans la nuit de mardi à mercredi. Avec pour résultat, l’annonce, mercredi matin, par le premier ministre bulgare, de la démission de son gouvernement, six mois avant les élections.

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Le mécontentement de la rue aura eu raison du gouvernement de Boïko Borissov en Bulgarie. Après plus de deux semaines de manifestations avec des heurts parfois violents avec la police et la tentative d’un jeune homme de s’immoler par le feu, le premier ministre a déclaré qu’il « rendait le pouvoir au peuple ».

Ainsi l’annonce mardi, d’un retrait de sa licence au géant tchèque de l’énergie ČEZ, objet de toutes les protestations des manifestants avec sa consœur autrichienne EVL et une autre société tchèque, n’aura pas suffit à calmer la situation. D’ailleurs, dès ce mercredi, l’information sur le retrait de la licence à ČEZ n’était déjà plus d’actualité.

La Bulgarie est en ébullition depuis deux semaines en raison de la hausse exceptionnelle des tarifs de l’électricité en janvier, qui ont atteint parfois plus de cent euros par mois et par ménage dans un pays où le salaire mensuel moyen, le plus faible de l’Union européenne, est de moins de 400 euros.

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Pour l’expert en énergie Michal Šnojbr, l’affaire va désormais au-delà du simple problème énergétique :

« D’après les données que l’on peut recueillir et les médias, je pense que l’on peut dire que les problèmes en Bulgarie sont bien plus vastes. Selon moi, les problèmes auxquels fait face la société ČEZ sont plus le catalyseur du mécontentement de la population bulgare. Il s’agit d’un problème politique bulgare qui a malheureusement touché celui qui envoie les factures d’électricité. L’électricité est un problème très sensible dans les pays les plus pauvres. »

Cette évolution de la situation est un point de vue partagé par l’ambassadeur tchèque à Sofia, Pavel Vacek :

« La hausse des prix de l’électricité était la raison principale au tout début des manifestations, fin janvier. Mais depuis une semaine au moins, ces manifestations sont également contre la cherté de la vie, les conditions de vie des couches les plus pauvres de la population. »

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Détentrice de 40% du marché de l’énergie en Bulgarie, la compagnie ČEZ est tout particulièrement sous le feu des critiques de la population bulgare. Une situation de déjà-vu pour ČEZ, qui s'est récemment vu retirer sa licence en Albanie après des problèmes similaires liés aux tarifs et à des factures impayées. Un coup dur, donc, pour la présence de la compagnie dans les Balkans qui voit ainsi son expansion à l’Est et au Sud fortement compliquée. Pour Michal Šnojbr, l’éclatement de cette crise dans les Balkans n’est pas un hasard :

« Ce n’est pas un hasard si cette crise éclate dans les pays pauvres des Balkans, que ce soit en Bulgarie, pays le plus pauvre de l’UE ou en Albanie qui est de facto liée au marché énergétique européen. Je pense que le problème réside dans l’unification de la politique énergétique européenne qui est difficile à supporter par les pays plus faibles. En Bulgarie, les tarifs sont relativement bas par rapport au reste de l’Europe, toutefois en comparaison avec le pouvoir d’achat des habitants, la différence est énorme par rapport à l’Europe centrale et de l’Ouest. Donc le mécontentement des Bulgares est justifié. Et je pense que le problème clé est justement cette unification de la politique énergétique européenne. »

Côté tchèque en tout cas, on a vivement réagi aux rebondissements de ces derniers jours, le premier ministre Petr Nečas demandant à la Bulgarie de respecter ses engagements sur la protection des investissements. Si la licence de distribution n’a pas été retirée à la compagnie ČEZ par les autorités bulgares, celle-ci est quand même sous le coup d’une procédure administrative pour certains dysfonctionnements. Ce mardi, le ministre des Finances Miroslav Kalousek a exprimé sa conviction que le géant tchèque de l’électricité n’avait violé aucunes réglementations du pays et s’est voulu rassurant sur les éventuelles conséquences financières que la crise bulgare pourrait avoir sur la compagnie et l’Etat tchèque.