Crise migratoire, Babiš et Zeman, nouveaux objets de mobilisation pour TOP 09
Principal parti de droite et de l’opposition en République tchèque, TOP 09 n’est plus dirigé par le charismatique Karel Schwarzenberg. Président de la formation conservatrice depuis sa création il y a six ans, l’ancien chef de la diplomatie et candidat malheureux à la dernière élection présidentielle a passé la main à Miroslav Kalousek, un personnage incontournable de la scène politique tchèque depuis de nombreuses années, lors du congrès du parti qui s’est tenu le week-end écoulé. Un congrès au cours duquel la crise migratoire, Andrej Babiš et Miloš Zeman ont été au cœur des débats.
Pour Miroslav Kalousek, figure sans doute la plus forte en gueule de l’opposition, ce week-end de congrès aura d’abord été l’occasion de se distancer autant que possible des positions défendues par le ministre des Finances et le président de la République. Le nouveau leader officiel de TOP 09 et son prédécesseur Karel Schwarzenberg, qui ont fondé TOP 09 ensemble en 2009, estiment qu’Andrej Babiš et Miloš Zeman représentent une menace pour la démocratie en République tchèque et s’efforcent de replacer celle-ci dans le giron de la Russie. Jamais avare d’un mot doux à l’adresse d’Andrej Babiš dans les débats parfois houleux au Parlement, Miroslav Kalousek affirme que l’orientation à donner à son parti est évidente dans le contexte actuel :
« TOP 09 ne peut pas changer dans ses idées, dans son orientation. Nous avons vu le jour comme un parti qui veut protéger les idées conservatrices sur la scène politique tout en étant clairement pro-européen, ce qui n’était pas possible pour nous dans l’ancien gouvernement, car les forces non socialistes sont plutôt sceptiques vis-à-vis de l’UE. Pour notre part, nous affirmons qu’il n’existe pas d’autre alternative pour un pays comme le nôtre. Ceci dit, au-delà des valeurs que nous défendons, nos missions ont évolué ces dernières années. Aujourd’hui, il convient de défendre la liberté dans notre pays pour pouvoir tout simplement mener cette lutte d’idées. Il faut aussi protéger les gens qui luttent contre la montée de l’extrémisme qui menace dans toute l’Europe en raison de la crise migratoire. Et il convient enfin de faire face à cette crise migratoire de façon à ce que la République tchèque n’en sorte déshonorée tout en assurant la sécurité de ses citoyens. »
A travers ses propos, Miroslav Kalousek entendait faire un appel du pied notamment au parti social-démocrate (ČSSD), une des deux principales formations, avec le mouvement ANO d’Andrej Babiš, de l’actuelle coalition gouvernementale dirigée par Bohuslav Sobotka. Un ČSSD qui, malgré son refus des quotas de répartition imposés par l’UE et un ministre de l’Intérieur, Milan Chovanec, qui a adopté une position intransigeante sur la question de l’accueil des réfugiés, s’efforce tant bien que mal, avec les chrétiens-démocrates et un succès très mitigé, de convaincre les Tchèques que la solution à la crise migratoire ne pourra être qu’une solution européenne.De là à imaginer qu’une coalition entre un parti conservateur et un parti socialiste dont les programmes politiques sont diamétralement opposés soit possible dans un avenir plus ou moins proche, il y a un pas. Un pas que, dans l’état actuel des choses et compte tenu de la relative bonne entente entre le Premier ministre Bohuslav Sobotka et son vice-Premier ministre et ministre des Finances Andrej Babiš, seul Miroslav Kalousek s’aventure à franchir.
Mais au-delà de l’élection de Miroslav Kalousek, ou encore de celle assez rare en politique tchèque pour être soulignée de trois femmes aux fonctions de vice-présidentes, ce congrès de TOP 09 a donc aussi été marqué par la fin du règne de Karel Schwarzenberg. Apprécié notamment dans les grandes villes du pays et dans les sphères culturelle, artistique ou encore universitaire, cet ancien proche de Václav Havel, qui continuera à occuper les fonctions de président d’honneur du parti et de député, a transmis le flambeau en formulant un dernier discours dans lequel il a, entre autres, appelé les siens à faire preuve de solidarité :« Rendons-nous compte que chacun d’entre nous peut être un réfugié, que chacun d’entre nous peut se retrouver dans cette situation. Et chacun est alors reconnaissant quand un autre pays l’accueille, comme cela a été le cas pour nous, Tchèques, en 1938-1939, 1948 et 1968. Alors, oui, nous aussi, soyons accueillants ! »